En Russie, une application mobile a été retirée des boutiques d’Apple (iOS) et Google (Android) à la demande des autorités. Les deux entreprises disent avoir dû se conformer à la loi, les opposants au pouvoir dénoncent une censure. L’application, liée à Alexeï Navalny, encourageait à voter contre les candidats du Kremlin pour les élections législatives.

Les élections législatives russes de 2021 se sont ouvertes ce vendredi 17 septembre, et avec elles est arrivée une controverse sur le retrait d’une application liée à l’opposant et activiste Alexeï Navalny. Le logiciel en question a disparu des boutiques pour Android (Google Play) et iOS (App Store) à la demande des autorités russes. Google et Apple, qui supervisent ces plateformes, ont accepté.

La disparition de l’application a donné lieu à de nombreux commentaires, notamment sur le web russophone. « Le retrait de l’application Navalny des magasins est un acte honteux de censure politique », a réagi Ivan Zhdanov, directeur de la Fondation Anti-Corruption et membre du parti politique Russie du futur, fondé par Alexeï Navalny. « Le gouvernement autoritaire et la propagande de la Russie vont être ravis ».

Même son de cloche chez l’écrivaine Kira Yarmysh. « La décision de retirer l’application Navalny du Google Play et de l’App Store est une énorme déception. Il s’agit d’un acte de censure politique qui ne peut être justifié », a-t-elle écrit sur Twitter. D’autres réactions sont au diapason, notamment sur Twitter, et accusent Apple et Google d’avoir cédé à la pression d’un régime autoritaire.

Navalny

Alexeï Navalny, en 2018, lors d’une visioconférence avec des parlementaires européens. // Source : ALDE Group

Alexeï Navalny n’est pas lui-même candidat aux législatives, dans la mesure où il est détenu depuis février 2021. Après un premier procès et un appel, il a été condamné à deux ans et demi de prison. Un an avant, l’intéressé a été victime d’une tentative d’empoisonnement dont les signes suggèrent fortement une implication de Moscou, ce que le Kremlin ne cesse de démentir.

Reuters rappelle dans son édition du 17 septembre que l’application visait à mettre en place une tactique électorale pour mettre en défaut le parti au pouvoir de Russie unie, qui est celui de Vladimir Poutine. En fonction de la circonscription, l’application suggérait un candidat de l’opposition — quand ils peuvent se présenter — qui semblait le mieux placé pour l’emporter face au représentant de Russie unie.

Une application accusée « d’interférer » avec l’élection

Le correspondant britannique du Guardian en Russie, Andrew Roth, citant Ivan Zhdanov, pointe vers une déclaration d’Apple qui confirme le retrait de cette application, parce qu’elle a été dénoncée par le service fédéral de supervision des communications, des technologies de l’information et des médias de masse (Roskomnadzor) au motif qu’elle est liée à une organisation « extrémiste » — celle de Navalny.

Apple ajoute dans son message qu’il est confronté à des obligations légales en Russie qui ne lui permettent pas d’aller à l’encontre de ce type de demandes. Il est aussi reproché à l’application « d’interférer » avec l’élection, probablement parce qu’elle suggère pour qui il faut voter pour contre Russie unie. Apple précise que l’application reste disponible ailleurs dans le monde, mais son intérêt est nul dans ce cas, car son but est uniquement de s’adresser à l’électorat russe, en Russie.

Autre subtilité, il s’avère que la Russie a dans la foulée aussi procédé au blocage du service Private Relay, relève le journaliste britannique. Il s’agit d’une sorte de VPN développé par Apple qui consiste à masquer la provenance réelle de l’adresse IP de l’internaute, en faisant passer la connexion par un relais. L’outil est bloqué en Chine et en Biélorussie. Private Relay a été présenté en juin 2021 lors d’une conférence.

Les restrictions qui frappent aujourd’hui l’application encouragée par le camp favorable à Navalny ne sont qu’une illustration de plus des mesures mises en place pour empêcher des opinions trop dissonantes de s’exprimer : ainsi, des sites web d’opposants ont été bloqués par le passé et Facebook a aussi dû censurer une page d’appel à manifester en soutien à Alexeï Navalny.

En août 2021, Reporters Sans Frontières a sorti un rapport sur la Russie qui dénonce la censure du net dans le pays. L’ONG y pointe « comment l’État, sous la direction du président Vladimir Poutine, a drastiquement restreint, ces derniers mois, la liberté de la presse et d’expression dans le pays ». L’ambassade de Russie en France a protesté, mais la disparition de l’application de Navalny tend à montrer le contraire.

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