Le Digital Markets Act est un drôle de texte. Après plusieurs mois de négociations, le DMA, comme nous l’appellerons dans cet article, a reçu un accord provisoire du Parlement et du Conseil européen. Ce texte ne cache pas ses ambitions : il veut réguler strictement les grandes entreprises du web avec des consignes inédites pour un espace économique, dont certaines techniquement très dures à mettre en place. En attendant de voir ce qu’il se passera réellement, voici un résumé de ses objectifs.
Quelles sont les entreprises concernées par le DMA ?
Le DMA régule le web, mais laissera tranquilles les « petites entreprises ». Pour être concerné par les nouvelles règles européennes, il faut fournir des services dits « essentiels » (réseaux sociaux, moteurs de recherche, messagerie…), avoir une capitalisation boursière d’au moins 75 milliards d’euros (ou un chiffre d’affaires annuel supérieur à 7,5 milliards d’euros). Pour qu’une entreprise entre dans le collimateur de l’Europe, elles doivent aussi proposer des services avec au moins 45 millions d’utilisateurs actifs chaque mois en Europe.
Vous l’avez sans doute compris, les entreprises visées sont, surtout, Google, Apple et Facebook, ainsi que Twitter ou Snapchat dans de plus petites mesures. Elles offrent toutes des services utilisées par des millions de personnes, souvent verrouillées dans leurs propres écosystèmes. Le DMA veut faire changer ça.
Qu’est-ce qui va changer avec le DMA ?
Concrètement, quasiment tout.
C’est ce qui étonne avec ce texte de loi, qui remet en place les fondements mêmes des services qu’il veut réformer. Voici la liste des choses que le DMA veut changer :
- Les grands services de messagerie (WhatsApp, Facebook Messenger, iMessage…) devront fonctionner avec les plus petits services de messagerie, s’ils en font la demande. Cette interopérabilité est un des mystères de ce texte de loi. Doit-on en conclure qu’un Telegram pourra demander à Apple un accès à iMessage pour que ses utilisateurs sous Android puissent envoyer des iMessage aux iPhone ? Un développeur tiers pourra-t-il développer une application réunissant WhatsApp, Messenger et iMessage en une ? Il est difficile de comprendre ce que veut l’UE ici. Est-ce que l’hypothétique lancement de FaceTime sur Android est suffisant, ou Apple doit-il faire de son service un standard utilisable par tous ?
- Apple et Google ne pourront plus imposer certaines applications par défaut dans leurs systèmes d’exploitation. Concrètement, cela veut dire qu’un acheteur d’iPhone pourra choisir son navigateur, son moteur de recherche et son assistant vocal. Pourra-t-on bientôt choisir de mettre comme app par défaut Google Assistant et Amazon Alexa sur iPhone ?
- Sans consentement, une entreprise ne pourra pas émettre de la publicité ciblée à ses utilisateurs. Les changements initiés par Apple en 2021 nous semblent correspondre à ces demandes.
- Une marque ne pourra pas limiter son écosystème à un seul magasin d’applications. Concrètement, cela veut dire que le DMA va forcer Apple à ouvrir ses iPhone et iPad au sideloading qu’il déteste tant.
- Certaines marques ne pourront pas limiter certaines technologies à leurs applications. Ce n’est pas écrit dans le communiqué du Parlement, mais, par exemple, la puce NFC de l’iPhone devrait être ouverte à tous. Apple Pay risque donc de perdre son monopole.
- Toutes les applications pré-installées doivent pouvoir être désinstallées.
- Des services comme Amazon ou Facebook devront être transparents vis-à-vis de leurs utilisateurs professionnels. Un vendeur devra avoir des informations sur ses ventes et un annonceur pourra accéder aux audiences de ses publicités.
- Une place de marché comme Amazon aura interdiction de mettre en avant ses propres produits au nom du droit à la concurrence.
Quelles sanctions si les marques ne respectent pas ?
L’UE l’a bien compris, certaines amendes infligées aux GAFAM sont trop faibles. Cette fois-ci, elle se donne le droit de prélever 10 % du chiffre d’affaires mondial d’une entreprise qui ne respecterait pas le DMA, ce qui devrait forcément leur faire peur. En cas de récidive, l’amende peut monter jusqu’à 20 % du chiffre d’affaires.
Quand est-ce que le DMA entrera en vigueur ?
Une fois adopté par le Parlement et le Conseil, ce qui ne devrait pas poser de problème, le DMA entrera en vigueur 20 jours après sa publication au Journal officiel. C’est probablement en fin d’année, vers octobre, que les entreprises devront se soumettre à ces règles. Est-ce réaliste ? Au vu de certains changements demandés, comme l’intéropérabilité des applications, nous en doutons fortement. Dans tous les cas, le DMA risque de créer un séisme dans le monde entier.
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