Les contenus envoyés par les internautes peuvent être filtrés avant leur mise en ligne, au nom de la protection de la propriété intellectuelle, tant que sont garanties les exceptions ou les limitations au droit d’auteur. Et à ce sujet, la Cour de justice de l’Union européenne a rendu son verdict ce mardi 26 avril 2022 : le droit européen comporte justement des dispositions pour préserver les libertés d’expression et d’information du public.
L’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) concerne un texte qui, en son temps, avait provoqué d’importants débats sur le Vieux Continent. Il s’agit de la proposition de directive sur le droit d’auteur, présentée par la Commission européenne en septembre 2016 et adoptée trois ans plus tard. Cette directive avait suscité une levée de boucliers en raison d’articles jugés déséquilibrés, voire excessifs, notamment l’article 17 (ex-13).
Sous l’empire de cet article, les plateformes en ligne (comme YouTube) sont tenues « directement responsables lorsque des [œuvres protégées] sont téléversées illégalement par les utilisateurs de leurs services ». En somme, elles s’exposent à des représailles devant les tribunaux en lieu et place des internautes fautifs. Pour éviter ce scénario, elles ont la possibilité de faire une surveillance active des contenus uploadés, qui a pour but d’intercepter ces contenus protégés.
Comme d’autres critiques à l’encontre de cet article 17, la Pologne estimait que son périmètre et sa formulation allaient trop loin — Varsovie avait alors lancé un recours devant la CJUE pour en obtenir l’annulation, au motif que ce filtrage enfreint la liberté d’expression et d’information garantie par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Recours qui a donc été rejeté le 26 avril, la juridiction ayant une tout autre lecture.
La justice européenne estime la directive équilibrée entre liberté et droit d’auteur
La Cour considère que cet article 17 est « entourée de garanties appropriées pour assurer le respect du droit à la liberté d’expression et d’information des utilisateurs de ces services ». Elle considère qu’il y a un « juste équilibre » entre les intérêts des internautes et celui des ayants droit, qui sont tous des « droits fondamentaux » dans l’Union européenne. Mais la CJUE adresse toutefois une mise en garde : l’adaptation de l’article 17 dans chaque pays doit intégrer cet équilibre
Ainsi, rappelle la Cour, « il incombe aux États membres, lors de la transposition de l’article 17 de la directive dans leur droit interne, de veiller à se fonder sur une interprétation de cette disposition qui permette d’assurer un juste équilibre entre les différents droits fondamentaux ». En France, une ordonnance prise en mai 2021 transpose cet article et quelques autres, pour empêcher la disponibilité d’œuvres non autorisées sur les sites.
Face aux inquiétudes légitimes et aux critiques (pour répondre aux exigences de la directive et en l’absence d’accord de licence, une automatisation du filtrage s’avère indispensable, les sites n’ayant pas la capacité matérielle de faire une vérification de tous les envois à la main, ce qui fait craindre de la sur-censure et un manque de nuance), des exemptions sont effectivement prévues.
C’est le cas notamment des :
- encyclopédies à but non lucratif comme Wikipédia :
- des places de marché comme Amazon ;
- des plateformes de développement et de partage de logiciels open source comme GitHub ;
- des services individuels de stockage dans le cloud sans accès direct au public ;
- des répertoires scientifiques ou destinés à l’enseignement.
De son côté, le Parlement européen avait signalé à l’époque que les exceptions au droit d’auteur demeurent : « l’upload d’œuvres protégées à des fins de citation, de critique, d’avis, de caricature, de parodie ou de pastiche » est toujours possible. « Les mèmes et les GIF continuent d’être disponibles et partageables sur les plateformes en ligne », ajoutait-il. À l’usage, il apparaît que les mèmes, les GIF et les extraits sont toujours utilisés sur les plateformes.
Par railleurs, le texte intègre un cadre moins sévère pour les jeunes plateformes. Celui-ci prévoit une plus grande souplesse si elles moins de trois ans d’existence, génèrent un chiffre d’affaires inférieur à 10 millions d’euros par an et affichent une affluence n’excédant pas 5 millions de visiteurs uniques mensuels. Si ces trois critères sont respectés en même temps, alors elles peuvent accéder à ce cadre. Pas comme YouTube, donc.
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