Le gouvernement y était défavorable, mais le Sénat a passé outre. Dans le cadre de l’examen de la proposition de loi relative à la sécurité globale, les sénateurs ont adopté le 16 mars un amendement qui impose l’avis préalable de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) avant la prise d’un décret déterminant les modalités d’application de la vidéosurveillance en France.
Dans l’exposé des motifs, les parlementaires disent s’inscrire dans l’article 20 de la proposition de loi, qui traite de la vidéoprotection et de la captation d’images. Les élus notent des « améliorations » dans cet article, « notamment concernant la sécurité des enregistrements et la traçabilité de leur consultation », mais il manquait l’autorité de protection des données personnelles dans la boucle.
L’amendement vise à modifier plus précisément l’article L255-1 du Code de la sécurité intérieure. Celui-ci dispose que le gouvernement peut prendre un décret pour déterminer la manière dont les articles relatifs à la vidéosurveillance s’appliquent. Le décret fixe entre autres l’information au public sur l’existence d’un dispositif de vidéosurveillance et sur l’identité de l’autorité responsable.
C’est également ce décret qui organise les conditions d’accès aux enregistrements pour les agents habilités, et comment la commission départementale de vidéoprotection exerce son contrôle. Jusqu’à présent, cet article L255-1 ne prévoyait que l’avis préalable de la Commission nationale de la vidéo protection. L’amendement des sénateurs ajoute donc la CNIL à ce travail en amont.
Le Sénat recadre le gouvernement
Sur un autre amendement, présenté cette fois par l’exécutif, le Sénat et le gouvernement ont également affiché leur désaccord. La manœuvre du pouvoir était audacieuse : elle visait à lui donner le droit de modifier le droit de la vidéosurveillance par ordonnances, c’est-à-dire réécrire des pans de la loi — il lui faut toutefois obtenir l’accord du Parlement au préalable et sa validation après un certain délai.
Sur le papier, le gouvernement souhaitait pouvoir prendre « toute mesure [pour] modifier le régime juridique de la vidéoprotection », pendant une durée d’un an et demi. Selon l’exposé des motifs, il s’agissait d’abroger des dispositions obsolètes ou sans objet, d’homogénéiser des dispositions avec d’autres textes juridiques, de se mettre en conformité avec le droit sur la protection des données personnelles.
L’exécutif disait aussi vouloir ainsi « simplifier et moderniser les conditions d’autorisation, de mise en œuvre et de contrôle des systèmes de vidéoprotection ». Le gouvernement juge que des dispositions dans le domaine de la vidéosurveillance « n’ont que très peu évolué depuis 10 ans, alors même que les moyens de captation d’images connaissaient un essor considérable ».
Ce n’est pas la première fois que le gouvernement a tenté de profiter de la proposition de loi sur la sécurité globale pour agir plus librement : lorsque le texte est passé devant l’Assemblée nationale, il a déposé un amendement identique, avant de le retirer. Les mêmes arguments étaient alors développés, par exemple sur la nécessité de s’adapter au Règlement général sur la protection des données (RGPD).
La proposition du gouvernement a toutefois été rejetée par le Sénat en séance. Elle avait aussi reçu un avis défavorable de la commission des lois. Le gouvernement peut toujours proposer des actualisations du régime juridique de la vidéosurveillance s’il le désire, mais il lui faudra passer par une procédure parlementaire plus classique, au lieu de mobiliser le mécanisme des ordonnances.
Compte tenu des différences législatives qui existent entre la version du texte qui a été adoptée à l’Assemblée nationale et celle qui est en train d’être prise au Sénat, il faudra constituer une commission mixte paritaire pour homogénéiser. Dès lors, l’amendement pris par le Sénat sur la CNIL n’a aucune garantie. D’autant que c’est l’Assemblée nationale qui a le dernier mot, si aucun consensus n’émerge.
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