Le marchand de sable a été enlevé et, en son absence, le royaume des songes s’est effondré. Lorsqu’il parvient à s’échapper, 106 ans plus tard, celui qui répond à bien des noms — Sandman, Morphée, Rêve… — va entreprendre une quête pour réhabiliter son royaume, récupérer son armoirie et sauver l’humanité de rêves introuvables, de sommeils éternels et de cauchemars échappés dans la nature.
Roman graphique culte et œuvre majeure de Neil Gaiman, Sandman méritait une adaptation grandiose après 30 ans dans nos librairies. La version audio, chez Audible, était plutôt réussie, mais tout le monde espérait voir les aventures oniriques du marchand de sable sur écran. Des tentatives pour le cinéma ont échoué, et Gaiman a longtemps refusé de voir l’œuvre adaptée. Mais dans ce portage pour Netflix, l’auteur est impliqué dans le développement (comme pour Good Omens sur Prime, autre adaptation de son travail).
Avec autant d’attente, le risque était grand. Il est en résulte pourtant que Sandman, disponible sur Netflix depuis le 5 août, une adaptation qui marquera l’histoire des séries TV, non seulement par sa qualité intrinsèque, mais aussi comme preuve d’excellence qu’il est possible de porter sur écran même les œuvres les plus singulières.
Chaque épisode est un tableau mythologique
Sandman est un rêve qui prend vie à plus d’un titre. Et c’est à Tom Sturridge que l’on doit d’abord cela. L’acteur, non content d’un physique pâle et taillé à la serpe donnant vie au personnage avec exactitude, ajoute une dimension supplémentaire grâce à sa voix pénétrante (très bien retranscrite d’ailleurs en VF par Marc Arnaud). Son jeu, une savante composition de douceur et de force, délivre le coup de grâce d’une interprétation brumeuse, introvertie, puissante. Alors, il ne fait pas de doute : oui, Tom Sturridge est Rêve, comme s’il s’était extirpé du comics pour s’incarner en chair et en os. Et il nous ensorcèle.
Il n’est pas le seul à livrer une performance de haute volée. L’interprète de Mort, Kirby Howell-Baptiste, parvient sans conteste à saisir la substantifique bonté de son personnage pour se connecter à son frère, Rêve, d’une façon touchante.
L’esthétique onirique, évidemment, n’y est pas non plus pour rien dans la beauté globale de l’adaptation. Netflix a déployé de grands moyens pour livrer des décors grandioses. Mais ce n’est qu’une question d’effets spéciaux (très classiquement réussis de nos jours quand il y a du budget) : la direction artistique, surtout, est aux petits oignons pour représenter les différents royaumes, les accessoires, les costumes et l’atmosphère ésotérique.
Chaque épisode fait office de tableau mythologique d’ensemble : une nouvelle quête dans un conte philosophique, un nouveau monde dans un conte fantastique.
Un peu d’épouvante, de gore et de moments glaçants se glissent régulièrement, atmosphère lugubre oblige, mais sans confiner excessivement au glauque, de quoi livrer quelques éclats de poésie dans un univers désenchanté.
Adapter sans trahir, c’est (aussi) changer des choses
Une adaptation pose toujours un double défi : il ne faut pas trahir les matériaux originels, mais il faut également s’en émanciper au risque de produire une œuvre redondante, peu adaptée à l’écran ou datée. Il faut donc changer des choses.
Le portage Netflix de Sandman fait preuve d’une étonnante fidélité et l’implication de Gaiman en était de toute façon un gage. Il y a toutefois quelques écarts et… ils sont heureux. Si l’on s’en tient au préambule du premier épisode, pour vous éviter tout spoiler, on relève que les motivations de Roderick Burgess sont différentes. D’un sorcier ambitieux, l’adaptation en fait un homme certes cruel, mais souhaitant retrouver son fils. De-ci de-là, des modifications permettent d’ancrer davantage Sandman dans le réel, pour accentuer la toile de fond narrative de l’œuvre.
Quant aux changements dans le genre de personnages (Lucifer, Constantine…), entre autres modifications voulues par Neil Gaiman lui-même, ils permettent justement de crédibiliser un univers créé il y a 30 ans avec une meilleure diversité de personnages. Cela ne fait qu’enrichir l’histoire, aussi peut-on partir du principe que les critiques négatives sur ce point n’ont clairement pas lieu d’être.
Ainsi, comme adaptation, Sandman saura autant parler au cœur des fans déjà conquis par le roman graphique, comme à de nouveaux venus découvrant cet univers pour la première fois de leur vie. Tout le travail artistique mené pour ce portage Netflix en fait une œuvre si singulière qu’elle n’en a pas d’équivalent. Et cela fait sensation.
Sandman, saison 1, sur Netflix depuis le 5 août 2022.
Le verdict
Sandman
Voir la ficheOn a aimé
- Tom Sturridge ensorcèle avec force et douceur
- Esthétique onirique aux petits oignons
- Un conte philosophique étrange, hors du commun
- Le personnage de Mort
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