Le message d’Emmanuel Macron le plus vu, le 2 avril, pour la journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, n’était ni sur Twitter, ni sur YouTube, ni même sur le compte TikTok du président de la République. Pour le trouver, il fallait aller sur le compte TikTok @familylakehouse, où un message vidéo du président à Pierre, un jeune homme autiste, a été vu plus d’un million de fois et a recueilli plus de 200 000 likes. Emmanuel Macron remercie Pierre et lui lance : « Merci pour les vidéos, l’engagement. On va continuer, et on est totalement à vos côtés. À bientôt ! »
https://www.tiktok.com/@familylakehouse/video/6946590275338865926
Le compte @familylakehouse a été ouvert par Clotilde, 16 ans, qui partage régulièrement des vidéos où apparait son frère, et dans lesquelles elle explique certains comportements liés à l’autisme. « Prévenir c’est protéger. Les gens se moquent rarement quand ils savent, explique-t-elle, par mail. Alors que Pierre vit dans un monde qui a tendance à le rejeter et l’isoler, il reçoit des centaines de mots gentils, de questions de personnes curieuses de comprendre l’autisme, des témoignages et ça lui fait un bien fou ! »
« Alimenter ce compte demande beaucoup de temps, souligne Clotilde. Le message du président lui a donc mis un peu de baume au cœur, en lui « redonnant confiance » en l’impact que pouvait avoir cette activité de sensibilisation.
Des messages présidentiels très consensuels
« La stratégie d’Emmanuel Macron est prudente, remarque Noémie Buffault, cofondatrice de l’agence de communication numérique Leksi. Il adresse un message consensuel à une communauté concernée. » Ce message vidéo est révélateur de la stratégie de communication de l’Élysée sur TikTok.
Certes, Emmanuel Macron partage des vidéos face caméra, en costume. Une communication consensuelle, « très boomer », ironise Noémie Buffault, surtout sur une plateforme utilisée principalement par les plus jeunes.
Mais c’est aussi un utilisateur de TikTok comme les autres : il propose de voir les vidéos en entier « sur [son] Instagram », il partage des vidéos puis les supprime quand elles ne fonctionnent pas (comme une vidéo sur Notre-Dame mi-avril). Il poste aussi régulièrement des commentaires sous les profils des autres, pour les encourager ou rappeler les gestes barrières.
En octobre, Il a par exemple commenté une vidéo de Loïc Suberville, un utilisateur spécialisé dans l’humour anglais-français, qui se demandait s’il fallait dire « le » Covid ou « la » Covid. « LE ou LA COVID ? Ce sont LES gestes barrières qui comptent. Cette fois 0 débat : LE masque, LA distance, LE lavage des mains, L’Aération », répond le compte du président. En janvier, il commente, toujours à propos des gestes barrières, une vidéo humoristique de Cyril Schreiner, un compte avec pas loin de 5 millions d’abonnés. En février, il commente la vidéo de deux sœurs qui parlent des gestes barrières, dans le cadre du challenge #InversonsLaTendance : « Inverser la tendance : oui, on peut le faire si on se mobilise tous ensemble ! Merci Marie et Perrine pour ce rappel. »
L’effet de surprise fonctionne pour le moment
« Emmanuel Macron met des commentaires sur tous types de comptes, observe la consultante Emmanuelle Patry, du Social Media Lab. Ça lui permet de rentrer en contact avec de très grandes communautés. Sa parole est cependant dépolitisée dans ces messages, et les communautés touchées font plutôt des commentaires sur le fait qu’il dépose des commentaires. »
Les commentaires présidentiels donnent en effet parfois lieu à des réponses vidéos, mettant en valeur le commentaire présidentiel, comme dans la vidéo réponse produite par Loïc Suberville ou celle de Cyril Schreiner. Les commentaires sont également enjoués lorsqu’Emmanuel Macron dépose un « 💯 » sous le post d’un jeune qui lui demande son avis sur la chanson de McFly et Carlito. Emmanuelle Patry poursuit : « L’Élysée teste des usages et c’est plutôt bien fait, et bien reçu. En termes d’influence, c’est plutôt malin, les utilisateurs sont flattés. Mais ça ne pourra pas durer longtemps, c’est aussi l’effet de surprise qui fait que ça marche. »
Cette stratégie est pratique pour l’Élysée, puisque les commentaires sont masqués par défaut sur TikTok, et qu’ils ne touchent donc que la communauté créée autour des comptes ciblés. Autre avantage : il n’est pas possible de retrouver sur TikTok tous les commentaires postés par un compte.
Un président qui ne s’adresse plus à tous les citoyens
« C’est malin comme utilisation, mais pas sans risque », souligne Noémie Buffault. Selon la consultante, le message politique devrait être porté, et assumé, de la même manière devant tout le monde. En adaptant des messages à des communautés particulières, sans qu’ils ne soient visibles de tous, on perd la transparence du message présidentiel, qui est une « exigence démocratique ».
Emmanuel Macron est sur TikTok depuis juillet 2020, « avec la volonté d’aller là où est la jeunesse pour lui adresser des messages directement », selon l’Élysée. Un objectif que l’on retrouve dans d’autres projets que son équipe de communication lui organise, notamment, sa collaboration avec les youtubeurs McFly et Carlito (leur nouvelle vidéo tournée avec le président doit d’ailleurs être publiée ce 23 mai à 10h).
Emmanuel Macron n’est pas la seule personnalité politique à utiliser TikTok, mais c’est un des rares à tenter de s’adapter à la plateforme. Jean-Luc Mélenchon le fait également, en likant quelques vidéos d’utilisateurs et utilisatrices appelant à le soutenir, même si ces likes sont moins repris. Il propose aussi des vidéos plus décontractées, notamment sa première qui avait fait mouche avec ses clins d’œil à Wejdene et à Parcoursup.
Que ce soit le député insoumis François Ruffin, la ministre déléguée Marlène Schiappa, ou l’ancienne ministre de la Santé, Agnès Buzyn qui faisait campagne pour la mairie de Paris sur TikTok, les politiques restent cependant souvent en décalage avec la production des autres TikTokeuses et TikTokeurs, Le dernier post d’Agnès Buzyn n’essaie ainsi même plus de suivre les codes de la plateforme : c’est une simple reprise de son clip de campagne. Ces personnalités politiques ont par ailleurs publié moins de dix vidéos en plusieurs mois, quand un TikTokeur assidu peut en poster une dizaine en un jour.
Aux États-Unis, on trouve très peu de politiques sur TikTok mais Christina Haswood s’est démarquée avec ses vidéos sur sa campagne électorale, puis sur son travail au Parlement. Si elle a réussi à décoller, c’est toutefois grâce à l’aide d’un lycéen participant à sa campagne, confie-t-elle à NPR.
« Elle avait les capacités. Il lui fallait juste un ado pour basculer du côté trendy de TikTok », explique le lycéen, ajoutant qu’il surveille les tendances pour identifier celles qui pourraient être utilisées par la candidate, d’une manière plus politique et sérieuse. Alors que les prochaines élections en France se dérouleront avec de nombreuses restrictions, les réseaux sociaux pourraient devenir une planche de salut pour toucher les électeurs. Noémie Buffault met cependant en garde : « Ceux qui gagneront la bataille sont ceux qui auront une démarche sincère ».
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