Deux tiers des Français sont favorables au vote en ligne. Voilà ce qui ressort d’une enquête d’Odoxa, dont Public Sénat se fait l’écho le 21 avril 2022. Le sondage rapporte que 67 % de l’échantillon interrogé (1 005 Français âgés de 18 ans ou plus) sont pour la mise en place de ce dispositif. 71 % pensent même que cela réduirait l’abstention, et même, pour 58 % des interrogés, cela les pousserait à voter plus souvent.
Pour qui n’est pas très au fait de cette modalité de scrutin, le vote en ligne peut être une notion vague. Qui plus est, elle peut être amalgamée avec un système différent, le vote électronique — et dont le déroulement passe par l’usage de machines à voter. Pourtant, ce sont deux approches qui n’ont pas grand-chose à voir l’une et l’autre, si ce n’est l’emploi de la technologie.
Le fonctionnement des machines à voter (vote électronique)
Le vote électronique est, dans la forme, proche de l’équivalent papier. Il se déroule dans les bureaux de vote, ce qui nécessite de s’y déplacer le jour du scrutin — sauf en cas d’abstention. Les électeurs doivent suivre le même rituel, avec un passage devant les membres du bureau chargés de contrôler les opérations, et dans un isoloir pour choisir en toute tranquillité.
Le vote électronique se déroule sur une machine à voter, qui fonctionne de manière indépendante : elle n’est pas reliée à Internet et ne fonctionne pas non plus en réseau avec les autres machines. Au lieu d’avoir une urne classique, la machine elle-même fait office d’urne électronique, en imprimant les résultats sur un ticket, à la fin, le tout sous la supervision du bureau de vote.
Ainsi, les électeurs et les électrices n’ont pas besoin de prendre les petits papiers sur lesquels figurent les noms des candidats et des candidates ni l’enveloppe pour glisser leur choix à l’intérieur : il leur faut suivre les procédures affichées à l’écran et appuyer sur divers boutons. Il y a même une possibilité de choisir le vote blanc pour qui refuse ou n’arrive pas à choisir.
Surtout, le vote électronique est licite en France, même si la situation est gelée depuis 2008 : seules les communes qui s’en servaient avant cette date ont toujours le droit de s’en servir (trois modèles ont l’autorisation de fonctionner en France). Le vote électronique, du fait de ses particularités, est soumis à des consignes particulières, pour limiter les risques de fraude.
Les machines à voter s’avèrent très peu utilisées à l’échelle du territoire : cela concerne environ 1 400 bureaux de vote (avec une limite d’une machine par bureau), répartis dans une soixantaine de communes. Si ces villes sont de moins en moins nombreuses à s’en servir, il y a quand même une fraction non négligeable du corps électoral (environ 1,4 million de personnes) qui s’en sert.
Le processus pour le vote en ligne (ou vote par Internet)
Le vote en ligne, ou vote par Internet, est de ce fait très différent. Ici, on ne vote pas dans un bureau de vote, sous la supervision de ses membres (sauf lors du passage dans l’isoloir), mais depuis chez soi ou, pourquoi pas, en déplacement ou n’importe où, avec son ordinateur portable ou son smartphone, du moment que l’on a une connexion à Internet active.
Le principe du vote en ligne est qu’un électeur ou une électrice se connecte à un site web, qui fera office d’urne électronique, pour y exprimer son choix. Avant le scrutin, il ou elle a dû recevoir tous les éléments nécessaires pour se connecter. Cela peut être un identifiant et un mot de passe, l’un qui est transmis par voie postale, l’autre par SMS ou mail, pour éviter les mauvaises surprises.
Une autre différence avec le vote électronique réside dans sa légalité : le vote par Internet pour des élections politiques n’est pas permis en France. Il a été autorisé dans certaines circonstances par le passé, pour voter aux élections législatives de 2012. Cette modalité était acceptée dans le cas où les électeurs et les électrices vivaient à l’étranger.
Le vote en ligne ne nécessite pas de passer par une machine particulière (alors que le vote électronique, oui), mais le processus peut demander de satisfaire certaines prérequis techniques : utiliser un type de navigateur web précis, et à jour, ou bien d’installer un composant particulier, sans lequel le processus ne pourrait aller à son terme. Il faut aussi s’authentifier.
Le vote par Internet pourrait devenir une modalité à l’avenir, car cette piste est parfois décrite comme une solution pour remédier à l’abstention — ce que traduit le sondage. Cependant, les bienfaits supposés du vote par Internet sont discutés et contestés. Rien n’est encore décidé : cela pourrait en outre ne pas concerner tous les Français ni toutes les élections politiques.
Deux approches différentes, mais des critiques similaires
Si le vote électronique et le vote par Internet ont des différences évidentes, ils partagent toutefois certains points communs. L’usage de la technologie, comme on l’a dit précédemment, en est un. Mais les craintes que charrient l’une et l’autre de ces modalités en sont un autre. Car il s’avère que les inquiétudes associées au premier se retrouvent aussi chez le second.
Ces craintes et ces critiques sont parfois fondées et légitimes, même si elles sont souvent accrues par un certain fantasme. Outre la question de la sécurité de ces dispositifs face à des menaces internes ou externes, les deux approches partagent des problématiques similaires sur la fiabilité et la sincérité du scrutin, la vérifiabilité des opérations, la transparence du vote, etc.
En fait, le vote en ligne peut sans doute être considéré comme plus exposé. Alors qu’il y a un segment à risque avec le vote électronique, à savoir la machine à voter elle-même, il y a trois segments critiques avec le vote en ligne : l’ordinateur du votant, la liaison Internet pour acheminer l’instruction de vote et la plateforme à distance, qui est connectée et héberge l’urne électronique.
Nous avons consacré plusieurs articles pour illustrer les problèmes que posent les machines à voter, mais aussi pour montrer comment cela se passe concrètement dans un bureau de vote. Nous avons fait de même pour le vote en ligne, lorsque la possibilité a été envisagée un temps en pleine pandémie de coronavirus — afin de ne pas provoquer de cluster dans les bureaux.
Aujourd’hui, c’est le statu quo qui prédomine. Le gouvernement ne sait toujours pas s’il faut accepter ou interdire les machines à voter. Quant au vote en ligne, un retour pour les Français de l’étranger a été souhaité pour 2022 par Emmanuel Macron. L’idée figurait dans son programme de 2017. Cela n’a finalement pas eu lieu. Et ensuite ? La porte n’est pas fermée.
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