Il y a semble-t-il à nouveau urgence à passer un texte contre le téléchargement illégal qui n’aura sans doute pas plus d’effet sur le téléchargement que la loi DADVSI, qui avait été elle-aussi adoptée en procédure d’urgence en 2006. Selon PC Inpact, qui cite des sources internes et concordantes, « la loi dite Olivennes devrait être présentée dès le début du mois d’avril au Sénat, soit après les élections municipales« . La procédure permet au gouvernement de faire adopter le texte sans la traditionnelle navette entre les deux chambres de l’assemblée. Après sa lecture au Sénat, le texte pourrait donc être voté dès sa lecture à l’Assemblée Nationale d’ici l’été, conformément au calendrier fixé par Christine Albanel et le Président Nicolas Sarkozy.
L’avant-projet de loi Olivennes que Numerama révélait en exclusivité le mois dernier prévoit la création d’une « Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet« , qui remplacera et complètera l’Autorité de Régulation des Mesures Techniques créée par la loi DADVSI. Preuve que l’urgence mène à rapidement défaire ce que l’on a fait, ou à corriger les nombreuses imperfections qu’elle induit.
La Haute Autorité sera dotée de missions de protection des œuvres, d’observation de l’offre légale et de l’utilisation illicite des œuvres, et d’une mission générale de régulation et de veille dans le domaine des mesures techniques (DRM). Mais elle devra surtout mettre en œuvre la riposte graduée, qui consiste à avertir par e-mail les internautes qui téléchargent illégalement avant de suspendre leur accès à Internet pendant une semaine en cas de récidive, voire de rompre totalement l’accès pendant un an en cas de nouvelle récidive. Pour assurer l’efficacité de cette dernière sanction, le texte prévoit la création d’un fichier national des internautes que les fournisseurs d’accès devront consulter avant toute ouverture de ligne.
Parmi les points sensibles de l’avant-projet de loi, Numerama avait révélé que le texte prévoit de donner à des agents de l’Etat le pouvoir d’obtenir l’identité et l’adresse des internautes sans passer par un ordre du juge, directement auprès des fournisseurs d’accès à Internet qui ne pourront s’y opposer. Une entrave grave aux principes d’un état de Droit où le juge est garant notamment du respect des droits de la défense.
Par ailleurs, le texte ne prévoit pas de rendre responsable ceux qui téléchargent, mais les titulaires d’abonnements à Internet dont les accès sont utilisés, y compris par un tiers inconnu, pour effectuer des téléchargements illicites. C’est sans doute le point le plus bancal et néanmoins le plus important du projet de loi. L’artifice intellectuel n’a aucun fondement théorique, mais vise simplement à éviter la censure du Conseil constitutionnel, qui avait déjà censuré une première fois la riposte graduée lors de l’examen de la loi DADVSI. Le Conseil avait en effet jugé, lorsque la riposte graduée visait le téléchargeur contrefacteur, qu’il n’était pas conforme au principe d’égalité de faire du téléchargement un cas spécial dans la sanction de la contrefaçon. En visant cette fois les abonnés et non les téléchargeurs, le projet de loi Olivennes crée par une sorte de responsabilité par ricochet une obligation générale de filtrage de l’internet chez l’abonné, qui devra au minimum prouver qu’il a mis en place les outils de filtrage proposés par son FAI, sans qu’il n’ait jamais été prouvé aujourd’hui que ces outils étaient efficaces. De plus, il sera très difficile voire impossible de prouver dans les faits que les mesures de filtrage ont été prises, d’autant que l’Autorité aura la possibilité arbitraire de refuser les demandes d’audience qu’elle jugera « abusives« . Dans aucun autre domaine un tel texte de sanction administrative serait accepté.
Numerama, bien sûr, sera en première ligne pour commenter les débats et apporter sa pierre à l’opposition.
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