Le Sénat continue de marquer sa différence avec l’Assemblée nationale sur le projet de loi visant à instituer un pass vaccinal à la place du pass sanitaire. Lors de l’examen du texte en séance le 11 janvier, les sénateurs ont approuvé des amendements qui ont eu pour même résultat de faire disparaître la vérification d’identité avec la présentation du pass vaccinal.
En tout ce sont dix amendements semblables qui ont été adoptés par la chambre haute du Parlement, malgré l’avis systématiquement défavorable du gouvernement. Ces amendements (n°7 rect. bis, 17, 19, 51, 58, 71 rect. bis, 81, 104, 164 rect. quater et 168), globalement similaires, considèrent que c’est aux forces de l’ordre de procéder à ces contrôles.
Dans le texte, l’exécutif a choisi de ne pas parler de cette tâche comme un contrôle ou une vérification d’identité, préférant parler de « concordance documentaire ». C’est une manière de ne pas nommer directement les choses avec une formulation qui donne l’impression d’une simple formalité pour vérifier la compatibilité des noms entre deux documents.
C’est le rôle des forces de l’ordre de vérifier l’identité
Les amendements arguent également de l’impréparation des personnes employées dans des lieux accueillant du public pour effectuer cette vérification, mais aussi leur illégitimité. Personnel d’accueil, barmans, serveurs, coachs sportifs, guichetiers ou vendeurs… ce type de professionnels n’ont pas à recevoir ce qui relève d’une prérogative de police, lit-on dans ces amendements.
Les amendements posent plusieurs questions pratiques, auxquelles le texte de loi ne répond pas :
Que se passera-t-il si une personne n’a pas de pièce d’identité à présenter ? Ou si elle entend valider son identité par le témoignage de proches qui l’accompagnent ? Et si l’utilisation d’un faux pass est constatée, faut-il alors retenir la personne de force jusqu’à l’arrivée de la police ? Cette dernière hypothèse est invraisemblable et ne pourra créer que des heurts.
Les arguments reflètent en partie les mises en garde que la Défenseure des droits a présentées dans un avis sur ce projet de loi. L’intéressée avait souligné par ailleurs un risque de discrimination lors de ces contrôles, qui sont susceptibles de se faire au faciès. Un contrôle systématique résoudrait ce souci, mais au prix d’une orientation sociétale radicale et repoussante.
En commission, le Sénat s’était déjà opposé à une autre disposition importante du projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique — son nom complet. Le dispositif de repentir, qui visait à créer une sorte de transaction avec les personnes fraudant le pass (on ne vous sanctionne pas si vous vous faites vacciner rapidement), est tombé.
Les sénateurs sont néanmoins d’accord avec les députés pour combattre la fraude au pass, mais pas en confiant des dispositions de police à des personnes qui ne sont pas capables de les assumer et de les utiliser correctement. Ils considèrent que s’il y a un état d’urgence sanitaire, cela n’autorise pas le gouvernement à bouger certains équilibres législatifs.
Ces dispositions, bien qu’écartées par la chambre haute du Parlement, vont sans doute revenir très vite dans le débat. Compte des divergences manifestes qui sont déjà apparues entre les deux assemblées, une commission mixte paritaire devra essayer d’aboutir un texte commun. En cas d’échec, l’Assemblée nationale aura le dernier mot.
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