Comme prévu, le Sénat a commencé à examiner début mars la proposition de loi sur la sécurité globale, adoptée fin novembre par l’Assemblée nationale. Et comme la droite, majoritaire dans la chambre haute du Parlement, l’avait annoncé, diverses dispositions sont en train d’être revues, à commencer par le désormais bien identifié article 24, qui fait polémique parce qu’il porte sur l’enregistrement et la diffusion d’images de forces de l’ordre et fait peser des incertitudes sur la liberté d’informer.
D’ores et déjà, l’article 24 vient de connaître une première réécriture d’importance au sein de la commission des lois au Sénat le 3 mars, rapporte Dalloz. Entre autres, le texte ne fait plus mention à la loi de 1881 sur la liberté de la presse, mais intègre à la place le code pénal. En outre, il n’est plus question de diffusion d’image à proprement parler, mais de réprimer la provocation à l’identification des forces de l’ordre. L’article 24 n’est pas encore figé : il pourrait encore bouger lors de la discussion en séance plénière.
Mais à côté de ces ajustements, les sénateurs ont aussi décidé de compléter l’article 24 en développant une nouvelle incrimination. Celle-ci entend sanctionner les personnes constituant des fichiers illicites ciblant les fonctionnaires — comme des policiers ou des gendarmes — ou les personnes chargées d’un service public, à des fins malveillantes. Pour cela, les sénateurs proposent une peine pouvant conduire au maximum à cinq ans de prison et 300 000 euros d’amende.
Le nouvel article du code pénal qui serait créé, numéroté 226-16-2, rappellerait que le fait de procéder ou de faire procéder à un traitement de données personnelles de ces publics, lorsque ces traitements ne sont pas couverts par le Règlement général sur la protection des données (RGPD) et la loi Informatique et Libertés, est illicite. Les sénateurs font observer au passage que cet article répond à une préconisation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).
Cet ajout a été obtenu par un amendement rédigé par Marc-Philippe Daubresse (Les Républicains) et Loïc Hervé (Union centriste), qui sont par ailleurs rapporteurs de la proposition de loi au Sénat. Il vise « à garantir la répression de la constitution de fichiers […] dans un but malveillant », expliquent les deux sénateurs dans l’exposé des motifs. La disposition doit figurer dans la partie du code pénal relatif aux atteintes aux personnes du fait des fichiers informatiques.
Le Sénat et l’Assemblée nationale sur deux longueurs d’onde
Après le passage en commission des lois du Sénat, le texte sera ensuite discuté en séance plénière. Dans la mesure où la chambre haute élabore une autre proposition de loi sur la sécurité globale, avec un certain nombre d’ajouts, de retraits et de modifications pour chaque article ou presque, il faudra constituer une commission mixte paritaire (composée de sept sénateurs et sept députés) pour aboutir à un seul texte législatif. À supposer qu’un consensus puisse se dégager.
En cas d’échec d’un accord, l’Assemblée nationale a le dernier mot.
Dans la mesure où le gouvernement a choisi d’engager la procédure accélérée sur le texte, celui-ci ne peut passer qu’une seule fois devant chaque chambre du Parlement. Ensuite, le président de la République a quinze jours pour promulguer la loi. La publication au Journal officiel surviendra ensuite, avec une entrée en vigueur le lendemain, sauf pour les mesures qui ont un calendrier propre ou qui dépendent de décrets d’application à prendre pour préciser les modalités de leur mise en œuvre.
Ces étapes à venir pourraient néanmoins être contrariées par l’intervention du Conseil constitutionnel. Le Premier ministre Jean Castex a en effet indiqué l’an dernier son intention de saisir l’instance chargée de vérifier la conformité des lois à la Constitution. Or, les Sages de la rue de Montpensier sont aussi susceptibles de censurer tout ou partie du texte, si certaines dispositions vont trop loin. En somme, il n’est pas impossible de voir la loi sur la sécurité globale dérailler.
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