Les sciences ne sont pas épargnées par le sexisme et par les biais de genre. En médecine, des données publiées en 2020 montraient par exemple que les femmes font face à plus d’effets secondaires dans la prise de médicaments, en raison d’essais cliniques remplis de biais sexistes.
Qu’en est-il du journalisme scientifique ? La revue Nature est l’une des plus grandes références mondiales. C’est à la fois une revue scientifique où sont publiées des études, mais on y trouve également un versant « magazine » où un traitement éditorialisé de l’actualité scientifique est tenu par des journalistes. En 2018, la revue avait publié une autoanalyse montrant que les femmes autrices d’études publiées étaient sous-représentées.
Ce 22 juin 2021, Nature relaie cette fois-ci une étude externe qui se penche sur le nombre d’hommes et de femmes citées dans le versant éditorial de la revue. « Une analyse externe de 15 ans d’histoires révèle que les hommes sont cités plus de deux fois plus souvent que les femmes », résume Nature.
Entre 69 et 87 % de noms masculins depuis 2005
L’étude en question commence par constater que le journalisme scientifique est « un moyen essentiel pour le public de rester informé et de bénéficier des nouvelles découvertes scientifiques », tout en façonnant « l’opinion du public sur l’état actuel des découvertes » et en « légitimant des expert·e·s ». Celles et ceux qui couvrent la science, pour livrer un traitement cohérent, ne peuvent citer qu’un nombre limité de sources. Ces dernières sont identifiées « par les recherches du journaliste ou par les recommandations d’autres scientifiques ». Or, dans les deux cas, des biais peuvent influencer le choix de ces sources.
Les deux scientifiques ont identifié une seule exception à ce déséquilibre : dans la rubrique « Carrières », qui contient des reportages sur les parcours éducatifs et professionnels dans la recherche scientifique, les citations de femmes et d’hommes sont à égalité. Les biais sont plutôt présents dans le traitement effectif de l’actualité scientifique.
L’étude étend son champ de recherche aux « origines des noms », mettant en avant une représentation accrue de noms d’origine celtique et anglo-saxonne face à une sous-représentation des noms asiatiques.
Comment réduire les biais dans une telle revue ?
La revue, tout comme l’auteur et l’autrice, notent quelques défauts à l’étude. Tout d’abord, il peut y avoir un léger décalage entre le décompte du logiciel et la réalité : pour un échantillon d’articles de 2005 à 2015, le logiciel a attribué 78 % des noms à des auteurs hommes, quand le compte réalisé par les scientifiques était de 75 %. Ensuite, le logiciel « ne peut pas estimer le genre non-binaire », ni les sources qui ne sont pas mentionnées par les journalistes pour différentes raisons. Ces éléments n’ont toutefois pas d’impact profond sur la portée de l’étude car, même à quelques pourcentages près et même en prenant en compte une part de personnes non binaires dans les sources, le biais reste significatif et indéniable.
La réponse de Nature
De son côté, la revue Nature prend acte des résultats, indiquant qu’« il faut que nous travaillions plus dur encore pour éliminer les biais dans notre pratique du journalisme. » Bien que la rédaction soit paritaire, elle est essentiellement fixée aux États-Unis et en Europe ; or, Nature étant une revue internationale de référence, « il nous faut trouver des sources plus diverses à travers le monde ».
L’équipe éditoriale de Nature évoque par ailleurs, dans son article, travailler sur des outils centralisés pour réduire les biais. En 2020-2021, la revue a « développé et testé un prototype de système visant à « collecter des informations sur le sexe, le niveau de carrière et la localisation des sources journalistiques », que ce soit pour les personnes expertes ou autres contributions citées. « Nous espérons pouvoir utiliser ces informations pour établir et communiquer une série de chiffres de référence, puis les améliorer. »
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