Notre spécialiste des réseaux cryptés Kraftonz a eu l’excellente idée d’interviewer le créateur du réseau Freenet au sujet de la loi Hadopi que présentait mercredi la ministre de la Culture Christine Albanel au Conseil des ministres. Cette loi doit institutionnaliser la chasse aux pirates en créant une autorité administrative qui, sous saisine des ayant droits, devra avertir les internautes dont l’accès à Internet est utilisé pour pirater, et qui pourra aller jusqu’à ordonner la suspension de cet accès. Mais toute la loi repose sur l’idée que les ayants droit puissent lier le téléchargement d’un fichier illégal à une adresse IP précise. Or tout l’objet des réseaux comme Freenet est justement de crypter les communications de façon à ce que cette liaison devienne impossible.
« Freenet sans aucun doute pourrait rendre cette loi difficile à appliquer, voire impossible à faire respecter« , explique Ian Clarke, qui avait créé le logiciel pour offrir aux dissidents chinois un moyen de s’exprimer sans craindre la répression des autorités. « Bien que notre objectif n’est pas de faciliter la violation des droits d’auteur, c’est juste un effet secondaire inévitable« , reconnaît-il.
Un réseau P2P anonyme très difficile à bloquer
La seule possibilité pour le gouvernement de lutter contre Freenet et de faire appliquer la loi serait d’ordonner aux FAI qu’ils bloquent totalement le protocole Freenet sur leurs réseaux. « Il serait difficile, mais pas impossible de bloquer Freenet« , explique Clarke, qui précise cependant que « s’ils tentent, il existe des mesures nous pourrions prendre, telles que la stéganographie » (qui est l’art de faire passer un message secret dans un message en apparence légitime). Le simple blocage des ports, en tout cas, serait inefficace. « Freenet n’utilise pas de ports particulier, il choisit le port au hasard lors de son démarrage. Si vraiment le filtrage des ports est mis en place, cela ne gênera pas le fonctionnement de Freenet… Seulement une analyse très sophistiquée du réseau permettrait de déceler le trafic de Freenet » et de le bloquer. Ce qui coûterait bien plus cher que le préjudice estimé des industries du cinéma et du disque réunies.
Selon le développeur, la loi Hadopi si elle était adoptée « pourrait encourager l’utilisation de Freenet en France« . Il travaille d’ailleurs à rendre le logiciel plus facile à utiliser pour les débutants. Pour lui, le fait de lutter de cette manière contre le piratage, c’est « comme essayer d’empêcher la maltraitance des enfants par l’installation d’une caméra dans la maison de tout le monde« .
« Même si l’objectif est raisonnable, les choses qui sont nécessaires pour y parvenir ne le sont pas« .
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