« Compte personnel » : c’est la mention qu’arborent depuis peu les comptes de certains ministres ou secrétaires d’État. Jean-Michel Blanquer, Sarah El Haïri, Jean-Baptiste Lemoyne, Olivier Dussopt et Olivia Grégoire ont tous changé leur description Twitter récemment afin d’inclure cette mention.
Il n’est pas rare de voir cette précision sur les comptes Twitter de certaines personnalités. Il en va de même pour d’autres précisions, comme les sempiternels « mes tweets n’engagent que moi » ou « follow ≠ like ». Mais alors que la campagne présidentielle bat son plein en avril 2022, cette petite phrase est tout sauf anodine, surtout venant de la part de certains ministres ou secrétaires d’État. Car, selon les consignes de la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale en vue de l’élection présidentielle (la CNCCEP), les représentants du gouvernement et les candidats ne peuvent pas faire ce qu’ils veulent sur les réseaux sociaux.
La mention du « compte personnel » sur Twitter, un détail qui a son importance
C’est un internaute qui s’est rendu compte en premier du changement de biographie Twitter de Sarah El Haïri, dès le 1er avril. Loin d’être une blague, la mention « compte personnel » est toujours visible sur le profil de la secrétaire d’État, à la date du 5 avril. L’ajout n’est cependant pas très vieux : selon Web Archive, en janvier 2022, il n’était pas précisé qu’il s’agissait d’un « compte personnel ».
C’est la même chose sur le compte du ministère de l’Éducation Jean-Michel Blanquer, qui affiche depuis au moins le 2 avril la mention « compte personnel », ce qui n’était pas le cas le 15 mars selon Web Archive, ou encore pour Olivia Grégoire, secrétaire d’État chargée de l’Économie solidaire, qui n’avait pas cette phrase le 24 mars dans sa bio Twitter. Web Archive indique la même chose pour Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué chargé du Tourisme, qui n’avait pas cette mention sur son compte Twitter le 16 mars. Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des Comptes publics, est le seul qui avait déjà la phrase dans sa description au mois de mars — mais l’addition est tout de même récente, car en février, la description du ministre sur Twitter ne précisait pas qu’il s’agissait de son « compte personnel ».
Si ces deux simples mots méritent autant d’attention, c’est parce que la campagne électorale bat son plein — et qu’elle est très encadrée par la CCNCEP. Cette commission a pour but de « veiller à ce que les candidats bénéficient des mêmes facilités de la part de l’État pour la campagne électorale », et pour cela, elle effectue une veille sur tous les supports : que ce soit la presse écrite, les médias audiovisuels, ou bien internet.
Il faut « respecter la neutralité du service public »
C’est donc la CCNCEP qui vérifie l’application des règles d’utilisation des réseaux sociaux par les candidats, notamment en ce qui concerne l’application du principe de neutralité du service public. « Tout candidat, ainsi que ses soutiens, titulaires d’une telle fonction [dans le service public] doivent veiller à distinguer actions de communication en lien avec leurs fonctions et celles rattachées à la campagne électorale », est-il précisé sur le site du service public. « La CNCCEP souligne que les comptes de réseaux sociaux des candidats ne doivent pas être utilisés de manière à confondre exercice de fonctions officielles et propagande se rattachant à la campagne électorale. C’est pourquoi la commission recommande la création de comptes dédiés. »
Concrètement, une personne d’ores et déjà élue ne peut pas faire campagne avec le compte Twitter qu’elle a utilisé pour communiquer lors de son mandat. Or, c’est exactement ce que semblent faire les membres du gouvernement : tous ont partagé des images de propagande électorale, et ils revendiquent de faire campagne en faveur d’Emmanuel Macron.
Le président a lui-même été épinglé par la CNCCEP pour les mêmes raisons. Au début du mois de mars, elle estimait que certains messages du président « se rattachaient à la propagande électorale », et l’a obligé à supprimer ces publications de son compte officiel.
L’ajout dans les descriptions des comptes de Mr Blanquer et des autres secrétaires d’État est donc particulièrement singulier, quelques jours après la suppression des messages d’Emmanuel Macron. Ont-ils espéré contourner la règle de la commission en ajoutant cette mention ? Il est pour l’instant difficile de le dire. Interrogés par Numerama, les cabinets des secrétaires d’État et du ministre n’avaient pas encore donné suite à nos questions au moment de la publication de cet article. La CCNCEP, que nous avons également contactée, ne nous a également pas répondu.
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