Après le RGPD, retenez l’acronyme « DSA ». Dans les prochains mois, cette nouvelle grande loi européenne pourrait provoquer un séisme sur le web. Le Digital Services Act, ou législation sur les services numériques en français, devrait doter les pays membres de l’Union européenne d’un nouvel arsenal juridique face aux grandes plateformes virtuelles, plus communément surnommées GAFAM. Plus d’un an après sa première proposition, le Parlement européen vient de l’adopter à la majorité absolue (530 pour, 78 contre, 80 abstentions). Son entrée en vigueur devrait avoir lieu en 2023, lorsque la Commission européenne, les États membres et le Parlement européen seront tombés d’accord. La France espère son vote définitif pendant sa présidence de l’UE.
La publicité ciblée, cible de l’Europe
Il est difficile de résumer le DSA en quelques lignes. Véritable fourre-tout législatif, il englobe énormément de changements visant à rendre les géants de la tech plus responsables de leurs actes. Thierry Breton, le commissaire européen au marché intérieur, le présente comme une manière de rééquilibrer les choses : « Tout ce qui est interdit dans la vie réelle le sera désormais sur Internet. »
Concrètement, qu’est-ce que cela change ? Voici quelques une des premières réformes du Digital Services Act :
- La publicité ciblée est dans le collimateur de l’Europe. Une fois le DSA en application, celle visant des mineurs sera interdite. Et elle ne pourra plus s’attaquer à des données dites sensibles concernant des personnes majeures. Les géants comme Facebook, Google ou Amazon n’auront donc plus le droit d’utiliser votre orientation sexuelle ou votre religion pour vous recommander des choses.
- Les « dark patterns » seront interdits. Il s’agit des messages vous demandant votre consentement de manière abusive, en interrompant ce que vous faîtes et en donnant plus d’importance à l’option « accepter » qu’à l’option « refuser ».
- Les plates-formes devront permettre aux utilisateurs de se désinscrire du tracking. Un Européen sur Facebook doit pouvoir continuer à utiliser le réseau social tout en désactivant manuellement la publicité ciblée.
- Si une plateforme promeut délibérément du contenu blessant, un utilisateur qui se sent attaqué pourra réclamer une compensation. Un moyen de faire pression sur la modération, désormais obligatoire dans chaque pays.
- Les plateformes auront l’obligation d’être transparentes sur le fonctionnement de leurs algorithmes. Un Facebook devra dire pourquoi il cible tel utilisateur.
Avec le Digital Services Act, l’Europe affirme vouloir la « la fin du far-west numérique ». Malgré le lobbying intensif des entreprises américaines, elle se dit confiante quant aux changements à venir.
De grosses amendes… ou une exclusion du marché
Bien sûr, il ne suffira pas de voter le DSA pour faire d’Internet une place où seul le bonheur et la gentillesse règnent. L’Europe en a conscience et, comme avec le RGPD auparavant, mise sur ces contraintes pour faire bouger les choses. Seul l’avenir nous dira si les plateformes jouent le jeu et mettent en place de vrais services de modération.
On peut toutefois s’attendre à quelques failles dans le système. Au nom de la liberté d’expression, plusieurs lobbys ont fait campagne contre un trop grand pouvoir des modérateurs. Il faudra surveiller dans les prochains mois ce que le DSA autorise à supprimer, et ce qu’il laissera indemne. Le Parlement semble dire qu’il a résisté aux lobbys. Est-ce vrai ?
Enfin, comment sanctionner une entreprise qui ne joue pas le jeu ? Deux mécanismes sont mis en place par le DSA. Le premier est un rappel à l’ordre avec amende (jusqu’à 6 % du chiffre d’affaires mondial, et non pas local), le second consiste en un bannissement du marché européen pendant plusieurs jours, semaines ou mois en cas de multiplication des infractions. De quoi, sans le moindre doute, avoir un impact sur le comportement des plateformes. Toutes ces règles devront être les mêmes dans tous les pays européens, histoire de forcer les géants de la tech à se mettre en conformité.
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