Sortis au cinéma en 1977, 1980 et 1983, Un nouvel espoir, L’Empire contre-attaque et Le Retour du Jedi constituent le socle de la trilogie originale de Star Wars. Si vous avez un certain âge, vous avez peut-être eu la chance de voir ces trois films en salles quand ils sont sortis. Mais, si vous avez moins de 60 ans, vous les avez découverts plus tard, à la télévision, en DVD ou en Blu-ray — ou bien en SVOD.
Sauf qu’entre la projection au cinéma au tournant des années 1980 et votre propre expérience de la saga cinématographique, ce ne sont pas exactement les mêmes films. On ne parle pas d’une approche différente, consistant à changer l’ordre dans lequel regarder les films de Star Wars — selon la date de sortie ou l’ordre fondée sur la chronologie de l’histoire. On parle bien de modifications dans les films eux-mêmes.
À chaque nouvelle édition de Star Wars, ses changements
(Ou presque)
Ces changements sont depuis longtemps documentés. Il y a les retouches bénignes, qui se limitent à des considérations techniques, c’est-à-dire ajuster le son et l’image (balance des blancs, mixage audio optimisé, passage à un format d’image supérieur, élimination des impuretés, etc.). Mais, il y a aussi des révisions qui touchent au sens de l’œuvre (effets visuels corrigés, scènes remontées, nouvelles séquences incluses, etc.).
À vrai dire, les interventions ont été à ce point nombreuses qu’elles ont même droit à leur propre page Wikipédia, en français — Changements dans Star Wars au cours des différentes rééditions — et en anglais — Changes in Star Wars re-releases. Mais, dans les faits, ce sont surtout trois versions qui ont fait couler le plus d’encre : l’édition spéciale de 1997, qui a permis de ressortir les films au cinéma, puis celles de 2004 (sortie DVD) et 2011 (sortie Blu-ray).
Le sujet est une source de discussion infinie chez les fans. Les médias aussi y ont consacré du temps : Why Finding the Original 1977 ‘Star Wars’ Verges on the Impossible, titrait Inverse en 2016. En 2018, Le Monde y consacre une vidéo. Deux ans plus tard, Wired publie un article intitulé Disney+ Should Offer the Star Wars Original Cuts—All of Them. Rien d’étonnant : on parle d’un monument de la science-fiction, du cinéma et même de la pop culture.
Le sujet est sérieux chez les fans — et sensible. Ces retouches ont même fini par susciter une défiance notable à l’égard de George Lucas, le cinéaste derrière Star Wars. Les sorties de 1997, 2004 ou 2011 sont parfois rejetées, à divers degrés — seule compte pour les plus puristes d’entre eux la version absolument originale de la saga, celle diffusée au cinéma. Celle que l’on identifie comme « l’Original unaltered trilogy ».
Sauf que celle-ci est aujourd’hui hors d’atteinte du commun des mortels. Le film Un nouvel espoir tel qu’il a été présenté au public pour la première fois en 1977 est introuvable. Cette relique tant convoitée existe peut-être dans les archives du Skywalker Ranch, le cœur nucléaire de la licence Star Wars. Toujours est-il qu’elle n’a jamais été rendue publique. Tout ce qui est sorti après 1977 comporte des différences, même minimes.
Comment voir la version originale de Star Wars ?
(Ou en tout cas, la version la plus proche)
S’il est impossible de regarder la version de 1977 du tout premier film Star Wars, les fans savent qu’une édition propose une expérience assez proche. Pour la voir, il faut se procurer les DVD sortis en 2006, qui sont eux-mêmes une autre version du coffret de 2004. Attention, il y a un piège ! Ce n’est pas sur le disque du film que l’on trouve la copie la plus fidèle, mais dans les bonus.
C’est ce que précise le site Star Wars Universe : sur le second disque bonus (chaque film de la trilogie est alors vendu à l’unité) se trouve la version « originale » du film correspondant. Dans les faits, il s’agit en fait de l’édition de 1993 sur LaserDisc. Elle est de moindre qualité que la version restaurée en DVD, avec un « simple son stéréo Dolby Surround ».
Cette copie de 1993 est celle qui s’approche le plus des versions originales des films. « À l’exception d’un mélange audio THX, de l’élimination des rayures, de la saleté et des changements d’équilibre des couleurs, ils correspondent aux versions théâtrales originales », lit-on sur Wikipédia. Si vous avez les DVD de 2006, ou plutôt le disque bonus, vous êtes le plus fidèle à la sortie cinéma.
Et, pour les autres ? Il est possible d’écumer les sites marchands à la recherche des DVD dont le boîtier présente deux bandes dorées en haut et en bas du recto avec la mention « Édition Limitée » (ou « Limited Edition » si vous faites de l’import). On en trouve sur la Fnac et Amazon. Ce DVD n’a d’intérêt que pour accéder à la version « inchangée » de la trilogie.
Ces versions originales sont l’occasion de se rapprocher au plus près des conditions de visionnage quand les films ont été présentés au public pour la première fois. Cela étant, elles peuvent rebuter un public jeune et moins tatillon. L’image est vieillotte et peut ne pas séduire, à l’heure où les yeux de l’auditoire sont biberonnés aux effets spéciaux, à la netteté du numérique et à la 4K.
Cette sortie de 2006 visait à combler à une attente des fans (ou à éteindre pour de bon leurs complaintes ?). C’est manqué. Lucasfilm n’a pas satisfait pleinement la demande de ce public, qui désirait que l’on colle sur un DVD (ou sur n’importe quel support, comme un Blu-ray) les films à partir des négatifs originaux, pour le dire sommairement. Résultat, les fans attendent toujours.
Quelle est la version de Star Wars sur les sites de streaming ?
Les films de Star Wars sont diffusés sur Disney+, le service de vidéo à la demande par abonnement (SVOD) du géant du divertissement. Il apparaît que la plateforme se base sur l’édition de 2011, version qui correspond à la sortie en Blu-ray, dans une version 4K HDR Dolby Vision / Dolby Atmos. Mais, c’est une version spéciale, car la scène entre Han Solo et Greedo a encore été retouchée, indiquent Vanity Fair et The Verge. Formidable.
SSE, 4K77, Despecialized : les fans prennent les choses en main pour avoir leur Star Wars
La Despecialized Edition
Face à l’inaction de George Lucas, de Lucasfilm et de Disney, qui possède depuis 2012 le célèbre studio de cinéma, ce sont les fans qui contre-attaquent. À partir des années 2010, des initiatives ont commencé d’apparaître pour tenter de reconstruire les films tels qu’ils ont été projetés au cinéma à l’époque. C’est ainsi qu’est née la Despecialized Edition.
Ce projet, porté par Petr Harmáček, un professeur d’anglais officiant en République tchèque, n’est certes pas le premier du genre. Dès le début des années 2000, deux ans après la sortie de La Menace fantôme, un remontage officieux a commencé à faire parler de lui : The Phantom Edit. Le but, ici, selon son créateur Mike J. Nichols, était de rendre le long-métrage plus attrayant.
Cette version despécialisée n’a pas cette prétention. Elle ne cherche pas à rattraper les erreurs ou les faiblesses du film. Elle désire rétablir le long-métrage dans sa version la plus pure. C’est pour cela que l’intéressé a surnommé son projet ainsi : il s’agit de se mettre en opposition avec les autres éditions, qui sont considérées comme altérées. Et, donc, spéciales.
L’exemple classique est le face-à-face entre Han Solo et Greedo dans la cantina, sur Tatooine : à l’origine, c’est Han Solo qui tire le premier et abat Greedo, de manière sournoise. En 1997, George Lucas change le montage et ajoute des effets spéciaux pour que Greedo tire en premier, plaçant Han Solo en état de légitime défense. En 2004, nouveau changement pour qu’ils tirent simultanément.
En tout, on dénombre pas moins de cinq changements à cette scène en l’espace d’une vingtaine d’années !
Cela parait anecdotique, mais l’impression laissée par les personnages change complètement selon l’ordre du tir. Han Solo, en dégainant le premier, sans crier gare, pour tuer Greedo, apparait pleinement dans son rôle de hors la loi, de vaurien, de contrebandier. En le mettant en second tireur, cela lui donne une image beaucoup plus lisse et héroïque.
Le journal Le Monde a pu s’entretenir en 2018 avec Petr Harmáček. On découvrait que lui et ses camarades ont fait un travail titanesque : parfois, il s’agissait de monter une scène pour lui redonner son état originel. Parfois, il était nécessaire de ralentir une séquence pour la faire correspondre au timing de base. Il a aussi fallu alterner entre une pellicule originale de 35 mm et les plans du Blu-ray. Du vrai bricolage.
Cette version despécialisée est si réputée qu’elle a même droit à sa propre page Wikipédia.
Silver Screen Edition
Au milieu des années 2010 arrive une surprise chez les fans les plus exigeants : la Silver Screen Edition. Nous en parlions en 2016 sur Numerama. Il s’agit de la version originale du Star Wars de 1977. Une version pirate, car non autorisée, proposée par une équipe appelée Team Negative 1. Ces derniers ne se voient pas comme des restaurateurs de films, mais comme des passionnés.
La Silver Screen Edition (SSE) a pour particularité de se baser sur un duplicata d’une autre copie. En outre, la copie originale n’était pas en technicolor, ce qui ajoutait du grain — du bruit — sur l’image. Dès lors, d’après Team Negative 1, l’édition Silver Screen « était globalement plus granuleuse », ajoutant qu’elle était « artificiellement accentuée ».
Pour ce travail, rappelle le site HD Numérique, Team Negative 1 a pu s’appuyer sur un scan 2K de deux copies 35 mm d’Un nouvel espoir et, pour certains plans, d’un scan 4K. Les plans ont fait l’objet d’un nettoyage et d’un novuel étalonnage. Un exemple ? L’image est adoucie : dans la vidéo, la diode rose en arrière-plan est moins forte que sur l’édition Blu-ray, qui est flashy comme un néon.
Il faut savoir que la restauration entreprise par Team Negative 1 a failli s’arrêter en cours de route, non pas pour des problèmes avec Lucasfilm ou Disney. Mais, parce que la notoriété grandissante du projet a conduit des tiers à se manifester, désireux d’aider. Deux personnes en particulier avaient des ressources capitales à partager pour améliorer grandement le rendu.
« À mi-chemin de la restauration de l’édition Silver Screen, les gens ont commencé à entendre parler de notre projet, et les offres de prêt de copies à numériser ont afflué. Quelqu’un nous a envoyé un tirage Technicolor à numériser, et quelqu’un d’autre qui avait déjà fait numériser un tirage nous l’a envoyé pour que nous puissions travailler dessus également », est-il raconté.
« Ces sources étaient meilleures que le tirage LPP, et à une résolution plus élevée. Il était tentant d’abandonner la SSE et de recommencer avec les nouvelles sources, mais nous avons décidé de terminer ce que nous avions commencé, pour préserver le LPP, mais aussi en raison de toute l’expérience que nous aurions acquise (et que nous pourrions appliquer) au prochain projet ». Le projet 4K77.
Projet 4K77
Le projet 4K77 consiste à reprendre le même chemin que la Silver Screen Edition, mais en faisant en sorte d’avoir une version originale d’Un nouvel espoir avec une définition 4K — d’où son nom de 4K77, puisque le film est sorti en 1977. De fait, le projet 4K77 est peut-être le projet le plus abouti pour avoir à la fois une version fidèle et de très bonne qualité.
Une foire aux questions existe d’ailleurs sur le site du projet, où il est, par exemple, bien précisé qu’il ne s’agit pas d’un simple « upscale », c’est-à-dire une conversion d’une vidéo dans une définition supérieure à celle qu’elle a de base. Tout a pu être produit d’emblée en 4K grâce à une copie originale Technicolor en 35 mm datée de 1977. Cette copie assure 97 % du film en 4K.
Les 3 % restants proviennent d’un assemblage composite : 1 200 images viennent d’un autre scan 4K d’une autre copie Technicolor de 1977. Près de 2 000 images d’une autre copie Easman délavée en rouge. Encore 2 000 sont issues de la même copie LPP que celle de l’édition Silver Screen (rescannée en 4K) et 1 000 autres sont des scans 4K de deux copies 35 mm différentes de l’édition spéciale.
On trouve également près de 400 images « qui n’ont pas pu être obtenues ailleurs au moment où elles étaient nécessaires, ont été converties à partir du Blu-ray officiel. Il n’y a pas d’images provenant de VHS, laserdisc ou DVD », lit-on dans la foire aux questions. Pour un travail de fans, sans l’aide de Lucasfilm ou de Disney, on peut difficilement faire mieux.
Pour donner une idée de la différence entre la Silver Screen Edition, le projet 4K77 et les sorties officielles en DVD et Blu-ray, les membres de l’équipe Team Negative 1 détaillent les étapes en jeu :
- SSE = Original negative -> Interpositive -> internegative -> Positive print -> duplicate print -> HD print scanner.
- projet 4K77 = Original negative -> color separation matrices -> Positive print -> 4K print scanner ;
- 2004 HD master used for the official DVD & BD = Original negative -> HD print scanner.
Ce faisant, des fans ont comblé ce que les studios ont échoué à fournir : le premier film dans sa version d’origine et en haute définition (car si Star Wars a effectivement été remasterisé en 4K en 2014, c’est sur la base d’une version retouchée des films).
Et The Lost Cut, alors ?
L’histoire de Star Wars est riche en anecdotiques et histoires souvent ignorées par le plus grand nombre. Saviez-vous qu’il existait aussi une version de Star Wars surnommée « The Lost Cut » (Le Montage Perdu). Il s’agit en fait d’une première tentative d’assemblage des rushs d’Un nouvel espoir par le monteur britannique John Jympson.
L’intéressé avait fait sensation dix ans plus tôt en assurant le montage du film Quatre Garçons dans le vent, sur les Beatles. Mais, lorsque John Jympson a proposé une première coupe d’Un nouvel espoir, il a été licencié. Le travail a ensuite été repris par quatre autres personnes — essentiellement Richard Chew, Paul Hirsch et Marcia Lucas, mais également George Lucas.
On ignore s’il existe quelque part une version de The Lost Cut qui dort dans un placard. Toujours est-il qu’il est estimé que cette version est différente de 30 à 40 % par rapport au Star Wars que l’on connaît. Il s’agit d’une estimation donnée par David West Reynolds paru dans Star Wars Insider, le magazine officiel de Star Wars, en 1998.
Quelques extraits de The Lost Cut ont pu être obtenus grâce à un CD ROM, qui est appelé Behind The Magic. On y trouve des scènes dans la cantina, mais également avec Luke Skywalker et son ami Biggs Darklighter. D’autres séquences ont servi à créer le téléfilm Star Wars Holiday Special, qui est largement décrié et dont George Lucas a honte, au point de chercher à le faire disparaître.
De toute évidence, The Lost Cut ne sera jamais diffusé, s’il est encore quelque part. Pour les fans de Star Wars, c’est évidemment une source de frustration, puisqu’il y a du matériau inédit sur un film qui a marqué l’histoire de la science-fiction, et par ailleurs du cinéma et de la pop culture. Peut-être qu’un jour ce genre d’archive finira par être ouvert. L’espoir fait vivre.
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