Le cadre de la neutralité du net en Europe va bientôt évoluer. En effet, l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (Berec) doit se réunir du 8 au 10 juin 2022 à Chypre en vue de publier une mise à jour des lignes directrices sur l’Internet ouvert. Or, des craintes se sont fait jour dernièrement au sujet d’une possible faille dans cette nouvelle version.
La neutralité du net est un principe considérable dans l’organisation du réseau. Sous ce régime, l’ensemble du trafic doit être traité de manière égale, sans discrimination, limitation ou interférence. Et cela, qu’importe l’émetteur, le destinataire, le contenu, l’appareil, le service ou l’application. En clair, il ne doit pas y avoir des flux favorisés ou, à l’inverse, entravés.
Depuis mi-mars, le Berec a partagé son ébauche de ses lignes directrices, qui étaient accessibles pour consultation publique jusqu’au 14 avril. L’objectif de cette modification consiste à refléter l’arrêt du 15 septembre 2020 de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) concernant la pratique du « zero rating » ou trafic gratuit en français.
Le trafic gratuit est une pratique commerciale consistant, pour un opérateur, à ne pas facturer ou ne pas comptabiliser l’usage de certains services en ligne alors qu’ils sont utilisés par l’internaute. Par exemple, un opérateur peut « offrir » le trafic d’un site de vidéo à la demande par abonnement (SVOD), car c’est son service ou bien parce qu’un partenariat a été conclu.
De prime abord, cela parait très attrayant : la vidéo est l’une des activités qui prennent le plus de bande passante et consomme le plus de données. Si elle n’est plus comptée dans un forfait mobile, cela permet de préserver énormément sa « data » mensuelle pour l’utiliser à autre chose. Sauf que seul un partenaire en bénéficie ; tous les concurrents se retrouvent alors discriminés.
Cela peut entrainer deux conséquences : d’abord, les rivaux de la plateforme de SVOD ne partent alors plus sur la même ligne de départ à cause de cet opérateur et de cet abonnement. Ensuite, les autres opérateurs pourraient être poussés à faire la même chose, et plus encore, pour éviter une fuite de clients tentés de ne plus se soucier de leur enveloppe mobile.
Que va-t-il advenir de ce « trafic gratuit » ?
La Cour a interprété pour la première fois le règlement sur l’Internet ouvert en septembre 2020. Et elle a considéré que ce trafic gratuit, en tout cas tel qu’il était appliqué jusqu’à présent par les opérateurs (l’affaire concernait un fournisseur d’accès norvégien, Telenor, opérant en Hongrie), constitue bien une infraction à la neutralité du net.
C’est donc cette décision que les lignes directrices doivent maintenant intégrer, et c’est l’unique modification qui est prévue. Selon le Berec, son ébauche reflète l’arrêt de la Cour selon lequel les offres à tarif gratuit sont incompatibles avec l’obligation d’égalité de traitement du trafic prévue par le règlement sur l’Internet ouvert.
Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, alors ? Pas tout à fait. Dans une publication le 30 mai, le Centre pour l’Internet et la société à la faculté de droit de Stanford mentionne le risque d’une brèche qui pourrait persister dans ses fameuses lignes directrices, avec une pression dans le secteur des télécoms et chez certains géants du net pour qu’il y ait des échappatoires.
Il peut exister des exceptions à la neutralité du net. C’est ce que rappelle le régulateur des télécoms français, l’Arcep, qui est membre du Berec. Cela inclut l’intégrité et la sécurité du réseau, sa congestion, mais aussi les décisions de justice, celles des autorités publiques ou bien les législations votées en Europe ou au niveau d’un pays.
Tout l’enjeu, donc, est de savoir si parmi ces exceptions figurera ce fameux trafic gratuit, qui est de nature à avoir des effets de concurrence et de consolidation pour des plateformes déjà dominantes. La bonne nouvelle, selon le Centre pour l’Internet et la société, c’est que le Berec est plutôt sur la bonne voie. Il reste à voir si tous les angles morts seront réglés d’ici juin.
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