Sur la photo, on voit Éric Zemmour, tout sourire, à côté de Claire Coppin. Cette dernière est « Candidate Reconquête! pour la 6ième Circonscription de Seine Maritime (sic) », comme l’explique la publication Facebook. « Avec la confiance d’Eric #Zemmour et de Jean-Frédéric Poisson [le président de Via, un micro parti affilié à Reconquête, ndlr], je veux porter à l’Assemblée Nationale les grands sujets d’avenir de notre pays. »
Sur un autre post, on voit cette fois Jean-Michel Blanquer. Il fait face à Bruno Nottin, le candidat de Nupes (la Nouvelle union populaire, écologique et sociale, fruit du rassemblement des principaux partis politiques de gauche) de la 4e circonscription du Loiret. La publication explique que l’ancien ministre est « un parachuté », et invite les habitants à voter pour le candidat Nupes.
En période électorale, ce genre de message pourrait sembler banal. Il ne s’agit cependant pas de n’importe quelle publication sur Facebook : il s’agit de posts sponsorisés, c’est-à-dire des publicités, diffusées contre de l’argent à un certain nombre d’utilisateurs et utilisatrices du réseau social. Et ce genre de publications est interdit par le code électoral avant les élections.
Trois candidats enfreignent la loi
La publication de Claire Coppin n’est pas la seule à enfreindre la loi. Numerama a pu retrouver les publications sponsorisées de deux autres candidats aux législatives sur Facebook et sur Instagram. Sur les 6 293 candidats à la députation, cela représente une extrême minorité. Mais à l’approche du premier tour des élections, qui se tient le dimanche 12 juin, il pourrait en apparaître de plus en plus sur les réseaux sociaux.
C’est l’article L52-1 du code électoral qui encadre ce que les candidats à une élection peuvent faire. « Pendant les six mois précédant le premier jour du mois d’une élection et jusqu’à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, l’utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite », indique la loi. Toutes les élections sont concernées par cette loi, que ce soit la présidentielle, les législatives ou les cantonales.
Dans le cadre de ces élections, les candidats ont donc l’interdiction de diffuser de la propagande électorale depuis le 1er décembre 2021. Mais cela n’a cependant pas empêché plusieurs candidats de payer pour des publications sponsorisées sur Facebook et Instagram.
Des publications sur Instagram et sur Facebook
Claire Coppin, candidate Reconquête dans la 6e circonscription de Seine-Maritime, Pascal Novais, le candidat Nupes dans la 9e circonscription de Seine-et-Marne ont tous les deux diffusé de la publicité électorale. Quant à Bruno Nottin, candidat Nupes dans la 4e circonscription du Loiret, c’est une page Facebook a diffusé de la publicité à son nom.
Bruno Nottin n’est concerné que par une seule publicité, diffusée du 7 au 13 mai sur Facebook et Instagram par la page « Soutien à la NUPES ». Selon la bibliothèque publicitaire de Meta, la maison-mère des deux réseaux sociaux, la publication aurait fait entre 1 000 et 2 000 impressions (le nombre de fois où la publicité a été vue à l’écran, un chiffre qui peut inclure plusieurs vues par les mêmes personnes) pour un investissement de moins de 100 euros. La page n’a plus de publication sponsorisée active depuis.
Pascal Novais a diffusé quatre publicités entre le 24 et le 28 mai, certaines uniquement sur Facebook, d’autres également sur Instagram. Ces posts auraient réalisé entre 1 000 et 2 000 impressions à chaque fois, parfois moins, et auraient couté à chaque fois moins de 100 euros. Il n’a pas non plus de pub active.
Enfin, Claire Coppin a diffusé deux publications entre le 31 mai et le 1er juin, uniquement sur Facebook. Chaque post aurait réalisé entre 4 000 et 5 000 impressions et aurait couté moins de 100 euros, d’après les chiffres de Meta. La page de Claire Coppin indique que les deux publications ne seraient désormais plus actives.
Une amende de 75 000 euros
Que risquent les candidats pour avoir diffusé ces publications ? L’article 90-1 du code électoral prévoit que « toute infraction aux dispositions des articles L. 52-1 et L. 52-2 sera punie d’une amende de 75 000 euros ». Et ce n’est pas tout : selon l’avocate Valérie Farrugia, spécialiste en droit électoral, « les publicités pourraient être considérées comme des dépenses irrégulières, et donc ne pas être remboursées par la Commission nationale des comptes de campagne et financements politiques. »
De plus, « si un juge estime que l’irrégularité a pu avoir une influence sur le sens du vote des électeurs », cela pourrait entrainer l’annulation du scrutin. Cette hypothèse semble peu probable, mais si l’écart de voix enter les candidats est très faible, elle pourrait tout de même être envisagée, explique Valérie Farrugia.
Numerama a contacté les équipes des candidats. Claire Coppin, la candidate Reconquête, nous a indiqué qu’elle ne « connaissait pas cette interdiction », et précise qu’elle et son équipe ont mis un terme à la publicité. Bruno Nottin, l’un des candidats Nupes, nous a confié être « très étonné », et n’avoir pas eu conscience de l’existence du post sponsorisé. « On fait toujours très attention de respecter les délais, je ne comprends pas trop ce qu’il s’est passé », a-t-il déclaré. Il assure également qu’il ne s’agit pas de sa page Facebook personnelle, et ne pas avoir de liens avec la page.
Pascal Novais, l’autre candidat Nupes, nous a expliqué que la décision de faire de la publicité sur Facebook avait été prise par une entreprise externe. « On l’a prise pour travailler sur de l’audit et de la mise en page, ils ne nous ont pas parlé de pub sur Facebook », assure-t-il. Les publications ont rapidement été retirées dès que son directeur de campagne s’est rendu compte qu’il y avait un problème. L’entreprise mandatée n’aurait pas été spécialisée dans la communication politique, et n’aurait pas été au courant de l’article L52-1 du code électoral, indique Pascal Novais.
Cette interdiction a pourtant été rappelée par un mémo à destination des candidats à la députation, publié par le ministère de l’Intérieur — un document complet qui rappelle également que les manquements à l’article 52-1 sont passibles d’une amende. Le fait que plusieurs équipes n’aient pas été au courant d’une telle interdiction montre que les partis politiques n’accompagneraient peut-être pas toujours assez les candidats, les laissant se débrouiller avec les moyens du bord. « Les candidats qui ont les moyens de payer des professionnels en communication politique, forcément ils n’ont pas ce problème », estime Pascal Novais. « Nous, on essaie de faire de notre mieux. »
Ce n’est pas la première fois qu’un candidat se fait reprendre pour ces publications sur les réseaux sociaux. Au mois de décembre 2021, une publication de Reconquête avait déjà fait parler d’elle. Elle avait cependant divisé les experts : le post n’appelait pas directement à voter pour Éric Zemmour, mais « seulement » à adhérer à son parti.
Mise à jour du 9 juin : Numerama a ajouté des précisions sur la page Facebook « Soutien à la Nupes », afin de préciser qu’il ne s’agissait pas de la page de Bruno Nottin.
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