La « section 230 », dont Donald Trump n’a pas cessé de réclamer l’abrogation ces derniers mois quand il s’est rendu compte que les réseaux sociaux se mettaient à le modérer, ne sera pas touchée. Du moins, pas dans un avenir proche. Le projet de réforme qui était dans les tuyaux a été remisé au placard, a fait savoir début janvier le régulateur américain des télécommunications.
Son président, Ajit Pai, a en effet fait savoir le 7 janvier au site Protocol que la Federal Communications Commission (FCC) ne concrétisera pas la requête du président sortant. Il faut dire que le temps manquait de toute façon à la FCC. Fin novembre, on apprenait le départ futur d’Ajit Pai de son poste. Sa démission sera effective le 20 janvier, quand l’administration Biden entrera en fonction.
Les appels à l’abrogation de la section 230 au cours du second semestre 2020, quand il a été constaté que Twitter est intervenu pour masquer par défaut (sans le supprimer) un tweet de Donald Trump suggérant que la grippe est plus mortelle que le coronavirus. Pour sa part, Facebook est allé plus loi en supprimant directement le message publié par le chef de l’État, pour infraction à ses règles.
La section 230 est une disposition d’une loi américaine (Communications Decency Act) votée en 1996. Elle définit la responsabilité des services en ligne face aux contenus que des tiers, en l’espèce des internautes, publient et partagent. Elle ressemble ainsi à la loi pour la confiance en l’économie numérique (LCEN) en France, qui détermine aussi un régime de responsabilité a posteriori pour les plateformes.
Protéger les voix conservatrices, selon Trump
L’obsession de Trump à s’attaquer à la section 230 était motivée par la nécessité, selon lui, d’obliger les géants du net à être politiquement neutres. Des conservateurs aux États-Unis croient que les réseaux sociaux brident leurs voix et utilisent secrètement leurs algorithmes pour les censurer — ces allégations portées à l’encontre de sites comme Twitter, Facebook ou YouTube n’ont jamais été démontrées.
Ces efforts se sont faits plus pressants à mesure que la campagne présidentielle arrivait à son terme, puisque Donald Trump a fait l’objet d’une politique de modération croissante de la part de Twitter — son principal canal de communication, jusqu’à ce qu’il soit privé de son compte personnel après les scènes insurrectionnelles à Washington –, avec des labels de mise en garde et des tweets cachés par défaut.
Dans les faits, une révision profonde de la section 230 aurait vraisemblablement produit un effet complètement contraire à ce qu’imaginait Trump : sans une protection juridique, les géants du net aux USA auraient sans doute durci considérablement leur modération pour éviter de prêter le flanc à une quelconque action en justice. Cela aurait probablement nui à tout le monde, y compris aux conservateurs.
Ajit Pai est une figure très controversée outre-Atlantique pour sa proximité avec le secteur des télécoms et pour son rôle actif dans la disparition de la neutralité du net. Son successeur doit être choisi par Joe Biden, comme le prévoit la procédure. De fait, la FCC devrait repasser à une majorité démocrate : les règles prévoient qu’un même parti ne peut pas nommer plus de trois commissaires sur cinq à la FCC.
La personne qui prendra la succession d’Ajit Pai aura donc sur le feu au moins deux grands dossiers.
Que faut-il faire de la section 230 ? Dans le camp démocrate aussi, la section 230 pose problème : Joe Biden a dit lui aussi vouloir se débarrasser, ou en tout cas refondre, la loi qui exonère les entreprises de leur responsabilité si elles interviennent assez vite quand un signalement leur est remonté. « La section 230 devrait être révoquée », a-t-il ainsi déclaré, en évoquant Mark Zuckerberg et Facebook.
La neutralité du net sera-t-elle réinstaurée aux USA ? Plusieurs parlementaires ont tenté, sans succès, de contrer les agissements de la FCC sous l’ère d’Ajit Pai. L’arrivée de Joe Biden au pouvoir offre une fenêtre de tir idéale, d’autant que le camp démocrate, qui est traditionnellement en faveur de la neutralité du net, a la possibilité d’avoir la maîtrise de la majorité dans les deux chambres du congrès.
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