Certains en ont fait l’un des thèmes centraux de leur campagne, d’autres l’abordent brièvement, d’autres encore l’ignorent complètement : en 2022, la tech n’est toujours pas un sujet évoqué par tous les candidats. De Jean-Luc Mélenchon, qui a consacré un chapitre entier de son programme à la question de la tech, à Jean Lassalle, qui n’a que trois propositions sur le sujet, le numérique reste un sujet régulièrement mal compris par les candidats.
À l’approche de l’élection présidentielle, Numerama a passé au crible tous les programmes, et propose aujourd’hui un classement des propositions des 12 candidats. Des plus pertinentes aux plus improbables, en passant par celles impossibles à mettre en place ou bien d’ores et déjà en cours depuis des années, voici notre classement.
Quelles propositions apparaissent dans le classement ?
Toutes les propositions des candidats n’apparaissent pas dans ce classement. Nous n’avons gardé que les plus pertinentes, ou au contraire celles les plus contreproductives. Certaines propositions, qui ne rentrent pas vraiment dans ces catégories, sont donc mises à l’écart. Nous avons également laissé de côté celles qui nous paraissaient moins importantes que les autres.
De plus, certains candidats n’ont simplement pas parlé de la tech dans leur programme. C’est le cas de Nathalie Arthaud et de Philippe Poutou. Emmanuel Macron est également dans cette situation : le président sortant n’a en effet pas encore sorti de programme définitif, et à part une seule déclaration en faveur de l’apprentissage du code au collège, on ne sait pas encore quelles propositions il formulera. On peut cependant supposer qu’Emmanuel Macron devrait consacrer une part importante de son programme à la tech : en 2017, il avait déjà largement abordé ces questions.
Les propositions les plus pertinentes
Requalifier les contrats des travailleurs des plateformes numériques
Cette proposition est portée par l’ensemble des candidats de gauche : Fabien Roussel, Jean-Luc Mélenchon, Anne Hidalgo et Yannick Jadot souhaitent tous requalifier les contrats des travailleurs des plateformes numériques et les faire reconnaître en tant que salariés. Si chaque proposition a sa particularité, les quatre candidats sont d’accord sur le fond.
Mettre plus de moyens pour lutter contre la criminalité sur Internet
Les programmes de Valérie Pécresse, de Yannick Jadot et de Jean-Luc Mélenchon ont un point commun : mettre plus de moyens pour lutter contre la criminalité sur Internet.
Valérie Pécresse propose de créer un « cyber-parquet », chargé de combattre « la criminalité sur Internet », tandis que Jean-Luc Mélenchon souhaite augmenter les effectifs de police spécialisés, entre autres, dans la lutte contre la cyberpédopornographie, et renforcer les moyens humains de la plateforme PHAROS. La proposition de Yannick Jadot est quant à elle plus floue : le candidat écologique veut « renforcer les moyens de la lutte contre la cybercriminalité, le harcèlement et la haine en ligne ».
Lancer des plans d’investissements dans le numérique dans les hôpitaux
Un autre point commun entre la candidate des Républicains et celui d’EELV : les investissements dans le numérique dans les hôpitaux et le secteur de la santé. Valérie Pécresse veut notamment « accélérer le virage numérique ». La proposition de Yannick Jadot est beaucoup plus vague : il s’est seulement engagé dans son programme à « développer le numérique à l’hôpital ».
Créer une fonderie française pour les microprocesseurs
Jean-Luc Mélenchon propose de créer une fonderie française pour des microprocesseurs. Avoir une production locale de ces produits serait un avantage considérable : les microprocesseurs sont un secteur d’avenir, mais la production est très ralentie depuis plusieurs mois. Au point que certains produits sont désormais en pénurie. Il existe également des projets de création de fonderies de microprocesseurs dans l’Union européenne.
Développer les logiciels libres et promouvoir leur usage en France
Les logiciels libres sont évoqués par de nombreux candidats dans leur programme.
On trouve notamment Jean-Luc Mélenchon, qui souhaite « créer une agence publique des logiciels libres », dont le but serait de « planifier leur développement et de les financer ». Le candidat d’extrême gauche souhaite de plus « généraliser l’usage des logiciels libres dans les administrations publiques et l’éducation nationale ». Même son de cloche chez Yannick Jadot, qui veut imposer l’usage de logiciels libres par l’État et les collectivités locales.
Enfin, on peut noter que Nicolas Dupont-Aignan a proposé une mesure similaire. Le candidat de Debout la France veut « prendre les initiatives pour faire de la France la championne des logiciels libres ».
Lutter contre les inégalités face au numérique
Yannick Jadot est le seul à présenter un plan de lutte contre l’illectronisme. Ce dernier permettrait de « réduire les inégalités sociales et territoriales face au numérique », et lutter contre les cyberviolences. Il est également le seul à proposer de mettre en place des « tarifs très sociaux pour les équipements numériques ».
Apprentissage du code à l’école
C’est une proposition qui s’est taillé une place de choix dans la campagne : l’apprentissage du code dans les établissements scolaires. Tout d’abord promue par Anne Hidalgo, qui est la première à en avoir parlé dans son programme, l’idée a ensuite été reprise par Éric Zemmour et est maintenant évoquée par Emmanuel Macron.
Augmenter les moyens en cybersécurité
Seulement trois candidats abordent la question de la cybersécurité : Anne Hidalgo, Jean-Luc Mélenchon et … Jean Lassalle. La candidate socialiste veut réviser la loi de programmation militaire, afin de prendre en compte les « nouvelles menaces », notamment en matière de cybersécurité.
Jean-Luc Mélenchon a la position la moins claire sur le sujet : il souhaiterait renforcer l’ANSI (l’agence nationale sécurité informatique) et souhaite « mobiliser l’espace numérique et spatial pour installer des systèmes défensifs et non létaux ». Une mesure dont le candidat voudrait se servir pour lutter contre l’espionnage numérique.
C’est Jean Lassalle qui a le programme le plus radical sur ce point : le candidat veut « renforcer notre 4e armée pour la cyberdéfense », en la rendant « indépendante des sociétés informatiques », et en lui allouant un budget conséquent : un quart de celui consacré aux autres armées.
Améliorer l’accessibilité d’Internet
L’accessibilité des sites Internet est un problème soulevé depuis des années par les associations. Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon sont les seuls à l’avoir intégré dans leurs programmes. Le candidat écolo propose de créer une « agence de l’accessibilité universelle », qui serait chargée de veiller au respect des normes d’accès aux sites internet essentiels pour les personnes en situation de handicap, et il veut également généraliser les pratiques de numérique inclusif. Jean-Luc Mélenchon souhaite quant à lui « mettre en oeuvre des sanctions dissuasives » pour les sites qui ne respecteraient pas leurs obligations en termes d’accessibilité.
Les propositions les moins pertinentes
Bloquer des investissements
Valérie Pécresse propose de « créer un Haut Conseil de la souveraineté économique », qui aurait pour objectif « d’autoriser les investissements étrangers en France en fonction des intérêts stratégiques français ». Ce conseil pourrait donc refuser à des entreprises étrangères d’investir dans des entreprises, et pourrait même bloquer les rachats de startups du numérique.
Imposer des quotas pour l’utilisation de logiciels européens
Valérie Pécresse souhaite mettre en place des quotas en matière de logiciels et d’infrastructures numériques, en imposant notamment à l’état et aux « acteurs publics » d’utiliser au minimum 50% de logiciels européens.
Bloquer l’accès à des sites porno par carte bleue
Une autre proposition de Valérie Pécresse : « rendre effective l’interdiction de l’accès à la pornographie pour les mineurs en contrôlant l’identité en ligne, par exemple via une carte bleue ». L’idée est régulièrement évoquée par les hommes et femmes politiques depuis des années. Mais la mesure n’a jamais été mise en place, notamment parce qu’elle rencontre de nombreuses oppositions et limitations techniques.
Interdire les mesures de modération préventives
Jean-Luc Mélenchon propose de « refuser la censure privée sur les réseaux sociaux opérée par les GAFAM », tout comme Yannick Jadot, qui veut purement et simplement « mettre fin à la censure automatisée ». Si le candidat de la France Insoumise ne vise pas spécialement les algorithmes de modération automatique, le candidat écolo veut, lui, interdire complètement ces outils.
La pollution numérique
L’impact écologique du numérique est un argument repris par un grand nombre de candidats de gauche, de Jean-Luc Mélenchon à Anne Hidalgo, en passant par Yannick Jadot. Si la volonté de base est bonne — protéger l’environnement et limiter la pollution — certaines propositions se basent sur des études biaisées et seraient au final contre-productives.
Yannick Jadot propose ainsi de soumettre les autorisations de construction de nouveaux data centers à une étude sur l’impact du stockage de données sur le climat. Le candidat souhaite ainsi « qu’aucune nouvelle implantation de data centers ne soit autorisée en France avant que ne soient publiés et validés les résultats de cette étude ».
Empêcher la construction d’antennes
Yannick Jadot ne parle pas spécifiquement de la 5G dans cette proposition, mais tout porte à croire que c’est cette technologie qu’il avait en tête. Le candidat d’EELV souhaite « redonner aux collectivités locales la capacité de contrôle de déploiement des réseaux numériques, en particulier les implantations d’antennes relais ».
Le point anti-Linky
Le compteur électrique Linky s’est frayé une place dans la campagne. Plus précisément, dans celle de Nicolas Dupont-Aignan. Sur son site de campagne, on peut lire qu’il souhaite « lutter pour les libertés individuelles », qui seraient « menacées par le numérique ». Parmi ses propositions, il explique qu’il veillera à « ne pas connecter nos maisons », notamment au niveau de l’énergie « avec des compteurs « post-Linky » capables de contrôler et de taxer différemment suivant la destination de la consommation ».
Rendre l’accès au marché européen difficile à Google et Facebook
Marine Le Pen n’aborde quasiment pas le numérique dans ses propositions de campagne. Encore mieux, lorsque nous avons contacté le Rassemblement National afin d’avoir plus d’information sur les vues de la candidate sur la tech, le parti d’extrême droite nous a envoyé un livret papier — qui contient les propositions du groupe du RN au Parlement européen.
Parmi les propositions en figure une qui suggère de « rendre l’accès à nos marchés extrêmement difficile à Google Facebook Baoding et autres géants du numérique, via des normes et une fiscalité dissuasive ». Outre le fait qu’une telle mesure serait dommageable, elle nous a laissés perplexes : aucune entreprise ne porte le nom de Baoding — il s’agit d’une ville chinoise située non loin de Beijing. Notre hypothèse : les équipes du RN voulaient parler de Baidu, le « Google chinois ». Raté.
Les propositions peu convaincantes, impossibles, ou déjà mises en place
Certaines propositions des candidats entrent dans une catégorie spéciale : elles sont soit d’ores et déjà en application, n’ont pas vraiment d’intérêt, ou bien ne peuvent pas être mises en place par le chef de l’État.
C’est notamment de la taxe Gafa, proposée par Anne Hidalgo : l’initiative européenne est bloquée, et une loi instaurant une taxe sur les services numériques a été votée en France en 2019. Même chose pour sa proposition sur la réduction des ondes ambiantes.
Éric Zemmour, qui voulait permettre aux Français et Françaises de faire toutes leurs démarches administratives sur Internet, arrive également un peu tard : elles sont déjà quasiment toutes digitalisées. Même chose pour ses propositions sur l’investissement dans le quantique, l’intelligence artificielle, les semi-conducteurs ou entre la blockchain : ils existent tous déjà.
Parmi les plus en retard, notons Jean Lassalle, qui propose de couvrir entièrement la France en… 4G.
Au rayon impossible, notons enfin l’ambitieux projet de Nicolas Dupont-Aignan de mettre au point « notre propre moteur de recherche (un « google » francophone) et nos propres réseaux sociaux et plateformes de streaming », ainsi que notre propre « magasin digital d’applications ».
Les NFT ont également fait une apparition dans la campagne : ils ont été cités par Anne Hidalgo, qui veut encadrer leur vente et le régime des vendeurs, par Nicolas Dupont-Aignan, qui veut en apprendre la conception aux lycéens.
Enfin, même si elle n’a pas pour l’instant formulé clairement de propositions à ce sujet, Valérie Pécresse a déjà (brièvement) abordé le métaverse dans l’un de ces meetings.
Mise à jour du 14 mars à 15h30 : nous avons ajouté que Jean-Luc Mélenchon a également fait une proposition concernant l’accessibilité des sites internet. Une précédente version de cette article ne le précisait pas.
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