Le mercredi 19 mars, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe a restreint les conditions d’applications d’une loi allemande qui impose aux opérateurs de téléphonie fixe et mobile et aux fournisseurs d’accès à Internet de garder les données de connexions des abonnés pendant 6 mois. Une décision qui doit illuminer en France le prochain débat sur la loi Hadopi, dite loi Olivennes…

D’ici cet été, le Parlement français aura à débattre de l’adoption du projet de loi relatif à la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Loi Hadopi). Dans sa section 3, l’avant-projet de loi prévoit que pour les besoins de la mise en œuvre de la riposte graduée, « il peut être différé pour une durée maximale d’un an aux opérations tendant à effacer ou à rendre anonymes certaines catégories de données techniques« , c’est-à-dire essentiellement les données qui permettent de lier une adresse IP à l’identité d’un abonné à Internet. Personne ne semble s’émouvoir en France de ce que l’on puisse ainsi garder pendant 12 mois les données privées d’un abonné, simplement pour l’intérêt privé de sociétés d’édition de musique ou de cinéma. On rappellera qu’en plus, le texte actuel prévoit de donner à des agents nommés par les ministères la faculté d’obtenir ces identités sans passer par un ordre du juge, par simple demande auprès des fournisseurs d’accès à Internet.

En Allemagne, en revanche, les citoyens et le monde politique semblent beaucoup plus sensibles à la protection de la vie privée. Dans un jugement rendu mercredi 19 pars, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe a restreint les conditions d’applications d’une loi entrée en vigueur le 1er janvier 2008, et qui impose aux opérateurs de téléphonie fixe et mobile d’enregistrer les numéros de téléphone, date et heure des échanges ou lieu de l’appel pour les portables pendant six mois. A partir de 2009, les fournisseurs d’accès à Internet seront astreints à la même obligation concernant la conservation des adresses IP et des logs de connexion.

Par son jugement, la Cour constitutionnelle a validé le principe de la conservation des données pendant 6 mois, mais limité leur consultation par les autorités aux cas d’infractions criminelles les plus graves, tels que les homicides, abus sexuels, affaires de terrorisme ou certaines affaires de fraude fiscale ou de corruption. Les sociétés d’auteurs ou de producteurs de cinéma ou de musique ne pourront pas utiliser ces données pour lutter contre le piratage sur Internet.

La loi avait fait l’objet d’un recours déposé par 30.000 personnes le 31 décembre 2007.

Dans un arrêt du 29 janvier 2008, la Cour européenne de Justice a rappelé que les Etats membres devaient respecter un principe de proportionnalité lorsqu’il restreint le droit à la vie privée des internautes en faveur de la protection du droit d’auteur. Il faut assurer « un juste équilibre entre les différents droits fondamentaux« , avait rappelé la Cour, sans pour autant définir la ligne jaune, et tout en donnant aux états membres la liberté de fixer eux-mêmes le point d’équilibre.

Le fait de donner à des agents de l’Etat la possibilité d’accéder à des données de connexion pendant 1 an sans le contrôle du juge est-il, selon la France, un juste équilibre entre les droits fondamentaux ? Il faudra que la question soit soulevée devant le Parlement.

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