Le canadien Sandvine n’a plus le sourire aux lèvres après cinq années de croissance folle. L’entreprise créée sur les bases d’une technologie mise au point à l’Université de Waterloo, au sud du Canada, avait fait naître des espoirs considérables chez les investisseurs. En cinq ans, son chiffre d’affaires a progressé de 42.000 %. Du jamais vu dans le secteur high-tech canadien depuis RIM, le génial constructeur du Blackberry. Sandvine s’était même introduite en bourse en 2006, fière comme un supporter de l’équipe de hockey des Canadiens de Montréal. Tous les fournisseurs d’accès du monde entier, pensait-elle, allaient adopter ses solutions de gestion du trafic Internet pour brider ces très coûteux échanges de fichiers en P2P qui monopolisent jusqu’à 90 % de la bande passante des FAI.
Et puis le rêve se brise. Jeudi, Sandvine a vu le cours de son action chuté de 42 % à moins de 1,5 dollar canadien (1 euro), suite à l’annonce de ses résultats. Pour son premier trimestre clôt le 29 février, la firme prévoit des ventes d’environ 8,2 milliards de dollars canadiens, une chute de 88 % par rapport à la même période l’an dernier. Son chiffre d’affaires annuel pour 2007/2008 devrait se situer entre 80 et 85 millions de dollars, alors que Sandvine tablait encore sur près de 110 millions en décembre dernier. En tout état de cause, dans le haut de la fourchette des prévisions, son chiffre d’affaires ne devrait croître cette année que de 15 %, loin derrière les 132 % affichés l’an dernier.
Pour expliquer la chute, trois éléments se combinent. Le premier, le plus important sans doute, est ce qu’il convient désormais d’appeler « l’affaire Comcast« . Le fournisseur d’accès américain qui utilise les services de Sandvine pour brider BitTorrent s’est fait taper sur les doigts la semaine dernière par le gendarme des télécommunications américain, la FCC, qui lui reproche d’utiliser ni plus ni moins des techniques de hackers. La FCC a prévenu le FAI qu’il ne permettrait pas à l’opérateur de continuer sur cette voie. Message entendu par tous les autres. Les routeurs Sandvine installés dans les centraux des opérateurs transforment à la volée les paquets envoyés par les utilisateurs de BitTorrent en paquets « reset » (TPC RST) qui interrompent la communication. Or il est interdit de modifier les communications que transportent les opérateurs.
De plus, selon le cabinet d’étude canadien Canaccord Adams auprès de 40 opérateurs télécoms, les FAI mettraient un frein actuellement aux dépenses d’investissement réalisées pour leurs infrastructures et chercheraient plutôt à capitaliser sur les infrastructures en place. Ce qui veut dire moins de commandes en faveur de Sandvine, et la décision de la FCC renforce leur hésitation à s’équiper en routeurs de bridage du Peer-to-Peer qui non seulement sont jugés illégaux, mais qui en plus nuisent considérablement à leur image.
En France, quelques fournisseurs d’accès mais en particulier Free procèdent eux-aussi à un bridage des protocoles P2P. Ce dernier semble pour le moment se contenter de brider eMule, par une technique facilement contournable grâce au brouillage de protocole (voyez notre guide en vidéo pour bien configurer eMule). Et c’est là le dernier élément qui explique les difficultés de Sandvine. Les fournisseurs d’accès commencent à réaliser que le filtrage de réseaux nécessite des moyens considérables avec des effets très limités. Les solutions pour contourner le filtrage ou le bridage des réseaux existent déjà, et continueront à se développer si les FAI souhaitent mener cette bataille illégitime. Ils réalisent que malgré les coûts, il n’est ni légitime ni pertinent de chercher à brider la bande passante que payent leurs clients. Le P2P est une technologie d’avenir avec laquelle il faudra composer.
+ rapide, + pratique, + exclusif
Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.
Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.
Marre des réseaux sociaux ? Rejoignez-nous sur WhatsApp !