Un agneau devient gourou d’une secte. Voici l’univers étrange dans lequel vous plonge le jeu vidéo Cult of the Lamb. C’est mignon et un peu sanglant. Et, surtout, c’est réussi.

Vous êtes là, à scroller tranquillement sur Internet, quand soudain quelqu’un tape à la porte. Oh non, c’est encore ce type bizarre qui parle de jeux bizarres sur Numerama. Il a l’air bien remonté cette fois-ci. Il tambourine, encore et encore sur la porte, jusqu’à ce que vous alliez lui ouvrir. Vous n’en avez pas vraiment envie, mais il faut bien qu’il arrête un jour, alors vous ouvrez la porte : « Pécheurs, pécheresses ! Auriez-vous un instant pour parler de notre seigneur et sauveur Cult of the Lamb ? Ça ne prendra que quelques minutes ! »

Nous avons pu tester ce jeu, développé par Massive Monster et prévu pour le 11 août sur PC, Nintendo Switch, PlayStation 4, PlayStation 5 et Xbox. Comme l’avait laissé présagé la preview de Cult of the Lamb à laquelle nous avions eu accès en juillet, nous n’avons pas été déçus.

Secte and the city

Le périple de notre petit agneau débute sur un banc d’exécution, alors qu’un bourreau affûte une immense hache qu’il brandit ensuite au-dessus de sa tête. Il y a une certaine assurance dans le geste, on peut sentir qu’il a fait ça des milliers de fois. Mais, cette fois-ci, l’ambiance est différente. On dirait presque qu’il va se passer quelque chose. La lame entame sa rapide descente vers la nuque fébrile et tremblotante de l’animal, mais lorsque le métal froid touche sa peau, la scène s’interrompt.

Un flash aveuglant éclaire l’assemblée et quand il est temps de reprendre ses esprits, le jeune ovin fait face à une créature difforme, tenue en place par quatre grandes chaînes qui restreignent ses mouvements. « Je t’ai sauvé la vie, dit-elle. En échange, je ne te demande qu’une chose : prends ma couronne et reviens à la vie pour créer un culte et affronter les quatre Prélats, qui m’ont emprisonné ici. » Évidemment, vous vous doutez bien que ce n’est pas une proposition que qui que ce soit est en droit de refuser.

Cult of the Lamb // Source : capture d'écran
Cult of the Lamb. // Source : Capture d’écran

S’ouvrent à vous les portes de l’après, celles d’une nouvelle vie qui va consister à rallier un troupeau de petits animaux à votre dogme et espérer anéantir les quatre créatures qui gardent votre sauveur prisonnier. De façon très concrète, Cult of the Lamb tourne donc autour de deux axes principaux : la gestion d’une terre où loger, nourrir et prêter sermon à vos fidèles adeptes, et une autre partie plus orientée action où il est question de parcourir des donjons à la recherche de ressources, de monstres à tuer et d’équipements utiles pour progresser dans l’aventure. Il faut voir cela comme deux parties distinctes, qui se jouent différemment, mais peuvent communiquer entre elles de différentes manières. D’un côté, un aspect gestion à la Don’t Starve où l’on va construire des petites maisons et un feu de camp pour cuisiner des petits plats ; de l’autre, des combats dans des salles générées procéduralement, qui empruntent autant à Hades qu’à The Binding of Isaac.

Fonder un culte et terrasser des monstres, c’est un beau projet. Mais, si vous pouviez demander au gourou d’une secte comment tout a commencé, il vous assurerait sans doute qu’il a fallu attendre un petit moment avant d’avoir derrière lui des milliers d’adeptes, prêts à tout pour faire plaisir à un type en toge qui porte une couronne. Dans Cult of the Lamb, c’est pareil. L’église sera peu remplie lors des premiers sermons matinaux. Pourtant, c’est précisément en jouant que vous rencontrerez de nouveaux adeptes à guider vers le droit chemin, celui de votre base. Cerfs, poissons, éléphants, chats, renards… L’aventure est remplie de petits animaux (d’une trentaine d’apparences différentes) qu’il est possible de rencontrer dans les donjons et d’enrôler, soit en leur offrant un toit, soit en terrassant les gens qui les tiennent prisonniers. Ils apparaîtront ensuite au milieu d’un cercle d’invocation à la maison, et pourront être assignés à une tâche pour être utiles au groupe.

Cult of the Lamb // Source : capture d'écran
Cult of the Lamb. // Source : Capture d’écran

Autel cinq étoiles

Construisez-leur un réchaud, et ils mangeront. Construisez-leur des lits, ils dormiront. Construisez-leur un autel, ils prieront. D’une simple soirée camping autour d’un feu de camp, votre colonie deviendra au fil du temps une vraie base d’opérations fonctionnelle et foisonnante, qu’il faut surveiller et gérer pour s’assurer que tous les membres du culte s’y sentent bien. Les adeptes auront, par exemple, besoin d’un repas par jour, d’un lit et d’un endroit où faire leurs besoins, mais tout cela nécessitera d’abord de collecter un peu de ressources. Ça tombe bien, vous pouvez aussi leur demander de couper du bois ou d’aller récolter de la pierre pour concrétiser vos idées les plus loufoques et bâtir un repaire à la hauteur de leurs croyances. Viendra un beau jour où, en se baladant au milieu de sa base, on s’apercevra que celle-ci prend vie grâce aux dizaines d’animaux qui s’agitent pour planter des légumes, nettoyer et entretenir ce havre de paix.

Malheureusement, pendant plusieurs heures de jeu, c’est à vous de faire le sale boulot. C’est à vous de cuisiner chaque matin des repas à base de baies pour nourrir toutes ces bouches, à vous de nettoyer les déjections qui jonchent le sol et à vous de soigner leurs maladies, autrement vos adeptes auront du mal à se sentir bien et commenceront à perdre le feu sacré. C’est là qu’intervient un autre élément essentiel à la gestion du culte : la jauge de foi. Posée en haut à gauche de l’écran, elle grimpe et descend au gré de vos actions. C’est elle qui indique à quel point vos adeptes sont dévoués à la cause. Dans le cas contraire, ils peuvent tout à fait se rebeller et prendre un mégaphone pour aller hurler dans les oreilles de leurs compères que vous n’êtes qu’un charlatan. Clairement, c’est la dernière chose dont vous avez envie.

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Cult of the Lamb. // Source : Capture d’écran

Pour rallier les éventuels dissidents à la cause, plusieurs moyens s’offrent à notre petit agneau. En faisant un tour dans l’église, il est déjà possible de donner un sermon chaque matin, ce qui fera grimper la jauge de foi commune et offrira un peu plus de dévotion à chacun d’entre eux. Si cela ne suffit pas, on dit bonjour à la micro-gestion : il est également possible d’aller parler à tous ses fidèles individuellement pour les faire revenir à la raison, en préparant un discours inspirant ou en leur graissant la patte avec quelques pièces d’or filées sous le manteau. Aller prêcher la bonne parole en les interpellant directement est une solution chronophage, et franchement l’un des aspects les plus redondants du jeu. Cependant, c’est un moyen sacrément efficace pour créer de l’attachement entre le joueur et ses adeptes.

Après quelques heures passées à faire le moniteur de colo et à demander à ses fidèles comment ils vont chaque matin, on finit par se souvenir d’eux, et on leur donne même des petits prénoms. On ne dit plus bonjour au « petit renard qui ramasse les déchets », on dit bonjour à René. On lui offre des cadeaux, on lui donne à manger et on fait tout pour s’attirer ses bonnes faveurs, parce que s’il est fâché, ce n’est pas bon pour le business. Attention à ne pas non plus trop déranger ses adeptes en les réveillant pour un sermon en pleine nuit ou en interrompant une discussion : dans les deux cas, ils vous feront savoir qu’ils sont fâchés.

Cult of the Lamb // Source : capture d'écran
Cult of the Lamb. // Source : Capture d’écran

Le repaire du culte apporte donc une myriade de mécaniques et de systèmes à entretenir régulièrement, mais également d’autres événements plus ponctuels et objectifs à atteindre pour faciliter l’exploration des donjons. En plus des sermons classiques, on note la possibilité de choisir des doctrines apportant divers bonus passifs aux adeptes, des rituels permettant de sacrifier, marier, battre à mort ou découper des fidèles, ou encore des améliorations d’armes et d’équipement pour ses futures pérégrinations. Certains fidèles pourront par ailleurs venir vous trouver pour vous demander un service ou lancer une quête — qui consiste généralement à lui ramener un truc, lui cuisiner un bidule ou construire un machin.

On passe en fait beaucoup de temps dans Cult of the Lamb à remplir des jauges et entretenir des relations qui semblent futiles, mais qui révèlent à terme du nouveau contenu et des éléments importants pour progresser dans l’histoire. Des tenues spéciales aux pouvoirs uniques, la possibilité de transformer les petits animaux en familiers démoniaques pour les donjons et même de nouvelles zones à visiter, qui sont généralement l’occasion de rencontrer de nouveaux personnages haut en couleur. En plus d’être d’une générosité assez folle, Cult of the Lamb tisse des liens concrets entre sa partie gestion et ses donjons, qui donnent du sens et du liant à ses mécaniques de rogue-like. Contrairement à des jeux comme The Binding of Isaac, le monde continue de tourner pendant que l’on part combattre, et il se passe toujours quelque chose entre les parties.

Cult of the Lamb // Source : capture d'écran
Cult of the Lamb. // Source : Capture d’écran

Le loot et l’agneau

Mais, ces combats, justement, que donnent-ils ? C’est certainement la partie la moins surprenante du jeu, puisqu’elle s’inspire ouvertement de The Binding of Isaac et de sa génération aléatoire. Il y a quatre donjons pour quatre grands boss à tuer, et des salles successives à visiter l’une après l’autre sur la carte. Tout le cahier des charges du rogue-like est respecté : des salles aux ennemis aléatoires, de multiples embranchements, des améliorations de statistiques et même un objet spécial par étage, prenant ici la forme de trente-six cartes de tarot amenant chacune des modificateurs différents. Cult of the Lamb lorgne donc beaucoup du côté d’Isaac pour sa structure, puis va rythmer les affrontements avec une prise en main proche de celle de Hades. Ça roule, ça bouge, les ennemis sont très mobiles et dès le deuxième donjon, il faut également surveiller certains dangers environnementaux comme des chutes de rochers ou des boules de feu.

Cult of the Lamb // Source : capture d'écran
Cult of the Lamb. // Source : Capture d’écran

La quasi-totalité des joutes se déroule au corps à corps, avec les armes que nous fournit le jeu à l’entrée de chaque donjon. Il peut s’agir d’une épée, d’une hache, de dagues ou d’un marteau, disposant tous de valeurs d’attaque et d’une vitesse différentes ; comme dans Hades, préférer une arme plutôt qu’une autre en fonction de son style de jeu a donc son importance. À côté de ça, la touche Y de la manette provoquera le lancement d’un maléfice, une sorte de sort aux effets variés qui se recharge en tuant des ennemis. N’en attendez pas un rogue-like porté par des milliers de synergies : en dehors de quelques combos particulièrement rares et puissants, Cult of the Lamb mise surtout sur une nervosité bien dosée et des projectiles par dizaines pour vous faire suer pendant les combats. Ajoutez à cela les familiers et leurs capacités uniques obtenues grâce aux adeptes, quelques arènes spéciales et un panel d’ennemis peu nombreux, mais variés, et on obtient un jeu qui, même s’il ne tape pas foncièrement dans l’originalité, exécute presque tout à la perfection.

Si l’on a l’impression que le jeu tape si juste, c’est aussi en partie grâce à la cohérence qui se dégage de sa direction artistique. Non seulement les différentes mécaniques du jeu sont pensées pour communiquer les unes avec les autres, mais la moindre de nos actions dans les donjons comme à la maison fera l’objet d’animations et de scènes cinématiques cryptiques absolument délicieuses à regarder. Les animations contextuelles, le choix des couleurs ou encore des polices, des effets de lumière sur les visage des petits animaux en passant par les dizaines d’orbes d’expérience qui dansent à l’écran, Cult of the Lamb est très doué pour transformer la violence graphique de certaines scènes en une effervescence de mignonnerie.

C’est un titre qui réussit l’exploit d’être à être à la fois charmant, accueillant et inhabituellement violent, grâce à un style artistique net et cohérent d’un bout à l’autre. Ce parti pris graphique peut néanmoins poser quelques gênes en combat, quand la caméra se place malencontreusement derrière un effet visuel ou qu’un ennemi pas plus haut qu’une brindille se confond avec le décor et bondit d’une herbe pour attaquer, sans nous laisser le temps de réagir. Parfois, la beauté s’installe un peu au détriment de la lisibilité.

Cult of the Lamb // Source : capture d'écran
Cult of the Lamb. // Source : Capture d’écran

Au final, le jeu est fichtrement addictif. Il y a toujours quelque chose à faire à la base ou de nouveaux personnages à rencontrer dans les donjons, ce qui laisse finalement assez peu le temps de s’ennuyer sur la quinzaine d’heures qui précède le générique de fin. La fièvre de la fameuse « dernière partie avant de se coucher » frappe particulièrement fort quand chaque nouveau donjon exploré permet de débloquer un ou plusieurs nouveaux objets (il y en a une bonne centaine, la plupart décoratifs) à installer dans sa maison. Les deux facettes du jeu dépendent l’une de l’autre, et se complètent parfaitement.

Vous vous attacherez à vos adeptes, vous vivrez avec eux. Vous les verrez être heureux, fatigués, en colère, affamés, et même vieillir. Un beau jour, ce petit renard que vous avez appris à aimer se réveillera avec les jambes lourdes, traînera sa canne jusqu’à l’église et pourra difficilement travailler sur le camp. Eh oui, le petit René n’a peut-être rien pu faire face aux affres du temps qui passe, mais ce n’est pas bien grave : des fidèles prêts à mourir pour la cause, il y en a des centaines d’autres qui attendent dans les bois. Prenez la bonne décision : sacrifiez René sur l’autel devant les autres adeptes. Personne ne vous en voudra.

Le verdict

Quelle petite claque, quand même. On se doutait bien après avoir essayé la démo que Cult of the Lamb allait nous voler quelques heures de vie, mais on ne se doutait pas qu’il serait si difficile de lâcher la manette. En donnant vie de la plus belle des façons à un culte de petits animaux religieux, le jeu de Massive Monster mélange habilement des mécaniques de construction de base, proches de Don’t Starve, avec des combats nerveux qui font du gringue à Hades ou The Binding of Isaac. Un mélange aussi insolite qu’addictif, qui nous offre ce qui ressemble à l’un des jeux les plus enchanteurs de cette année.

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