Il n’y avait pas vraiment de suspense au Parlement concernant l’adoption du projet de loi sur la responsabilité pénale et la sécurité intérieure. Déjà approuvé en première lecture par l’Assemblée nationale le 23 septembre dernier, le texte vient d’être définitivement validé lors de son deuxième passage dans l’hémicycle, le 13 décembre 2021.
Le parcours du texte doit maintenant l’emmener vers la promulgation par le chef de l’État, avant d’être publié au Journal officiel pour entrer en vigueur le lendemain — nonobstant certaines dispositions dépendant de décrets d’application à prendre pour préciser les modalités de mise en œuvre de la loi ou des mesures prévoyant une application à partir d’une date ultérieure.
Le texte pourrait croiser un dernier obstacle sur sa route : le Conseil constitutionnel. Il faut réunir 60 députés ou sénateurs pour porter le texte devant l’instance. Des écarts excessifs pourraient conduire à une censure partielle ou complète de la loi. C’est aussi via une future question prioritaire de constitutionnalité que la validité du texte pourrait être questionnée.
Le gouvernement réintroduit des mesures de surveillance par drone
Derrière un intitulé très général, le projet de loi comporte en fait des dispositions qui sont relatives aux technologies et plus précisément à l’emploi des drones à des fins de surveillance. Cet usage est concentré dans les articles 8 et 8 bis du texte. Sont aussi à considérer les articles 9 et 9 bis, qui concernent les caméras embarquées et les prises de vues aériennes.
Pour qui suit l’actualité législative et les questions de sécurité, plusieurs pans de la loi sur la responsabilité pénale et la sécurité intérieure sont en fait une reprise de toute une série de mesures qui figuraient dans un précédent texte, celui sur la sécurité globale, mais qui avaient été largement censurées par le Conseil constitutionnel.
Le problème qu’avait relevé l’instance, à l’époque, n’était pas tant sur le principe d’emploi des drones à des fins de surveillance. Elle déplorait un manque flagrant d’encadrement. Les permissions accordées aux forces de l’ordre étaient trop larges, les garanties publiques insuffisantes. Ce déséquilibre rendait l’édifice trop axé sur le maintien de l’ordre, oubliant le respect de la vie privée.
Une réécriture a donc eu lieu d’un texte à l’autre et, dans la mesure où le texte est devenu un projet de loi à la place d’une proposition de loi, il s’est avéré mieux ficelé juridiquement, grâce à la production d’une étude d’impact et l’obtention d’un avis du Conseil d’État. Le gouvernement considère que cette nouvelle mouture répond aux préoccupations du Conseil constitutionnel.
Ce point de vue n’est toutefois pas unanimement partagé.
La Quadrature du Net, association se focalisant sur les sujets de libertés dans la sphère numérique, déclarait en septembre, lors du premier examen du texte que « Le gouvernement veut faire croire qu’il répond aux critiques du Conseil constitutionnel, mais il reprend le même texte avec des modifications à la marge qui n’enlèvent rien à son caractère profondément liberticide ».
De sévères critiques sont aussi venues de la Défenseure des droits dans un avis remis au Parlement le 20 septembre. Elle a admis que des garanties figurent certes dans le nouveau texte, par rapport à ce qui était envisagé dans le précédent, mais des formulations ambiguës lui font dire qu’il pourrait être possible de contourner ces garde-fous dans certaines situations bien précises.
Parmi les dispositions visant à restreindre l’usage des drones de surveillance, on trouve dans le texte une durée réduite pour la conservation des images, l’exigence de restreindre le périmètre géographie au « strict nécessaire » et la nécessité de récolter une autorisation préfectorale motivée et justifiée — il existe des cas de force majeures permettant de s’en passer, mais de façon très restreinte.
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