Les télévisions du pays et les agences de presse, contrôlées par l’Etat, avaient soigneusement évité de montrer des images de brutalités policières. Elles ont été rapidement divulguées sur les sites de partage de vidéos, qui font l’objet d’une censure.
Lorsqu’ils tentent de se connecter sur YouTube.com, les internautes chinois tombent depuis dimanche sur une page blanche et un message d’erreur. Selon le site Radin Rue, ce sont ces images compilées en vidéo qui auraient provoqué la censure sur YouTube (News.com indique pour sa part que la version chinoise de Youtube, qui fait déjà l’objet d’une censure politique continue des contenus, reste accessible) :
D’après Pékin, les manifestations de Lhassa auraient fait 13 morts parmi les manifestants, mais le gouvernement tibétain exilé en Inde estime pour sa part que le nombre pourrait se monter à 80 morts. Le poids des images étant dangereux pour la stabilité du régime chinois, le Tibet fait l’objet d’une véritable chape de plomb médiatique. Les journalistes locaux ou étrangers ont interdiction totale d’y circuler, de photographier ou de filmer les rues. En bloquant les sites comme Youtube, les autorités chinoises espèrent éviter que des vidéos non officielles puissent être envoyées trop facilement vers des sites populaires, qui lui feraient perdre la main mise sur la communication autour du conflit.
Ce n’est pas la première fois que Youtube est ainsi victime de censure et de blocage de la part de gouvernements. Le mois dernier, c’est le Pakistan qui a bloqué l’accès au site de partage de vidéos. Le Brésil, la Turquie et la Thaïlande ont eux aussi agi ces derniers mois pour censurer le portail américain.
Raviver les réseaux P2P au nom de la liberté d’expression
Par leur nature centralisée, les sites comme Youtube sont très faciles à contrôler et à censurer dès qu’un régime le décrète. En revanche, les réseaux P2P totalement décentralisés comme eMule (avec le réseau Kad) sont beaucoup plus difficiles à censurer et à contrôler, puisqu’il n’y a plus de point névralgique à viser, comme un nom de domaine (Youtube.com) ou l’adresse IP d’un serveur. Lorsqu’un contenu est partagé et téléchargé sur un réseau P2P, il n’est plus possible de le supprimer ou d’en interdire l’accès sans le supprimer sur l’ensemble des ordinateurs qui le partagent dans le monde entier. Sur Youtube, au contraire, il suffit de modifier une seule fois une ligne dans la base de données du site pour que la vidéo soit supprimée et rendue inaccessible partout dans le monde.
Le succès des YouTube, Dailymotion et autres sites de partage de vidéos, aidés par la lutte occidentale contre le Peer-to-Peer, ont asséché la fonction de relai médiatique des réseaux P2P, qui avaient servi par exemple en 2004 pour distribuer des vidéos du tsunami en Asie du sud-est. Désormais, rares sont les internautes qui préfèrent les réseaux P2P aux sites de partage de vidéos centralisés, dont la simplicité d’utilisation et la popularité rendent le peer-to-peer démodé.
A cause de mesures comme l’amendement Vivendi, couplées à des lois comme la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) qui protègent le statut d’hébergeur, les éditeurs sont aujourd’hui beaucoup plus protégés juridiquement lorsqu’ils créent des services d’hébergement centralisés de type Dailymotion que lorsqu’ils éditent des logiciels de P2P neutres.
On voit bien par l’exemple chinois que sur un Internet libre, le Peer-to-Peer mérite pourtant encore toute sa place, et plus encore aujourd’hui qu’hier. Derrière le prétexte de la lutte contre le piratage, c’est bien une lutte officieuse contre l’accès libre à l’information qui est menée lorsque les gouvernements occidentaux s’attaquent aux réseaux P2P. Dan Gillmor nous avait pourtant prévenu.
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