C’est une défaite politique pour la majorité présidentielle, le gouvernement et surtout pour le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, qui s’était fortement impliqué dans les débats au Parlement lors de l’examen de la proposition de loi sur la sécurité globale. Jeudi 20 mai, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision sur le texte, et celui-ci ressort meurtri de son passage devant les « Sages ».
Des censures et des réserves d’interprétation
La mesure la plus symbolique de la loi, sur la « provocation à l’identification » des forces de l’ordre, et indirectement la possibilité de les filmer en opération, a été censurée. Le Conseil a reproché au Parlement une rédaction trop vague. « Le législateur n’a pas suffisamment défini les éléments constitutifs de l’infraction », écrit l’instance chargée de vérifier la conformité des textes, évoquant un risque d’arbitraire.
Le Conseil constitutionnel a par ailleurs censuré d’autres pans importants du texte et inclus des réserves d’interprétation sur des dispositions qui ont survécu à l’examen juridique. Notamment, le recours à la surveillance par des drones a été censuré. Si son principe a été approuvé, sa mise en œuvre a été jugée trop large et insuffisamment bordée par des garanties relatives au droit à la vie privée.
A également été évincée l’inscription du recours aux caméras embarquées dans les véhicules et les aéronefs des forces de l’ordre, faute de pour le parlement d’avoir fixé une limite maximale à cette durée ni de borne au périmètre dans lequel cette surveillance s’exerce. Par ailleurs, le Conseil relève qu’il n’y avait pas non plus ni aucun régime d’autorisation ni d’information à une autorité.
Dans les mesures qui n’ont pas été retoquées figure l’usage des caméras individuelles par les forces de l’ordre. Cette technique est validée par le Conseil, mais il y ajoute quand même une réserve d’interprétation, au bénéfice des droits de la défense : il faut garantir l’intégrité des enregistrements et la traçabilité des consultations, afin d’éviter un quelconque déséquilibre.
Quelles suites pour ce texte ?
Si la loi sur la sécurité globale n’a pas été aussi malmenée par le Conseil que la loi sur la haine en ligne, qui a été vidée de sa substance, le sort qui lui a été réservé témoigne d’une impréparation juridique : c’est l’un des soucis rencontrés par les propositions de loi, qui émanent du parlement : elles n’ont ni étude d’impact ni avis du Conseil d’État, à la différence des projets de loi, qui viennent du gouvernement.
Le bilan n’est pas fameux. Le Conseil constitutionnel indique avoir censuré totalement ou partiellement sept articles de la loi sur la sécurité globale, assorti quatre autres articles de réserves d’interprétation et censuré d’office cinq dispositions ayant le caractère de « cavaliers législatifs » — en clair, ce sont des mesures qui n’ont aucun objet direct avec le texte et qui n’ont donc rien à faire là.
Même si le texte s’est avéré bancal sur le terrain juridique, en témoigne le verdict rendu par le Conseil , la proposition de loi n’est pas complètement en ruine. Tous les pans du texte qui sont encore debout vont pouvoir devenir force de loi une fois que la promulgation et la publication au Journal officiel auront lieu — sous réserve de dispositions ayant leur propre calendrier ou nécessitant des décrets.
D’autres développements, sur un plan plus politique, sont aussi à envisager. En effet, rien n’empêcherait à terme la majorité présidentielle de retenter le coup avec une nouvelle loi qui reprendrait tout ou partie des dispositions qui ont été retoquées ou nuancées par le Conseil constitutionnel, avec une nouvelle rédaction. En cette dernière année avec les élections présidentielles, l’hypothèse est plausible.
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