De l’art de sauter sur la moindre occasion pour enfoncer des portes ouvertes. Alors que le gouvernement britannique s’est vu remettre la semaine dernière un rapport sur les dangers auxquels sont confrontés les enfants dans les jeux vidéo et dans leur navigation sur Internet, l’industrie du disque en profite pour suggérer que le bannissement des réseaux P2P devienne la règle afin de protéger parents et enfants des travers des réseaux d’échange de fichiers…

La Fédération Internationale de l’Industrie Phonographique (IFPI) aime entretenir les amalgames entre des phénomènes qui n’ont rien à voir entre eux. Ainsi, l’IFPI a applaudit des deux mains un rapport britannique sur la sécurité des enfants dans le monde numérique, qui se concentre sur les dangers psychologiques auxquels sont exposés les plus jeunes sur Internet et dans les jeux vidéo. Commandé en septembre 2007 par le Premier Ministre britannique à la pédopsychiatre Tanya Byron (photo ci-contre), le rapport tente de trouver un équilibre entre la nécessité d’accorder aux enfants leur droit naturel à prendre des risques, ce qui est inhérent à leur développement, et la nécessité de poser des barrières pour protéger leur intégrité psychologique.

Dans son rapport, Tanya Byron insiste sur la vertu éducative des jeux vidéo et de la navigation sur Internet, tout autant que sur la nécessité de les encadrer. Elle propose notamment de renforcer la classification et les avertissements sur les jeux violents, et d’interdire la vente de jeux adultes aux mineurs, sous peine de sanction pénale, car « les jeux vidéo peuvent modifier en profondeur le développement du système de valeurs des enfants et les désensibiliser à la violence« .

Pour Internet, la pédopsychiatre propose de mieux contrôler les contenus mis à disposition des jeunes, en se concentrant sur le contrôle des sites les plus populaires, qui forment la tête de la « longue traîne » des sites internet visités par les jeunes. Elle pointe la responsabilité des parents, qui doivent apprendre à configurer les outils de contrôle parental mis à leur disposition notamment par les fournisseurs d’accès à Internet, mais demande que les ordinateurs vendus en Grande-Bretagne soient pré-équipés d’un tel outil, et que sa configuration soit expliquée pas à pas dès que l’on se connecte pour la première fois à Internet. Elle suggère par ailleurs que l’industrie se mette d’accord sur un « code de bonne conduite » pour réduire les délais entre le moment où un contenu illicite ou choquant est notifié à un éditeur de service web 2.0, et le moment où le contenu est retiré.

Autant de proposition qui convergent avec les intérêts de l’industrie du disque, qui souhaite étendre les systèmes de filtres parentaux à l’interdiction des réseaux peer-to-peer sur les ordinateurs familiaux, et mieux contrôler les sites web 2.0 comme Youtube. L’IFPI, qui représente les intérêts des majors de l’industrie du disque, s’est donc empressée d’accueillir avec ferveur la publication du rapport Byron, même si celui-ci ne parle absolument pas de piratage et de musique.

« Le rapport Byron reconnaît les dangers qui existent dans l’environnement numérique« , s’est félicité vendredi le Président de l’IFPI John Kennedy dans un communiqué. « Nous encourageons le gouvernement britannique à faire davantage de travail d’éducation pour aider les enfants à rester en sécurité lorsqu’ils utilisent Internet« , ajoute-t-il avant de préciser sa pensée : « une décision judiciaire récente aux Etats-Unis a mis en évidence le fait que les criminels se servent des réseaux de partage de fichiers pour commettre des vols d’identité, collecter des informations financières personnelles souvent envoyées involontairement sur Internet lorsque les enfants utilisent l’ordinateur familial pour partager de la musique qui viole les droits d’auteur« .

L’IFPI devrait publier bientôt son propre guide à destination des parents et des enseignants, pour apprendre aux enfants à obtenir leur musique d’une manière « légale et sûre ».

Un discours qu’elle tient depuis 10 ans sans le moindre résultat, et qui n’aura pas plus d’effet aujourd’hui qu’hier. Les jeunes générations visées par le rapport sont nées avec Napster, et elles ne dévieront vers les offres légales que si elles apportent une vraie valeur ajoutée, ou au moins les mêmes avantages : gratuité et absence totale de restriction sur l’utilisation des fichiers. Plutôt que sur un énième guide inutile, c’est sur ce problème essentiel que l’IFPI devrait se pencher et sur lequel elle devrait épuiser ses crédits en perte de vitesse. EMI n’a-t-elle pas demander à l’IFPI de faire des économies ?

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