Les députés examinent jusqu’au 23 septembre le projet de loi sur la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, qui reprend des dispositions censurées par le Conseil constitutionnel à la suite des débats sur la loi sur la sécurité globale. En particulier, le texte présenté par le gouvernement prévoit d’autoriser et d’encadrer l’usage de drones par les forces de l’ordre pour capter et enregistrer des images.
Mais les parlementaires ne sont pas les seuls à travailler dessus. La Défenseure des droits vient de livrer une étude juridique du texte, adressée avant tout au Parlement, avec la publication de son avis le 20 septembre. Le document, de 13 pages, analyse sept articles du projet de loi, qui en compte actuellement vingt-six. Il s’avère que les dispositions sur la captation d’images occupent une large place de l’analyse.
Les libertés ne sont pas assez garanties
Les conclusions ne sont pas tendres avec le projet dont bénéficiera le ministère de l’Intérieur, qui supervise la police nationale et la gendarmerie. Dans ses conclusions, Claire Hédon, en poste depuis juillet 2020, déclare que les mesures établies dans l’article 8 — celui qui propose un cadre législatif nouveau pour que les forces de l’ordre puissent filmer avec des drones — sont trop faibles.
Ces dispositions « n’assurent pas une conciliation équilibrée entre les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et de recherche des auteurs d’infractions et le droit au respect de la vie privée », prévient-elle. L’usage de ces drones est susceptible en outre d’avoir un effet dissuasif sur des personnes voulant manifester, alors qu’il s’agit d’une liberté publique protégée constitutionnellement.
La Défenseure des droits recommande, si les parlementaires vont dans cette direction, un encadrement « strict » de ces appareils, car la technologie sur laquelle ils s’appuient est « particulièrement intrusive » et « peut avoir des conséquences sur l’exercice des libertés ». Si la vidéosurveillance est devenue globalement très répandue, cela ne la rend pas anodine pour autant, rappelle Claire Hédon.
Dans sa décision concernant la loi sur la sécurité globale, le Conseil constitutionnel avait indiqué ne pas rejeter par principe l’usage de drones policiers pour capter des images. L’institution avait néanmoins déploré un cadre juridique trop large et mal bordé par des garanties. Compte tenu du déséquilibre entre préservation de l’ordre public et respect de la vie privée, il a fallu censurer l’article.
Des garanties, mais insuffisantes
L’institution indépendante admet, certes, dans son avis que le projet de loi proposé par le gouvernement sur la captation et l’enregistrement de caméras sur des drones au profit des forces de l’ordre « apporte des garanties » par rapport à ce qui était envisagé dans la loi sur la sécurité globale, qui a été en partie invalidée lors de sa vérification constitutionnelle. Mais cela reste insuffisant.
Ainsi, il est noté l’absence de la consultation d’une autorité indépendante pour « examiner a priori les motifs » d’emploi de ces drones-caméras, ainsi que « les garanties prévues ». Il n’y a pas non plus de contrôle a posteriori des « conditions de renouvellement d’une telle mesure », alors que c’est l’usage pour d’autres dispositifs ayant pour but de recueillir des renseignements ou de constater des infractions.
« En outre, poursuit la Défenseure des droits, il n’est pas prévu de recueil de consentement des personnes filmées, mais une simple information dont les modalités ne sont pas précisées et qui ne sera pas systématique puisque des exceptions seront déterminées par décret ». Son avis convoque les décisions et avis du Conseil constitutionnel, du Conseil d’État, mais aussi de la Cnil.
La Défenseure des droits regrette également une rédaction insuffisamment précise de la loi. Ainsi, si l’exposé des motifs se montre affirmatif pour délimiter l’emploi, ce cadre n’est pas aussi net dans l’article lui-même. Par ailleurs, les finalités dans lesquelles l’emploi des drones est possible « restent générales et peu circonstanciées ». En clair, le législateur serait bien avisé de réécrire plus précisément la loi.
Enfin, Claire Hédon expose aussi certaines circonstances dans lesquelles d’une part les garanties incluses dans le projet de loi « pourraient être contournées », et ainsi laisser le champ libre aux forces de l’ordre pour agir sans ces garde-fous, et d’autre part l’usage de ces engins « risque de devenir de facto permanent ». La Défenseure des droits épouse ainsi les craintes de la Cnil sur des formulations insuffisantes.
Ce texte vise à légaliser une pratique des forces de l’ordre qui n’était pas encadrée, et dont la médiatisation était survenue lors du tout premier confinement, en 2020. En décembre, le Conseil d’État a considéré qu’il s’agissait d’une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée. La Cnil a par la suite dénoncé les pratiques du ministère de l’Intérieur, avec une mise en cause publique.
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