Une photo d’une famille au coucher de soleil et un message : « 60 000 adhérents ». Sur Facebook, les publicités de Reconquête, le parti d’Éric Zemmour, appellent les internautes à rejoindre le mouvement du candidat à l’élection présidentielle. Une campagne vite repérée par Clément Agostini, un militant de La France Insoumise.
Le 21 décembre, il réagit sur Twitter, affirmant que ce genre de campagne publicitaire est « formellement interdit[e] par le code électoral ‘pendant les six mois précédant le premier jour du mois de l’élection‘. Cela va leur coûter cher ». Sous sa publication, cependant, de nombreux internautes affirment que son interprétation du texte de loi est mauvaise. Qu’en est-il vraiment ?
Le tweet de Clément Agostini fait référence à un article du code électoral bien réel : l’article L52-1. Ce dernier indique que « pendant les six mois précédant le premier jour du mois d’une élection et jusqu’à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, l’utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite ». L’élection présidentielle se tenant les dimanches 10 et 24 avril, les publicités politiques sont donc, en effet, interdites depuis le début du mois d’octobre.
La campagne Facebook du parti d’Éric Zemmour est-elle légale ?
Pour Maître Valérie Farrugia, une avocate spécialisée en droit public, les publicités du parti Reconquête ne respectent donc pas le cadre posé par cet article L52-1 et sont, de ce fait, irrégulières. Elle estime qu’en conséquence de cela, « les dépenses faites pour ces publicités pourraient être considérées comme irrégulières, si un juge est saisi, et elles pourraient ne pas être remboursées par la CNCCFP (ndlr : la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques, en charge du défraiement de certains achats) ».
Le message de la campagne publicitaire du parti Reconquête en fait cependant un cas complexe à trancher. Comme le note un avocat cité par FranceInter, de tels messages pourraient ne pas être considérés comme de la propagande électorale. « Il est question d’adhérer au parti, ce n’est donc pas de la propagande du candidat, mais du parti », explique l’avocat Christophe Pichon. Dans ce tout autre scénario, les publicités pourraient être jugées régulières. Un avis repris par Antoine Diers, le porte-parole de Reconquête, interrogé par nos confrères de FranceInfo et qui déclare : « les gens méconnaissent les lois. Voyez-vous le nom d’Éric Zemmour ou une référence au scrutin ? Non. La publicité appelle à adhérer à un parti ».
Maitre Farrugia, interrogée par Numerama, émet cependant des doutes sur ces arguments : « Dans le cas où un juge serait saisi, il verrait qu’il s’agit bien d’un parti politique, et ce même si le nom d’Éric Zemmour n’est jamais mentionné dans les publicités. Pour moi, cette publicité n’est pas dépourvue de caractère électoral ». Elle précise que dans ce cas de figure, le juge devrait également statuer sur l’incidence de ces publications dans la campagnes. « Est-ce que les publicités peuvent radicalement changer le nombre de votes ? On est quatre mois avant le scrutin, c’est incertain ».
Que disent les publicités de Reconquête ?
La page Facebook de Reconquête, suivie par plus de 20 000 personnes, a lancé six campagnes publicitaires au mois de décembre. Cinq ont été lancées le 16 décembre, la dernière l’a été le 21, et elles avaient toutes été désactivées au moment de la publication de cet article. Elles reprennent toutes le même chiffre (les 60 000 adhérents à Reconquête), et invitent toutes à rejoindre le parti. Leur discours est sensiblement le même, tout comme les visuels utilisés. D’après Facebook, il s’agit des seules campagnes publicitaires lancées à ce jour par la page Reconquête.
Si la légalité des pubs du parti d’Eric Zemmour au regard du droit français soulève des questions, une chose est sûre : elles n’ont pas respecté les règles de Facebook. Les conditions d’utilisation de la plateforme expliquent en effet qu’afin « de garantir la transparence, les publicités politiques sur Facebook doivent clairement afficher une mention ‘payées par‘. Les annonceurs qui veulent créer des publicités à propos de sujets de société, d’élections ou de politique doivent les libeller comme telles durant la campagne publicitaire. Toutes les publicités qui n’auraient pas été déclarées comme telles seront désapprouvées ».
Or la bibliothèque des publicités de Facebook indique que les publications du parti d’Eric Zemmour n’ont pas respecté ce cadre. « Cette publicité a été diffusée sans avertissement. Suite à sa diffusion, nous avons déterminé qu’elle était de nature sociale, électorale, ou politique, et que le libellé était obligatoire. Elle a été retirée », peut-on ainsi lire sur cette section.
La bibliothèque des publicités Facebook nous apprend aussi que les 6 campagnes auraient touché, en tout, entre 25 000 et 35 000 personnes, d’après les données du réseau social. La publicité la plus efficace aurait touché entre 10 000 et 15 000 personnes. Facebook signale que les publicités ne sont plus actives depuis le 22 décembre.
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