C’est demain jeudi 29 mai qu’Eric Besson ouvrira à l’Université Paris-Dauphine la première journée des Assises du Numérique, qu’il avait annoncées dès après l’annonce de sa nomination au tout nouveau poste de Secrétaire d’Etat chargé du développement de l’économie numérique. Cette sorte de Grenelle du numérique repose sur trois piliers : 1. accélérer le déploiement des réseaux numériques sur l’ensemble des territoires ; 2. libérer la création de valeur et favoriser la diffusion des contenus ; et 3. promouvoir la diversification et l’appropriation des usages pour une approche renouvelée de la citoyenneté.
Parmi les sujets chauds qui seront abordés figurent le développement du très haut débit (avec entre autres la question de la mutualisation des infrastructures que souhaitent les FAI mais que refuse France Télécom), la lutte contre le piratage, la tarification des télécommunications, et le sous-investissement dans le secteur des nouvelles technologies de l’information.
Le tout doit déboucher sur un plan de développement de l’économie numérique à horizon 2012, qu’Eric Besson devra remettre à Nicolas Sarkozy au plus tard le 31 juillet 2008. Le planning est serré, pour un enjeu très important.
Mais que peut-on vraiment attendre de ces Assises ? Sur le papier, elles semblent prometteuses. Les débats et les travaux des différents ateliers doivent être publiés sur le site des Assises, qui prévoit d’être un site « collaboratif » pour permettre aux citoyens d’intervenir dans les débats à l’issue de la première phase de consultation, fin juin. En tout, 49 ateliers sont programmés à Paris et dans les régions, avec semble-t-il un souci d’équilibre et d’ouverture politique.
Les députés socialistes Christian Paul et Patrick Bloche, deux opposants bien connus à la loi DADVSI, héritent ainsi de la présidence des deux premiers ateliers de la journée de jeudi.
Christian Paul présidera la séance sur « les enjeux du très haut débit », axée sur l’accélération du déploiement du haut débit dans les territoires et sur le déploiement de la TNT et de la Télévision mobile personnelle.
Patrick Bloche bénéficie quant à lui d’un joli cadeau empoisonné avec la séance sur les « enjeux de la culture et du loisir numérique », qui doit évoquer trois dossiers chaud bouillants : la lutte contre les contenus illicites (pour « civiliser Internet« ), la loi Hadopi qui met en œuvre la riposte graduée proposée par Denis Olivennes, et la réforme de la rémunération pour copie privée critiquée par François Fillon. Etrangement (ou non), aucun représentant des consommateurs n’a été convié à participer à cette séance dans laquelle interviendront notamment le Président du directoire de la SACEM Bernard Miyet, le délégué général de la SACD Pascal Rogard (un redoutable lobbyiste du cinéma), et un Conseiller d’Etat de la Haute Autorité des Mesures Techniques (ARMT), Jean Musitelli, appelé à prendre plus de pouvoir lorsque l’ARMT sera transformée en Haute autorité par la loi Hadopi. Ajoutons à propos de cette séance que l’ensemble des Assises est placée sous le patronage de Viviane Redding, la commissaire européen en charge de la société de l’information et des médias, laquelle s’est prononcée ouvertement en faveur de la riposte graduée, contre le Parlement européen.
Les deux députés socialistes se sont fendus d’un communiqué commun pour préciser qu’ils exerceraient vigoureusement leur « devoir d’alerte », en particulier dans cinq domaines dans lesquels ils estiment que le gouvernement fait fausse route : l’absence de pilotage du déploiement du haut et très haut débit ; l’impasse de la loi Hadopi trois ans après la loi DADVSI ; le développement d’une société de surveillance généralisée des citoyens traçables ; la fracture culturelle et sociale installée par la fracture numérique ; et le sous-investissement français dans les technologies de l’information. « Nous sommes disponibles pour bâtir une société numérique ouverte, pas pour applaudir des voeux pieux sans lendemain« , préviennent les deux complices.
On notera enfin, ce qui est étrange, que les Assises du numérique ne sont pas financées intégralement par les pouvoirs publics, mais aussi par des partenaires privés, qui selon le montant de leur investissement sont qualifiés de partenaires « Platinium » (Ericsson, HP, IBM, Microsoft, Intel, Orange, SFR et la Caisse des Dépôts) ou Gold (Alcatel-Lucent, TDF, Bull, Casino, Deloitte, RIM). C’est un peu comme si l’on avait demandé à Monsanto ou à Total de participer financièrement à l’organisation du Grenelle de l’Environnement.
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