Une appli de géolocalisation pour les chasseurs : c’est ce que préparerait le gouvernement, afin de limiter les accidents de chasse. Bérangère Couillard, la secrétaire d’État chargée de l’Écologie, doit présenter le plan complet de l’exécutif le 9 janvier lors d’un déplacement, mais Le Figaro a d’ores et déjà dévoilé que l’une des solutions prisées par le gouvernement serait une application pour smartphone.
Ce n’est pas la première fois qu’une telle idée est avancée par le gouvernement. En février 2022, après un accident de chasse mortel, l’ancienne secrétaire d’État avait déjà évoqué une « appli de géolocalisation ». Si l’idée n’est pas nouvelle, on sait néanmoins toujours très peu de choses sur cette app, sur ses contours et sur ses conditions d’utilisation.
De nombreuses questions persistent donc quant à l’utilisation que pourraient en faire les chasseurs comme les promeneurs, notamment sur sa pertinence. Car des apps de ce genre, qui proposent de géolocaliser les zones de chasse, ont déjà été lancées. Et le succès n’a pas été au rendez-vous, ou, visiblement, n’est pas suffisant pour empêcher les drames.
Une app nommée « Suricate »
Le ministère de l’Écologie, contacté par Numerama, n’avait pas encore répondu à nos questions au moment de la publication de cet article. Le Figaro a cependant appris que « le ministère devrait défendre le développement de l’application gouvernementale « Suricate », où les chasseurs devront se déclarer », et France Info rapporte que « cette application permettra notamment aux promeneurs de visualiser en temps réel les chasses en cours », et qu’elle pourrait être déployée « en moins de 6 mois après la présentation du plan ».
Suricate est une application proposée par le ministère des Sports qui existe depuis 2014. Elle permet de « signaler les problèmes rencontrés lors de ses activités sportives et de ses loisirs de nature », et ce, « avec ou sans couverture réseau », assure le site du ministère. Elle devrait donc subir une vaste mise à jour afin de pouvoir assurer un suivi géolocalisé des chasseurs. Il n’y a pas plus de détails disponibles sur la future mouture de Suricate.
Des applications mises en place, mais de sérieuses limites
D’autres app dédiées au suivi des chasseurs existent. La première app du genre a été déployée pour la première fois en 2019 en Isère, lors de phases de tests. Elle est déclinée en deux versions : pour les chasseurs, Protect Hunt, toujours en phase de test, et LandShare, pour les promeneurs et autres utilisateurs classiques.
Si aucun accident n’a été à déplorer dans le département depuis, l’app rencontre tout de même de sérieuses limitations. Elle permet de « prévenir en temps réel des zones de chasse collectives en cours équipées d’un kit Protect Hunt C10 », comme l’explique l’app, ce qui veut dire que tous les chasseurs ne possédant pas cet objet ne sont pas détectés. Et selon les avis des utilisateurs, il est déjà arrivé plusieurs fois que des promeneurs se retrouvent « en plein milieu d’une chasse non signalée [sur l’app] ».
En plus de LandShare, deux autres projets ont été développés. Dans le département de la Côte-d’Or et de la Haute-Marne, Chasse Info est disponible depuis septembre 2021, et « permet de connaître les dates et lieux de chasse en battue dans le département ». Les utilisateurs peuvent soit indiquer leur position, soit rentrer le nom de la commune dans l’app, et une carte des environs représentant les zones chassées ou non apparaitra, précise le site du Chasseur Français.
Enfin, Chasse Eco, une app « proposée par la fédération départementale des chasseurs de la Haute-Savoie », est disponible depuis 2016, et elle fonctionne sur le même principe que Chasse Info. Les utilisateurs peuvent « indiquer la date et la commune qui les intéressent (ou se géolocaliser par GPS) » afin d’obtenir la carte IGN de l’endroit, avec une indication des territoires non chassés.
Si elles ont le mérite d’exister, ces apps rencontrent cependant de très nombreux problèmes : en dehors de Protect Hunt, aucune d’entre elles ne fonctionnent véritablement avec de la géolocalisation des chasseurs, et ne font qu’afficher les zones chassées. Chasse Info ne signale même pas toutes les zones de chasse, mais seulement celles où des battues ont lieux — ce qui est loin de représenter tous les endroits où des chasseurs se trouvent.
Les apps n’empêchent pas les accidents
Surtout, ces apps ne protègent pas des accidents. Le rapport gouvernemental sur les accidents de chasse, publié en septembre 2022, rappelle que les accidents recensés « sont, pour la très large majorité, le résultat de fautes humaines liées au non-respect des règles élémentaires de sécurité ». Et même dans les territoires où des apps ont été mise en place, ces accidents ont été recensés : en Haute-Savoie, un promeneur a été blessé en octobre 2021, et en Côte-d’Or, c’est un chasseur en état d’ébriété qui a failli en blesser un autre en février 2022.
Pour que la potentielle app de géolocalisation évoquée par le gouvernement soit efficace, il faudrait que tous les chasseurs impliqués l’utilisent en temps réel. Outre le fait qu’il faudrait que la CNIL donne son feu vert, se pose aussi la question de son adoption par les chasseurs, sans quoi l’app ne fonctionnerait pas.
Or, toute une partie des chasseurs est clairement hostile à l’utilisation d’une telle application. Le site Chasse Passion explique ainsi que l’idée de la géolocalisation « pose la question d’une certaine liberté d’action et suggère que les chasseurs doivent « pointer » lorsqu’ils arrivent sur leurs territoires », et s’inquiète, de plus, des « militants anti-chasse qui viennent sur le terrain dans le but de troubler le bon déroulement des chasses ». Ce qui ne présage rien de bon pour l’app, mais aussi pour la sécurité des promeneurs.
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