Une proposition de loi suggère de faciliter l’accès et l’activation du contrôle parental sur les appareils utilisés par les mineurs, comme les smartphones. Objectif : limiter leur exposition à la pornographie sur le net. Le texte comporte toutefois une nuance de taille.

Comment faire pour que les jeunes de moins de 18 ans voient moins de contenus pornographiques sur Internet ? Peut-être en augmentant significativement l’usage du contrôle parental sur tous les appareils. C’est dans cette direction qu’un député désire aller, avec une proposition de loi à l’appui. Elle a été déposée à l’Assemblée nationale le 3 novembre 2021.

Écrite par Bruno Studer, membre de La République en marche, la proposition de loi inclut toutefois une particularité : contrairement à ce que l’on pourrait penser, il ne s’agit pas d’un texte visant à forcer l’activation par défaut du contrôle parental sur les smartphones, les tablettes ou les ordinateurs. Il s’agit plutôt de proposer par défaut l’activation de cette option. Libre ensuite aux parents de suivre ou non le conseil.

Cette subtilité se reflète dans l’intitulé du texte, qui vise à « encourager l’usage du contrôle parental sur certains équipements et services vendus en France et permettant d’accéder à Internet ». Le texte n’est pas encore publié sur le site de l’Assemblée nationale. Cependant, le site RTL a pu se le procurer, et sa lecture confirme qu’il n’est pas question, aujourd’hui, d’activer automatiquement ce filtrage pour tout le monde.

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Depuis fin 2019, le gouvernement et la majorité présidentielle cherchent des leviers pour que les mineurs soient moins exposés à la pornographie sur Internet. // Source : Numerama

Le texte, qui doit encore être examiné par les parlementaires, et dont le périmètre pourrait tout à fait évoluer au fil des débats à l’Assemblée comme au Sénat, entend répondre à deux problématiques : la première est la facilité déconcertante avec laquelle on peut accéder à des contenus pornographiques avec quelques mots-clés. La seconde est le manque de contrôle efficace de l’âge des internautes par ces sites X.

L’idée serait de montrer aux parents, lors de la configuration de l’appareil ou d’un tout premier lancement, l’existence de ces options . À eux ensuite de décider s’il faut activer un tel filtre, au niveau du foyer ou bien de l’appareil auquel a accès l’enfant (par exemple si c’est son premier smartphone). Cela éviterait d’avoir une règle uniforme au niveau du pays, qui pourrait poser des difficultés en matière de libertés.

La pornographie n’est en effet pas illicite en France. Interrogé par RTL, Bruno Studer indique : « Activer le contrôle parental par défaut, voudrait dire que l’on restreint l’accès à Internet par défaut. Je ne sais pas quelle serait l’acceptabilité ni la constitutionnalité d’une telle mesure par rapport aux libertés fondamentales », dit-il.

Macron sonne la charge contre la pornographie accessible aux mineurs

À supposer que le texte passe, se poserait ensuite la question de son effectivité : en 2014, le régulateur des télécoms britannique avait relevé à l’issue d’une enquête qu’un enfant sur cinq âgé de 12 à 15 ans savait désactiver le filtrage. Il est plausible que les enfants français savent aussi le faire dans des proportions similaires. Le Royaume-Uni qui envisageait un filtrage par défaut des sites X a d’ailleurs fini par abandonner cette piste.

La proposition de loi, qui a le soutien de la majorité présidentielle, vise à traduire dans la loi une demande d’Emmanuel Macron formulée fin 2019. Le chef de l’État plaidait alors pour une activation par défaut du contrôle parental, en plus d’autres mesures. Cependant, l’obligation voulue par le locataire de l’Élysée n’a pu être reprise telle quelle dans ce texte.

Il existe aujourd’hui des logiciels commerciaux qui proposent des outils de filtrage visant justement à interdire l’accès des mineurs sur des sites qui ne sont pas de leur âge, en se basant soit sur un système de détection par mots-clés et URL, soit en se basant sur une logique de liste blanche, où seuls les sites et services y figurant peuvent être affichés sur le terminal utilisé par l’enfant.

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L’un des plus grands mensonges sur le web. // Source : Louise Audry pour Numerama

Ces outils sont toutefois complètement optionnels et des études pointent par ailleurs des effets de bords nocifs, avec du surfiltrage et des restrictions involontaires à des contenus légitimes. Comme le pointe aussi RTL, la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN), les fournisseurs d’accès à Internet doivent aussi indiquer à leur clientèle que ces outils existent pour filtrer le net.

Le filtrage des contenus pornographiques est une thématique récurrente dans l’actualité parlementaire, que ce soit au niveau des fournisseurs d’accès à Internet ou bien au niveau des terminaux. Des lois ont déjà été déposées en ce sens, tout comme des questions écrites par les élus. Laurence Rossignol, alors ministre des Familles et de l’Enfance, exprimait son intérêt pour cette approche.

Afin de mettre la pression sur les sites pornographiques, il a été voté dans le cadre de la loi visant à protéger les victimes de violences conjugales un article les obligeant à vérifier l’âge des visiteurs. Le texte a été promulgué le 31 juillet 2020. Mais le texte ne dit pas comment procéder.

Rappelons toutefois que si ces sites ne mettent pas en place de dispositifs de vérification d’âge efficaces, ils s’exposent à un blocage par les fournisseurs d’accès à Internet. Il s’avère que plusieurs sites très connus dans le genre sont déjà sous le coup d’une procédure, à la suite d’une lettre adressée au CSA par trois associations dédiées à la protection de l’enfance.

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