Les images satellites de Gaza et d’Israël proposées par Google Earth sont bien moins précises que ce que propose habituellement le service, sur des zones aussi densément peuplées. Impossible de distinguer une voiture, les bâtiments se devinent tout juste, et les images sont globalement datées.

Sur Google Earth, les images de Gaza et d’Israël sont plus floues que la majorité des autres endroits du globe. C’est la BBC qui a attiré l’attention sur ce point, le 17 mai, après une semaine de conflit d’une rare intensité. À la date du 17 mai, 198 Palestiniens ont été tués, plus de 1 300 ont été blessés et environ 40 000 Palestiniens ont fui leur maison. Côté israélien, dix personnes ont été tuées, et 294 ont été blessées.

Pour localiser ces attaques et étudier les destructions, rapporte la BBC, des chercheurs se sont spontanément tournés vers Google Earth. Ils se sont cependant aperçus que la précision des images satellitaires des territoires palestiniens et d’Israël était très différente de celle habituellement proposée sur des zones à si forte densité de population.

Numerama a fait le test à divers endroits de l’enclave palestinienne en les comparant à des villes situées à proximité (El-Arich en Égypte, Tyr au Liban, etc.). La différence est en effet flagrante.

Vue d'El-Arich (Egypte) Vue de Gaza, à la même échelle

Comme le souligne la BBC, même Pyongyang, le siège du régime autoritaire de Corée du Nord, n’échappe pas aux yeux inquisiteurs des satellites spatiaux. Si Kim Jong-un préférerait certainement garder le voile sur la capitale, elle s’affiche ainsi sur Google Earth avec un grand luxe de détails.

Même Pyongyang qui abrite le régime autoritaire de Corée du Nord s'affiche avec un grand luxe de détails sur Google Earth // Source : Capture Numerama / Google Earth

Même Pyongyang qui abrite le régime autoritaire de Corée du Nord s'affiche avec un grand luxe de détails sur Google Earth

Source : Capture Numerama / Google Earth

Des images datées de Gaza sur Google Earth

Certains sites abritant des équipements militaires sont — on le sait – volontairement floutés sur Google Earth, pour des raisons de sécurité. C’est le cas de l’île Longue, à Brest, qui abrite par exemple en ce moment le sous-marin nucléaire français « Le Terrible ». Mais dans le cas de Gaza et d’Israël, il ne s’agit pas du tout de sites spécifiques : toutes nos tentatives ont abouti à l’affichage d’images de piètre qualité. C’est bien ces zones toutes entières qui font l’objet d’un traitement différencié.

« Il est insensé que Google (et Bing, et même Yandex) refuse de fournir des images satellites correctes pour [Gaza] qui est une des zones les plus peuplées du monde, et qui est régulièrement touchée par des frappes israéliennes, tweete ainsi le journaliste Aric Toler du média d’investigation Bellingcat. Les images les plus récentes datent de 2016, et sont de très mauvaise qualité.»

Une fréquence d’actualisation bien éloignée de ce que propose en théorie Google Earth : « Les grandes villes évoluent en permanence, nous essayons donc d’actualiser leurs images satellite chaque année. Pour des villes de taille moyenne, nous essayons de le faire tous les deux ans, et pour les plus petites villes, tous les trois ans. (…) Nous essayons de suivre le monde à mesure qu’il change. Nous rafraîchirons donc les zones plus fréquemment, si nous pensons qu’il y a beaucoup de construction de bâtiments ou de routes à cet endroit. »

Jusqu’il y a peu, explique la BBC, l’amendement Kyl-Bingaman (KBA) interdisait aux entreprises américaines de vendre des images satellites d’Israël et de Gaza trop précises. Cet amendement passé en 1997 a cependant été supprimé en juillet 2020. Les sociétés US ont donc désormais le droit de fournir des images bien plus précises de ces régions.

Des images satellite plus précises sont pourtant disponibles

Pourquoi des sociétés comme Google et Apple continuent-elles alors de proposer un niveau de détail aussi médiocre sur ces zones ? Nous avons les avons contactés pour leur poser la question. Les deux s’en tiennent à une réponse très succincte. Apple indique qu’elle souhaite actualiser bientôt ses cartes afin d’offrir une meilleure résolution, sans indiquer d’échéance précise.

Google se contente également de rappeler sa réponse officielle  : « L’imagerie satellitaire de Google Maps et Earth est élaborée à partir d’une grande variété de sources, notamment des sources publiques, gouvernementales, commerciales et privées. Nous étudions les possibilités de rafraîchir cette imagerie à mesure que des vues avec des résolutions plus élevées deviennent disponibles. Nous n’avons pas d’annonces à effectuer pour le moment. »

Pour le moment, Gaza est toujours très flou sur Google Earth. // Source : Capture Numerama / Google Earth

Pour le moment, Gaza est toujours très flou sur Google Earth.

Source : Capture Numerama / Google Earth

Des fournisseurs d’images satellites tels que Maxar confirment que des vues mieux détaillées de Gaza et Israël sont disponibles. Maxar a même diffusé sur Twitter le 13 mai des images prises la veille montrant les effets du conflit : « Des incendies et de la fumée sont visibles aux endroits récemment touchés par des tirs de roquettes. Plusieurs bâtiments ont été détruits à Gaza. »

Reste à voir si Google et Apple incluront rapidement, dans leurs cartes, des images plus précises de Gaza et d’Israël, et à quelle fréquence les sociétés les actualiseront par la suite. Pour que les images satellites permettent de réaliser des analyses intéressantes, il est important en effet qu’elles soient, à la fois, précises et régulièrement mises à jour.

Lorsque c’est le cas, elles peuvent donner des perspectives très utiles sur ce qu’il se passe dans le monde, qu’il s’agisse d’analyser des activités naturelles (la fonte des glaces) ou économiques (les volumes de conteneurs sur un port). Les images satellite sont aussi des données très pertinentes pour analyser l’impact d’actions militaires. Des chercheurs de l’organisation Human Rights Watch avaient ainsi collaboré avec le fournisseur d’imagerie satellite Planet, en 2017, afin d’évaluer l’ampleur de la destruction de villages rohingyas par l’armée birmane.  Des données satellites précises de Gaza et d’Israël pourraient aider à effectuer un travail similaire sur l’impact des frappes et l’évolution globale des deux zones.

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