Des photos du meeting organisé à La Défense Arena le 2 avril, des banderoles floquées « avec Macron », des militants agitant des drapeaux français et européens, des hashtags « #5ansdeplus » et « #avecmacron », ou encore des tracts représentant Emmanuel Macron… Depuis quelques jours, beaucoup de ministres ou secrétaires d’État présents sur Instagram prennent part à la campagne électorale pour les élections présidentielles à coup de photos ou de stories publiées sur Instagram.
Ils n’ont pourtant pas le droit de faire : depuis le 18 mars, ils sont tous en « période de réserve », qui commence quelques semaines avant l’élection présidentielle et pendant lesquelles les ministres doivent s’abstenir de trop se déplacer, ou de trop communiquer sur les élection. Mais peu de membres du gouvernement s’interdisent de publier sur les réseaux sociaux.
Les ministres utilisent leur compte professionnel pour faire campagne pour Emmanuel Macron
La période de réserve est encadrée par le code électoral, et concerne aussi bien les candidats que les membres du gouvernement. Une circulaire envoyée le 10 février 2022 aux ministres, ministres déléguées et secrétaires d’État et publiée par Acteur Public rappelait que les membres du gouvernement ne devaient « pas intervenir dans la campagne électorale ou apporter un soutien à un candidat lorsqu’ils s’expriment « officiellement », c’est-à-dire en leur qualité d’autorité gouvernementale ». La circulaire indique que ces dispositions conduisent à « devoir séparer du mieux qu’il est possible l’action du membre du Gouvernement des prises de position qu’il peut avoir en tant que responsable politique. »
Or, sur Instagram, c’est un véritable festival de communication pro-Macron. La plupart des membres du gouvernement ont publié au moins un post depuis le 2 avril à propos de la campagne du candidat Emmanuel Macron. Que ce soient des photos de son meeting à la Défense Arena, des mots d’encouragement pour le président, des publications annonçant leurs prochaines réunions de campagne ou plus simplement des appels au vote… Quasiment tous les ministres s’y sont adonné.
Il ne s’agit jamais de leur compte personnel : tous les ministres ont indiqué sur leur page le poste qu’ils occupent au sein du gouvernement. Ils sont plusieurs à disposer d’une certification Instagram, ce qui confère à leur profil une certaine autorité, et le réseau social indique qu’ils sont des « personnalités politiques ». Il est donc difficile de considérer qu’ils ne s’exprimeraient pas « officiellement » sur leur compte Instagram, sur lesquels ils ont, par ailleurs, tous relayé leur actions politiques.
Le cas d’Élisabeth Moreno est le plus parlant : son nom Instagram, « elisabethmoreno_min », indique clairement sa position de ministre, et depuis le 18 mars et le début de la période de réserve, elle a fait 19 publications en soutien à Emmanuel Macron. Dans le cas du ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer, il est même indiqué qu’il gère son compte avec son équipe — alors que le code électoral précise que « l’utilisation de tous moyens publics dans le cadre de la campagne électorale pour l’élection présidentielle est strictement prohibée ».
Il n’y a guère que Marlène Schiappa qui a mentionné la période de réserve à ses abonnés. Dans sa dernière publication à ce jour, la ministre chargée de la Citoyenneté a expliqué que, jusqu’à l’élection présidentielle, « la communication des ministres est restreinte ». Marlène Schiappa continue cependant de faire campagne pour Emmanuel Macron de manière un peu plus discrète, à travers ses stories : on peut notamment la voir participer à une réunion publique et expliquer le programme du candidat.
Des règles difficilement applicables
Mais pour les membres du gouvernement, la règle serait floue. Un membre de l’entourage de Jean-Michel Blanquer contacté par Numerama, considère qu’elle serait aussi « difficile à appliquer ». Il serait ainsi dur de pouvoir réellement séparer l’homme, libre de militer et de soutenir qui il souhaiterait, du ministre, à qui s’imposerait le silence. Le ministre de l’Éducation, qui a récemment ajouté la mention « compte personnel » sur son profil Twitter, l’aurait d’ailleurs fait sur les recommandations de la République en Marche, selon notre interlocuteur, justement pour essayer de différencier ses propos personnels et ses propos en tant que ministre.
Mais aux règles citées par la circulaire se rajoute le principe de neutralité du service public, qui, comme le rappelle la CNCCEP (la commission nationale de contrôle de la campagne électorale en vue de l’élection présidentielle), demande que les personnes exerçant des fonctions publiques, « de nature présidentielle, gouvernementale, administrative ou relevant d’une collectivité territoriale », doivent « veiller à distinguer les actions de communication en lien avec leurs fonctions et celles rattachées à la campagne électorale ».
C’était notamment la raison pour laquelle Emmanuel Macron a dû supprimer plusieurs tweets de son compte officiel : la CNCCEP a jugé que son message de déclaration de candidature « se rattachait à la propagande électorale », et que, « compte tenu des caractéristiques de l’utilisation de ce compte Twitter, utilisé de longue date […] pour relayer des messages afférents à l’exercice de ses fonctions de Président de la République, il était préférable de ne pas utiliser ce compte pour y diffuser de tels messages ». Depuis ce recadrement, Emmanuel Macron utilise un autre compte, dédié à sa campagne, afin de partager sa propagande électorale.
Pourquoi les ministres ne feraient-ils pas la même chose ? La CNCCEP ne l’a pas pour l’instant recommandé pour les membres du Gouvernement, qui continuent donc d’utiliser leur comptes habituels. Les membres du gouvernement pourraient donc bien continuer à publier sur Instagram pendant quelques temps.
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