Mise à jour : Contrairement à ce que nous écrivions suite à notre première lecture, le texte de loi soumis au Conseil est plus flou que les précédentes versions concernant le caractère systématique de la gradation des avertissements et sanctions. En particulier, dans une lecture littérale de la loi, la Haute Autorité peut suspendre l’abonnement de l’abonné « en cas de manquements répétés » (c’est-à-dire pas forcément au bout de la deuxième récidive), le caractère répété étant apprécié sur une période d’une année, sans plus de précision. C’est un Décret en Conseil d’Etat qui viendra préciser les modalités.
Même si le Parlement européen a rejeté l’idée comme étant contraire aux droits fondamentaux et aux droits de l’Homme, même si de très grands acteurs du web en France comme Google, Microsoft ou Dailymotion s’insurgent contre le procédé, et même s’il reflète une vision extraordinairement réactionnaire de l’utilisation du net comme moyen de diffuser la culture, le projet de loi HADOPI reste à l’ordre du jour. Le collectif La Quadrature du Net révèle aujourd’hui la version du projet de loi (.pdf) soumise au Conseil d’Etat pour approbation.
Le mécanisme est donc fixé, avec la création d’une nouvelle infraction. Les abonnés à Internet auront l’obligation de sécuriser leur accès pour qu’il ne soit pas utilisé par quiconque à des fins de piratage. La Haute Autorité pour la Diffusion des Oeuvres et la Protection des Droits sur Internet (HADOPI) agira alors sur la base de relevés effectués par les ayant droits pour envoyer dans un premier temps un courriel aux abonnés dont l’accès à Internet a été utilisé pour télécharger illégalement des contenus protégés par le droit d’auteur. En cas de récidive dans les six mois, c’est une lettre en recommandé qui peut envoyée en parallèle. En cas de manquements « répétés » appréciés sur un an, la Haute Autorité pourra ordonner la coupure de l’accès pour une durée d’un an assortie de l’impossibilité pour l’abonné de souscrire pendant ce délai à une offre concurrente.
Cette version du texte soumise au Conseil d’Etat est proche de celle que nous connaissions déjà, à quelques nuances près. En particulier, les fournisseurs d’accès n’ont plus obligation de fournir gratuitement les dispositifs « efficaces » que l’abonné aura l’obligation d’installer pour tenter d’éviter que son accès soit utilisé à des fins frauduleuses par des tiers. Les FAI doivent désormais simplement informer les abonnés sur leur existence, et ces dispositifs obligatoires seront listés par l’HADOPI.
Mais comme le note la Quadrature du Net, « reste à démontrer que de tels dispositifs de filtrage « efficaces » existent comme le prétend la loi, à expliquer comment prouver qu’ils étaient installés si ils existent, comment prouver qu’ils ont dysfonctionné ou qu’ils ont été contournés pour s’exonérer quand on est innocent, quel sera leur coût pour l’abonné, quelles seront les procédures pour figurer dans la liste des dispositifs permettant d’assurer tant bien que mal sa sécurité juridique (le logiciel libre par exemple sera vraisemblablement banni), etc…« .
Pour Christophe Espern, co-fondateur du collectif, « ceux qui pilotent ce texte sont de dangereux incompétents et les interêts qu’ils défendent ne sont à l’évidence pas ceux de la France et de l’Europe« . « Il faut d’urgence les arrêter avant la présidence française de l’UE« , ajoute-t-il.
Selon les bruits de couloirs proches du dossier, le Conseil d’Etat pourrait ne pas se prononcer sur le texte avant le mois de juin prochain, ce qui éliminerait toute chance de voir la loi Hadopi adoptée avant la présidence française de l’Union européenne.
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