Il y avait eu un premier coup de semonce en mai 2020, tiré par le Conseil d’État. Puis un second, en décembre, toujours de la même institution. En ce début d’année, la salve est partie cette fois de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). À chaque fois, la même cible : l’utilisation par les forces de l’ordre de drones de surveillance dans l’espace public, sans aucun cadre légal.
Tout est parti d’articles de presse relatant l’usage de drones équipés de caméras pour voir si les mesures du confinement au printemps dernier étaient bien respectées par la population. Découvrant cette initiative, et percevant les implications que cela pouvait avoir sur les libertés, la Cnil s’est alors rapprochée du ministère de l’Intérieur pour avoir des précisions sur le cadre d’emploi.
Des questionnaires sont adressés, des courriers sont envoyés et, surtout, des contrôles — plus exactement un — sont effectués dans les locaux de la préfecture de police de Paris. Nous sommes alors en juillet 2020, deux mois après la première décision rendue par la plus haute juridiction administrative, qui demandait la suspension de la surveillance par drone faute d’un cadre juridique valable.
C’est lors d’un vol de démonstration que la Cnil « a constaté que les personnes filmées par ce type de dispositif étaient susceptibles d’être identifiées » et qu’il n’y avait « aucune base légale » pour opérer ce traitement de données personnelles. La Commission nationale de l’informatique et des libertés engage donc dans la foulée une procédure de sanction contre le ministère de l’Intérieur.
Pas d’amende, mais une critique publique
Il faudra plusieurs mois pour en voir le bout : en effet, la délibération de la Cnil est rendue le 12 janvier 2021, deux jours avant que l’institution ne rende publique la nouvelle, pour signifier un peu plus l’importance au moins symbolique de la sanction — la Cnil rappelle qu’elle n’a pas le pouvoir de prononcer la moindre amende contre l’État. Tout ce qu’elle peut faire, c’est un rappel à l’ordre.
Constatant que plusieurs obligations de la loi Informatique et Libertés ont été enfreintes, l’autorité en charge de la protection des données personnelles exige que la place Beauvau se remette dans les clous de la loi. Tout vol de drone doit être suspendu, sans délai. Et s’il n’y a pas de sanction pécuniaire, la CNIL mise sur la publicité de la sanction pour que la population se rende compte des écarts du pouvoir en la matière.
La Cnil rappelle qu’il n’est pas interdit absolument d’utiliser des drones dans le cadre des finalités imaginées par le gouvernement. Cependant, rappelle la CNIL, il doit y avoir soit un cadre légal autorisant le traitement de données à caractère personnel — puisqu’il y a une possibilité d’identification — ou bien un système technique empêchant toute identification des personnes soit mis en œuvre.
« Cette sanction et l’injonction qui l’accompagne concernent l’utilisation des drones par l’ensemble des forces de l’ordre dès lors qu’elles agissent sous l’autorité du ministère, qu’il s’agisse de services de police ou de gendarmerie, sur l’ensemble du territoire, et quelles que soient les finalités poursuivies », écrit la Commission nationale de l’informatique et des libertés. En clair, pas d’exception.
La balle est désormais dans le camp du ministère de l’Intérieur. Il est possible que celui-ci temporise. En effet, cette légalisation du cadre d’emploi est justement en cours, à travers la proposition de loi sur la sécurité globale, et plus précisément son article 22. Adopté au mois de novembre à l’Assemblée nationale, le texte doit maintenant passer au Sénat. Mais ici, l’issue politique est moins certaine.
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