Il n’y aurait pas vraiment eu de victimes lors du bombardement du théâtre de Marioupol, peut-on entendre dans le podcast des DéQodeurs, un groupe de la mouvance QAnon, que l’on peut trouver sur Apple Podcast. Sur Spotify, on peut toujours écouter « l’enquête sur la vaccination » de Thierry Casasnovas, un anti-vaccin convaincu et soupçonné de dérive sectaire par la Miviludes. Et sur Google Podcast, ce sont certaines émissions d’ERFM, la radio d’Alain Soral, qu’on peut trouver.
Les podcasts sont devenus, depuis quelques années, un médium en pleine croissance. Sur Spotify, on trouve plus de 3,6 millions, selon Podcast News, l’app Podcast Addict indique avoir 1,4 million de podcasts et plus de 35 millions d’épisodes dans son catalogue, et Apple Podcast accueillerait plus de 2,4 millions d’entre eux, selon le site spécialisé Podcast Industry Insight.
Mais ce succès peut aussi se transformer en problème : certains podcasteurs partagent des fake news ou des injures racistes — et ils ne sont pas modérés. L’exemple le plus parlant et le plus clair de cette situation est celui du podcast de Joe Rogan, pour lequel Spotify a déboursé 200 millions de dollars en 2020, mais il existe de nombreuses émissions problématiques. Car tout le monde peut mettre en ligne son podcast, mais il n’y a pas grand monde pour s’assurer que ces derniers ne contiennent pas des propos dangereux.
Les plateformes modèrent leur contenus, mais ce n’est pas assez
Les plateformes n’ont pas toutes adopté la même tactique pour lutter contre les fake news dans les podcasts. Apple Podcast est celle ayant pris les mesures les plus strictes : tous les podcasts publiés sur la plateforme sont examinés par des comités chargés spécifiquement de surveiller s’ils respectent la loi — donc, tout ce qui concerne les propos haineux, comme l’antisémitisme.
Le français Deezer applique quant à lui « un processus de contrôle fondé sur l’analyse de signalements provenant des utilisateurs, des associations, ou encore des salariés de Deezer », nous explique la plateforme. Ce n’est que lorsque d’un contenu a été signalé qu’il peut éventuellement être retiré, après avoir été examiné en interne : il n’y a pas de vérifications faites a priori.
Quant à Spotify, la plateforme n’a pas répondu à nos questions. Mais d’après un article de The Verge, paru en 2021, il semblerait que la plateforme utilise « des mesures de détections algorithmiques et humaines pour s’assurer que le contenu sur la plateforme respecte bien les règles ». Mais malgré ces mesures, les problèmes persistent sur toutes ces plateformes, où est facile de trouver en quelques clics des contenus complotistes et anti-vaccin.
Surtout, un autre problème se rajoute à cela : les apps n’hébergent pas, majoritrairement, directement les podcasts qu’elles agrègent. « Dans 99 % des cas, les apps n’accueillent aucun podcast directement », nous explique Xavier Guillemane, le fondateur de Podcast Addict. « Elles permettent juste de parcourir des contenus publics. Il n’y a pas de modération de leur côté […]. Ce sont les podcasteurs qui sont responsables de leur contenu ». Il est impossible de contrôler les contenus ajoutés par un flux RSS — or, ils représentent une partie importante des podcasts publiés aujourd’hui. La seule barrière est donc juridique : les créateurs sont soumis aux lois françaises.
Tout le monde peut faire des podcasts
L’un des principaux problèmes auquel les plateformes sont confrontées est aussi ce qui participe à leur succès : tout le monde peut publier son podcast. Depuis 2018, Spotify offre à tout le monde la possibilité de mettre en ligne sa création, gratuitement et très rapidement. La même chose est possible sur Deezer et sur Amazon Music.
C’est cette accessibilité, qui a permis au secteur des podcasts de se développer, qui est aujourd’hui remise en question. En laissant tout le monde publier librement, les plateformes ont mis à la disposition de millions d’écouteurs potentiels des fake news ou des propos violents. C’est ce qu’il s’est passé sur Spotify, comme Numerama l’avait déjà dévoilé en février, où de nombreux programmes anti-vaccin et antisémites étaient disponibles.
Depuis notre article, les émissions des DéQodeurs et d’Alain Soral ont été supprimées de la plateforme suédoise, mais d’autres émissions problématiques demeurent : outre les émissions de Thierry Casasnovas, on trouve également celle du Grand Réveil, un groupe complotiste, ou encore celles du groupe d’extrême droite Action Française. Les autres plateformes ne sont cependant pas exemptes de problèmes : ont trouve également sur Apple Podcast et Google Podcast les émissions des DéQodeurs et d’ERFM, la radio d’Alain Soral.
Les instances judiciaires
Pour l’instant, la seule solution pour demander le retrait des contenus les plus dangereux reste le signalement, ou les actions en justice. Car il n’y a pas d’organisme responsable de la surveillance des podcasts en France. Comme le précisait Le Monde le 22 mars, « en France, le contenu des podcasts – sauf s’il s’agit de replays de radio – ne peut pas être sanctionné […] par l’Arcom, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique ». Et ce, même si les émissions contiennent de l’incitation à la haine, des propos antisémites, de la désinformation ou de la manipulation d’information.
Pourquoi cela ? La raison est simple : l’organisme n’en a simplement pas le pouvoir. L’Arcom n’a en effet que peu de pouvoir sur les contenus publiés en ligne, bien qu’elle soit chargée de la régulation des plateformes en ligne et réseaux sociaux sur certains points, notamment sur des questions de manipulation de l’information ou de haine en ligne. Seulement, les podcasts ne rentrent pas dans ses attributions. C’est pour la même raison que l’Arcom ne régule par le temps de parole des candidats sur Twitch : l’organisme n’en a simplement pas le pouvoir.
Pour l’instant, il n’y a donc qu’un seul recours possible en dehors des plateformes : porter plainte. Une option qui est bien trop coûteuse et bien trop longue pour de simples auditeurs. Pour l’instant donc, pour modérer les podcasts sur les plateformes de streaming, il n’y a pas grand monde.
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