Epilogue dans l’affaire Techland/Logistep, qui montre qu’on ne peut pas faire n’importe quoi au nom de la lutte contre le téléchargement illégal. Fin mars 2007, l’avocate parisienne Elizabeth Martin avait envoyé des centaines voire des milliers de courriers de demande de règlement amiable à destination d’internautes suspectés d’avoir téléchargé illégalement le jeu Call of Juarez édité par le polonais Techland. En lien avec l’entreprise suisse Logistep qui a procédé sans autorisation aux relevés d’adresses IP des internautes, l’avocate exigeait le paiement de 400 euros pour éviter tout procès. « S’il s’avérait nécessaire de vous attraire en Justice, les coûts de la procédure seraient substantiels. Dans le cadre d’une procédure civile la partie qui perd ne supporte pas seulement ses coûts, mais également ceux de la partie qui gagne, et pour votre information les dommages et intérêts auxquels sont condamnés les contrefacteurs vont de quelqus centaines d’euros à des milliers d’euros« , pouvait-on lire dans la lettre type, dont on sait depuis qu’elle a été simplement traduite d’un modèle anglophone rédigé par Logistep. Elizabeth Martin indiquait que « nous avons informé notre cliente qu’une plainte déposée à votre encontre aurait gain de cause« . Aucune place au doute n’était accordée, en prévision de l’intimidation finale : « Dans le cas où vous ne seriez pas en mesure de régler les dommages et interêts et autres sommes mises à votre charge par le tribunal, notre cliente se verrait dans l’obligation de réclamer sa créance en faisant procéder à la vente de vos biens« . De très nombreux internautes, même certains qui affirmaient n’avoir téléchargé que la démo du jeu, avaient préféré payé la somme exigée que de prendre les risques évoqués dans la lettre.
Mais certains de ses confrères avocats ayant été choqués par la procédure suivie, Elizabeth Martin a immédiatement fait l’objet d‘une enquête disciplinaire de la part du Barreau de Paris. Elle vient d’être condamnée. Le Conseil de discipline a estimé qu’en recopiant des modèles de mises en demeure étrangers, l’avocate avait « volontairement omis d’inviter certains destinataires à consulter un conseil ce qui constitue une violation » du code de déontologie des avocats. « Choisissant de reproduire une formulation aggressive, destinée à provoquer des paiements, l’intéressé[e] a également violé [le code] qui précise que l’avocat s’interdit toute présentation déloyale de la situation et toute menace« . Par ailleurs, l’avocate a également violé le code en proposant un encaissement des règlements sur un autre compte que la Carpa, la banque des avocats qui recueille les sommes destinées au règlement des litiges. Enfin, elle s’est soustraite à ses obligations en refusant de rendre compte des encaissements réalisés.
L’avocate peu scrupuleuse a donc été condamnée le 26 février par le conseil de l’Ordre à une interdiction temporaire d’exercice de la profession d’avocat pendant une durée de 6 mois, cependant assortie de sursis. Elle est par ailleurs privée pendant 10 ans du droit de faire partie du conseil de l’Ordre du Conseil National des Barreaux (CNB) et des autres organismes professionnels.
Logistep également poursuivi pour la même affaire Rappelons que Logistep, la société suisse a l’origine de l’affaire Techland et d’autres affaires dans le monde et en Europe, est aussi attaquée pour avoir procédé sans autorisation aux prélèvements d’adresses IP d’internautes. Le Préposé suisse à la protection des données, l’équivalent local de la CNIL, a recommandé en janvier à Logistep d’arrêter immédiatement ses collectes. |
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