Cet article est extrait de notre newsletter hebdomadaire Règle30, éditée par Numerama. Nous publions l’édition du 1 juillet 2021 pour vous faire découvrir les sujets que la journaliste Lucie Ronfaut aborde. Pour la recevoir tous les mercredis, abonnez-vous gratuitement sur cette page.
Être une femme, cela peut dire plein de choses. Notre vécu varie selon tout un tas de critères : notre âge, notre couleur de peau, nos origines sociales et géographiques, nos moyens financiers, notre sexualité, si l’on est cis ou trans. Il existe en revanche une expérience commune à une grande majorité d’entre nous. On fera toujours chier les femmes sur leur tenue vestimentaire.
Exemple parmi tant d’autres : le mouvement #infosecbikini. Ce hashtag est né il y a une dizaine de jours, en soutien à une ingénieure en sécurité informatique, Coleen S. On lui a reproché une attitude « pas respectable », à cause d’un selfie d’elle à la plage, publié sur son compte Twitter. Elle s’est aussitôt défendue : « C’est juste un bikini, et je suis une personne normale qui a une vie en dehors de mon travail.» Très vite, de nombreuses personnes, professionnels ou professionnelles de la cybersécurité, ont soutenu leur consœur en publiant leurs propres selfies en maillot de bain.
Derrière cette affaire, il y a d’abord le sujet de la place des femmes dans le domaine de la cybersécurité. Elles composeraient à peine 11% des effectifs des entreprises du secteur, d’après un article du média américain The Intercept datant de 2018. Être une femme qui s’intéresse à la sécurité informatique, de manière professionnelle ou amatrice, c’est subir du mépris, et parfois des menaces. Les affaires de harcèlement sexuel ne sont pas rares. En début d’année, Natalia Antonova, journaliste spécialisée en cybersécurité, racontait dans sa newsletter comment un homme avait tenté de la faire chanter en publiant une photo d’elle en maillot de bain… qui provenait de son propre compte Twitter.
En parcourant le hashtag #infosecbikini, on trouve d’ailleurs des messages de femmes qui soutiennent la cause, mais qui ont peur de publier leurs propres photos en ligne, par crainte de recevoir des commentaires déplacés. Plus généralement, ce mouvement a ouvert un débat sur ce que l’on considère être, ou non, un ou une spécialiste de la cybersécurité. Dans une communauté pourtant prompte à moquer le vieux cliché du hacker et son sweat à capuche, d’autres préjugés (misogynes) perdurent. Kat Maddox, auteur·e et développeur·euse, signale par exemple à juste titre que les travailleuses du sexe ont été des pionnières en cybersécurité moderne, par nécessité de protéger leurs données personnelles. Pourtant, personne ne pense à une hackeuse camgirl ou prostituée.
Il faut noter, enfin, que Coleen S. est une femme trans, et donc particulièrement exposée au harcèlement, qu’il soit cyber ou non. « Un homme peut se prendre en photo à moitié nu, mais si une femme cis ou trans se montre en bikini ou dans une jolie tenue, on dit qu’elle cherche de l’attention », explique-t-elle dans une interview pour Vice. « On doit en finir avec ce double standard.»
Une chose est certaine : on n’aurait pas eu besoin d’un hashtag pour défendre un professionnel de la cybersécurité en maillot de bain. Car tous les jours, des millions d’hommes nous gratifient de leur torse nu sur les réseaux sociaux pour n’importe quelle raison (retour de la salle de gym/barbecue/nous mettre le seum car la modération de Facebook tolère leurs seins, et pas les nôtres), sans que cela n’émeuve qui que ce soit. Mais dans un monde où les femmes sont systématiquement sexualisées, notre corps devient une matière à contrôler, et nos choix jamais respectés. Le cacher est un danger. Le dénuder est inapproprié. #Infosecbikini n’est donc pas qu’une affaire de cybersécurité. C’est une histoire de femmes.
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Quelques liens
Une décision de poids
On l’oublie souvent, mais Pinterest est l’un des plus grands réseaux sociaux du web. Ses décisions ont donc une certaine importance sur le quotidien de millions d’internautes. La semaine dernière, la plateforme a justement annoncé qu’elle allait interdire toutes les publicités faisant la promotion de produits amincissants, et parlant plus généralement de perte de poids. Son but : lutter contre la pression sociale à maigrir, particulièrement chez les jeunes femmes, et les éventuels troubles du comportement alimentaire. C’est à lire du côté de Numerama (un super site).
#MeToo
Il y a quelques semaines, la maison d’édition française Bragelonne, spécialisée dans la littérature de l’imaginaire, faisait l’objet d’une longue enquête de Mediapart. En cause, des accusations portant sur le comportement inapproprié, souvent à connotation sexuelle, de son PDG, Stéphane Marsan. Finalement, début juillet, ce dernier a été remplacé à la tête de l’entreprise, après une mobilisation de salarié·es et d’autrices. Plus d’informations chez Mediapart.
Et ça continue, encore et encore
Depuis plusieurs années, Google publie un « diversity report », où l’entreprise témoigne de ses progrès en termes de recrutement, de diversité raciale et de genre. Malgré quelques améliorations, les chiffres restent édifiants. Près de 68% des employés de Google sont des hommes, et seulement 4,4% sont noirs ou noires. Le rapport de cette année souligne cependant un fait intéressant : en moyenne, Google a amélioré son recrutement de personnes racisées, mais a du mal à les garder. Plus de détails (en anglais) du côté de The Verge.
Monsieur Frodon
L’autrice et dessinatrice Molly Ostertag signe chez Polygon une belle ode à son amour adolescent pour Le Seigneur des Anneaux, alors qu’on célèbre cette année les 20 ans de la trilogie de films. Plus particulièrement, elle s’intéresse à la relation entre Frodon et Sam, et son aspect résolument queer. « J’avais 12 ans, et j’ai éclaté en pleurs quand j’ai vu Frodon embrasser Sam sur le front alors qu’il quittait la Comté, sans comprendre pourquoi j’étais tant bouleversée », écrit-elle. C’est à lire, en anglais, par ici.
Quelque chose à lire/regarder/écouter/jouer
Un ou une ex qui reprend contact avec vous, cela peut vite devenir gênant. Dans le cas d’Alice, l’expérience tourne carrément au séisme personnel. Après avoir écouté un mystérieux disque vinyle envoyé par son ancien petit-ami, perdu de vue depuis des années, la jeune femme se retrouve transportée dans une réalité alternative. Son seul espoir pour reprendre le cours de sa vie : retrouver son ex, Ulysse, et comprendre les mystères qui entourent ce disque.
Across the Grooves est un jeu du studio français Nova-box (qui m’en a transmis une copie presse, merci beaucoup !). Il s’agit d’un roman graphique interactif (ou visual novel), un sous-genre vidéoludique que j’affectionne particulièrement, car je le trouve à la fois immersif et très accessible. Le joueur et la joueuse influence petit à petit l’histoire, débloquant différents scénarios en fonction de ses choix. Dans Across the Grooves, on est donc responsable de l’enquête d’Alice, qui l’emmène de Bordeaux à Paris jusqu’à Londres, Glasgow et Prague. Elle doit revoir Ulysse, et surtout se trouver elle-même.
Across the Grooves n’est pas un jeu parfait (paradoxalement, j’ai moins apprécié… sa musique) mais qui a tout de suite su m’accrocher, et me toucher, le temps d’un après-midi pluvieux. J’ai particulièrement aimé son ambiance, avec ses séquences souvent oniriques et mélancoliques, et d’autres flirtant davantage avec le polar. En apprenant des choses sur Alice, j’ai appris des choses sur moi. Comme elle, ma vie n’obéit pas à un destin tout tracé. Je suis la somme de choix.
Across the Grooves, disponible sur PC, Mac, Linux et Nintendo Switch
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