Mise à jour du 9 février à 18h30 : Spotify a supprimé les podcasts d’Égalité et Réconciliation et de Faits&Documents.
Les émissions d’Alain Soral, multicondamné pour antisémitisme et fondateur d’Égalité & Réconciliation ; « l’enquête sur la vaccination » du gourou de la santé Thierry Casasnovas ; le podcast de Faits&Documents, la publication à l’origine de la fake news transphobe sur Brigitte Macron ; ou encore les émissions des DéQodeurs, des adeptes de la théorie du complot QAnon : vous pouvez tous les écouter sur Spotify.
Spotify s’est fait connaitre en tant que site de streaming musical. Mais le leader mondial du domaine est aussi devenu l’une des plateformes les plus populaires pour écouter des podcasts. Des centaines de milliers d’heures de contenus sont aujourd’hui disponibles sur Spotify, dans énormément de langues différentes et abordant tous les sujets — même ceux les plus dangereux. En dehors de The Joe Rogan Expericence, à cause duquel Spotify a perdu le catalogue des chansons de Neil Young, il existe beaucoup de podcasts aux propos similaires, voire encore plus dangereux, qui parviennent à échapper à la modération de Spotify.
De l’antisémitisme et des fake news sur le Covid-19
Numerama a pu très rapidement trouver quelques exemples de podcasts et de séries aux propos perturbants sur Spotify. En plus des contenus d’extrême droite publiés par les sites Egalité & Réconciliation FM et Faits&Documents, connus pour tenir des propos antisémites, plusieurs podcasts prônant les idées « incel », dites aussi « masculinistes », un courant de pensée qui appelle à la haine des femmes, sont aussi disponibles.
L’adepte du crudivorisme et opposant farouche aux vaccins Thierry Casasnovas a, lui, mis en ligne une dizaine de séries de podcasts, de plusieurs épisodes chacune. On peut notamment l’entendre pendant dix épisodes de 45 minutes « enquêter » sur le vaccin, expliquer que les cancers peuvent être guéris en suivant un régime végétarien strict, ou vanter les mérites du jeûne. Thierry Casasovas est pourtant visé par une enquête pour « mise en danger de la vie d’autrui » et soupçonné de dérive sectaire par la Miviludes (la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, ndlr).
Enfin, les DéQodeurs, un groupe radical de complotistes inspirés de la mouvance QAnon, publient plusieurs fois par semaine de longs podcasts. Dans ces épisodes, ils évoquent notamment le fait que les vaccins seraient dangereux pour la santé, voire des armes développées par une élite mondiale sataniste, et que le virus du Covid serait inoffensif.
Ce ne sont que quelques exemples : il est possible que d’autres podcasts aux contenus dangereux existent. Depuis 2018, Spotify laisse à tout le monde la possibilité de diffuser ses podcasts sur la plateforme: il est donc extrêmement facile et rapide de mettre en ligne toute sorte de contenu, même les plus dangereux. Et chaque nouvel épisode rend plus difficile la modération des podcasts.
La modération sur Spotify est un enjeu crucial
Officiellement, il faut respecter les règles d’utilisation de la plateforme afin de pouvoir uploader un podcast. Ces dernières expliquent notamment qu’il est interdit d’affirmer que « le sida, le Covid, le cancer ou d’autres maladies dangereuses sont des mensonges », de suggérer que « les vaccins ont été conçus pour tuer », ou encore de diffuser des « contenus haineux contre des personnes en raison de leur religion, ethnicité, expression de genre ou orientation sexuelle ».
Mais dans les faits, les podcasts que Numerama a pu repérer ne respectaient pas certaines de ces règles. Il n’est, de plus, pas possible de signaler un podcast comme dangereux directement dans l’app ou sur la version ordinateur. Pour cela, il faut vous rendre sur une page dédiée, et remplir un questionnaire.
Plus inquiétant, la façon dont la modération est effectuée est très floue. Contacté par Numerama, Spotify n’a pas répondu à nos questions sur ses pratiques de modération ni sur le nombre de modérateurs employés spécifiquement pour les podcasts. Il semblerait néanmoins que la plateforme utilise « des mesures de détections algorithmiques et humaines pour s’assurer que le contenu sur la plateforme respecte bien les règles », comme Spotify l’avait déclaré dans un article de The Verge, paru en 2021.
Mais est-ce seulement possible de modérer des contenus audio ? Facebook, Twitter ou Instagram font appel à de la modération automatique pour un grand nombre de leurs décisions. Mais Spotify ne peut pas la mettre en place si facilement sur des contenus audio. Pour que la modération soit efficace sur tous les podcasts d’une plateforme, il faudrait retranscrire leur contenu pour qu’ils puissent être examinés par des modérateurs humains ou des logiciels, soulignait The Verge dans son article. Et cela, « aucune plateforme qui diffuse des podcasts n’a les ressources ou la puissance nécessaires pour le faire », expliquait Owen Grover, le PDG de Pocket Cast, à The Verge.
Il s’agit pourtant d’un problème crucial : si Spotify, qui compte plus de 155 millions d’abonnés dans le monde, et qui représente une part très importante du marché en France, ne modère pas efficacement les milliers de podcasts que la plateforme héberge, elle pourrait devenir une énorme usine à fake news, accessibles à des millions de personnes.
À la suite de la polémique autour de Joe Rogan et de son podcast, Spotify a annoncé mettre en place de nouvelles règles, notamment la mise en place de lien vers un hub d’informations sur le Covid-19 pour chaque podcast mentionnant la pandémie. Une mesure qui va dans le bon sens, mais qui est loin d’être suffisante.
Mise à jour du 1er février à 17h30 : l’article a été mis à jour afin de préciser qu’il existait une page externe à l’app pour signaler les contenus dangereux.
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