La Commission européenne annonce une série d’amendes contre Valve et cinq studios de jeux vidéo pour avoir pratiqué pendant plusieurs années du « blocage géographique » au sein du marché unique.

7,8 millions d’euros. Tel est le montant de l’amende que vont devoir payer ensemble six entreprises de jeux vidéo sur PC. La Commission européenne a annoncé ce mercredi 20 janvier une sanction à l’encontre de Bandai Namco, Capcom, Focus Home, Koch Media, Valve et ZeniMax, en raison de pratiques commerciales illicites — plus exactement, les six sociétés pratiquent du « blocage géographique ».

L’affaire, qui a donné lieu en avril 2019 à l’ouverture d’une procédure formelle, concernait les clés d’activation, qui doivent être renseignées lors de l’activation d’un jeu PC qui a été acheté avec un support physique (DVD ou Blu-ray par exemple). Ces clés sont requises sur certains services de distribution de jeux vidéo — comme Steam, la filiale de Valve qui est la plus importante du secteur.

À l’époque, Bruxelles suspectait des accords bilatéraux entre Valve et ces cinq éditeurs pour « empêcher les consommateurs d’acheter et d’utiliser des jeux vidéo sur PC achetés ailleurs que dans leur pays de résidence » — d’où les accusations de géoblocage. Or, ce type de restriction n’est plus censé avoir cours au sein de l’Union européenne, du fait de la mise en place d’un marché unique numérique.

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L’affaire concernait des pratiques dans le monde du jeu vidéo sur PC. // Source : SteelSeries

Depuis le 3 décembre 2018, ces frontières virtuelles sont censées être interdites. C’est en effet à cette date qu’un règlement est entré en vigueur pour lever des blocages, si elles ne sont pas justifiées. Or justement, les pratiques entre Valve et les studios de jeux vidéo mis en cause constituent une infraction aux règles de l’Union européenne en matière de pratiques anticoncurrentielles.

C’est ce que Bruxelles déclare dans son communiqué : « La Commission a constaté qu’en convenant bilatéralement de pratiquer le blocage géographique de certains jeux vidéo sur PC en dehors d’un territoire spécifique, Valve et chacun des éditeurs ont cloisonné le marché ». En tout, le problème affectait une centaine de jeux vidéo, de différents genres, qu’il s’agisse d’action, de sport ou de simulation.

En empêchant le public d’activer les jeux PC comme il l’entendait, y compris donc lors de transactions transfrontières au sein de l’Union européenne, les éditeurs et Valve ont de fait « empêché les consommateurs européens de profiter des avantages du marché unique numérique de l’UE en procédant à une comparaison des prix de façon à trouver l’offre qui leur convenait le mieux », continuent les services bruxellois.

Des peines variables et plutôt modestes

Dans le détail, les six compagnies fautives ne sont pas logées à la même enseigne. Il s’avère que les peines sont modestes pour Bandai Namco et Capcom, avec des amendes atteignant respectivement 340 000 et 396 000 euros. Koch Media est sanctionné à hauteur de 977 000 euros. Les peines sont en revanche beaucoup plus lourdes pour Focus Home (2 888 000 euros) et ZeniMax (1 664 000 euros).

Et Valve, alors ? Sa peine atteint 1 624 000 euros. La Commission européenne fait savoir que la société américaine n’a pas voulu coopérer avec elle sur ce dossier. En conséquence, elle n’a pas eu droit à des réductions, contrairement à toutes les autres (Bandai Namco, Focus Home, Koch Media et ZeniMax ont chacune obtenu une réduction de 10 % au titre de la coopération, Capcom a bénéficié d’une baisse de 15 %.

En théorie, la Commission européenne aurait pu sanctionner beaucoup plus durement les entreprises mises en cause. En effet, Bruxelles a potentiellement la capacité d’infliger des amendes dont le montant équivaut à 10 % du chiffre d’affaires annuel mondial par société — mais encore faut-il que cela soit justifié et proportionné par rapport aux faits qui sont reprochés et à l’attitude des entreprises.

Steam/Capture d'écran du 5 juillet 2018

Les faits reprochés ont cessé entre 2015 et 2018, relève la Commission européenne.

Les faits reprochés ont duré entre septembre 2010 et octobre 2015 pour un premier type de blocage géographique, et de mars 2007 à novembre 2018 pour l’autre. Selon les cas, cela durait entre un et cinq ans pour le premier, et trois et onze ans pour le second. Du fait du règlement sur le blocage géographique injustifié, mis en place en décembre 2018, ces pratiques ne sont plus censées avoir cours.

Il est à noter que la Commission européenne a dès février 2017 déclenché une procédure formelle d’examen sur les accords bilatéraux conclus entre Valve et les cinq éditeurs de jeux vidéo sur PC, et cela alors que le règlement sur le blocage géographique injustifié n’était pas en place. Cela n’a pas été gênant : Bruxelles a mobilisé d’autres outils juridiques pour s’attaquer à ce dossier.

En effet, l’article 101 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ainsi que l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen interdisent tout accord entre entreprises quand celui-ci empêche, restreint, ou fausse le jeu de la concurrence dans le cadre du marché unique. Et ces deux textes juridiques sont bien plus antérieurs aux faits reprochés aux cinq studios et à Valve.

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