Napster a créé une véritable révolution sur Internet à la fin des années 1990. Le logiciel de Shawn Fanning a été le premier qui a permis à des millions d’internautes dans le monde de s’échanger gratuitement les fichiers MP3 qu’ils mettaient en partage sur leur disque dur. Pour l’industrie du disque, il y a eu un avant et un après Napster. Depuis la création du logiciel, les revenus des producteurs de disque s’effondrent. Le P2P n’est pas la cause profonde de cet écroulement, qui est à rechercher dans l’internet dans son ensemble, mais il a été le catalyseur d’une crise qui s’accentue chaque année.
Affolées et énervées, les maisons de disques ont porté plainte très tôt contre Napster et ont réussi à le faire fermer en 2001, ce qui a eu pour seul effet tangible de provoquer une migration massive vers les réseaux qui ont pris sa succession : Kazaa, Gnutella, eDonkey/eMule, BitTorrent. Alors que Napster était une société commerciale qui pouvait encore progressivement convertir ses millions utilisateurs vers la musique payante, les majors ont précipité sa mort et l’avènement de réseaux open-source sans intérêt lucratif. En dix ans, l’échange de fichiers MP3 gratuits n’a pas faibli, bien au contraire. Et les majors payent encore leur faute et leurs hésitations.
Alors qu’elles ont voulu reconvertir Napster et toute la musique en ligne du monde vers le tout DRM et le contrôle du consommateur-pirate, les quatre majors réalisent enfin après des années d’échec que les clients n’en veulent tout simplement pas. La formule par abonnement de Napster contrôlée par des DRM Windows Media n’a pas séduit. Même s’il est devenu le numéro un de la musique par abonnement, nous avons vu encore récemment que l’abonnement dans son ensemble est une formule qui ne séduit pas, et de moins en moins.
Cette semaine, c’est donc un grand retour en arrière qu’opèrent Napster et les quatre majors de l’industrie musicale. Le chat électronique lance aux Etats-Unis sa boutique de MP3 sans DRM avec plus de six millions de titres issus notamment du catalogue de l’ensemble des quatre géants. C’est une première. Universal et Warner Music, qui étaient les plus réticentes à abandonner les DRM, ont finalement craqué. C’est tout un symbole que ce soit Napster qui en profite le premier. Ce qu’il n’a pas pu faire il y a dix ans sous la pression des majors, ce sont les majors qui le supplient de le faire aujourd’hui.
Mais en dix ans, l’habitude de la musique gratuite s’est installée. Napster n’a plus son aura d’avant pour convertir les utilisateurs vers la musique payante. A 99 centimes le morceau et 9,95 $ l’album, Napster aura du mal à convaincre les P2Pistes de se laisser convaincre, même si les morceaux sont presque tous encodés en 256 kbps.
« Les amateurs de musique ont parlé et il est clair qu’ils ont besoin de la facilité d’utilisation et la grande interopérabilité du format MP3 sans DRM, et ils veulent avoir la possibilité de trouver à la fois des artistes des majors et de la musique indépendante à un seul endroit« , reconnaît Chris Gorog, le PDG de Napster. 10 ans pour reconnaître ce que nous avons été nombreux à crier depuis le départ.
Mais aujourd’hui nous semble trop tard. Les accords passés avec Deezer ou SpiralFrog vont achever de faire entrer dans les têtes l’idée que la musique, même légale, doit être gratuite. Et si le modèle publicitaire ne suffit pas (ce que nous pensons), et si l’abandon tardif des DRM ne suffit plus, alors il ne restera que deux possibilités pour l’industrie du disque : mourir, ou accepter la licence globale.
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