Ces dernières années les nombreux discours alarmistes d’Universal Music ont pu laisser croire que la filiale du groupe Vivendi regardait passer le train du P2P comme un chien qui aboit au passage du facteur venu délivrer un avis de décès. Mais en moins de deux ans, la première maison de disques au monde a su tirer profit de sa puissance financière et de la crise du secteur pour améliorer ses parts de marché et négocier de multiples accords privés. Du partage de revenus publicitaires par ci (SpiralFrog, Deezer, Jiwa, MySpace Music…), de l’intéressement sur des équipements mobiles par là (taxe sur le Zune, accord avec Nokia,…). La maison de disques a même finalement abandonné les DRM sur tous les services concurrents d’iTunes pour les rendre enfin compatibles avec l’iPod.
Elle n’a pas oublié non plus son coeur de métier. Après s’être concentrée dans un premier temps sur la musique la plus commerciale pour renflouer son chiffre d’affaires avec des valeurs refuges (la variété et la télé-réalité), Universal a su développer de nouvelles signatures très rentables comme Amy Winehouse ou Tokio Hotel. Elle a en plus sorti le porte-monnaie pour réaliser quelques acquisitions stratégiques, BMG Publishing et Sanctuary en tête, et négocié des paiements de redevance en hausse dans différentes régions dont les Etats-Unis et la France.
Ce retroussage de manches fait illusion, pour le moment. A la publication des derniers résultats de Vivendi, la maison de disques affichait un chiffre d’affaires de 257 millions d’euros au premier semestre 2008, en hausse de 17,7 % par rapport à l’an dernier.
Sans avoir abandonné d’un iota la lutte contre le piratage, Universal paraît cependant se donner davantage le temps de la réflexion et y accorder moins d’importance qu’auparavant. Le label semble même se résigner à l’idée de la licence globale si jamais les accords privés qu’elle a soigneusement ficelés ces derniers mois étaient rattrapés par la réalité d’un marché trop difficile à monétiser. Dans un entretien à Premier Cercle, le président d’Universal Music France Pascal Nègre envisage ainsi la licence globale qu’il a combattue comme un avenir possible de la distribution numérique. « J’estime qu’il faut d’abord voir si les autres modèles marchent ou pas« , prévient tout de même celui qui a attendu 10 ans de voir si les DRM marchaient avant de se décider à les abandonner.
Car pour le moment, les bons résultats d’Universal Music reposent essentiellement sur des lancements de start-up avec leur lot habituel d’injections de capital risque. Nul ne sait si ces paris seront réussis dans les prochaines années, et la crise financière qui secoue les investisseurs devrait fortement limiter les prises de risques dans les secteurs en crise comme la musique, pour plusieurs années.
« Si on en arrive [à envisager la licence globale], cela voudra dire qu’on n’a pas réussi à créer un véritable modèle économique« , avertit encore Pascal Nègre. Mais il reconnaît pour la toute première fois que « pour la musique ça ira encore« . Il avance même un premier calcul. « Avec une taxe de 10 milliards d’euros par an on arrive à 6 ou 7 euros par mois par abonné« , indique-t-il. « Mais que fait on du cinéma, qui connaît le même problème ? Pour le financer il faudra doubler le prix des abonnements Internet. Je ne crois pas que les abonnés seront d’accord. »
Effectivement, s’il fallait doubler le prix de l’abonnement à Internet, les abonnés ne seraient pas d’accord. Mais heureusement, le calcul de Pascal Nègre est faux. S’il fallait aujourd’hui compenser 100 % du chiffre d’affaire de la musique enregistrée en France, ça n’est pas 10 milliards d’euros par an qu’il faudrait réunir (quelle gourmandise), mais environ 1 milliard d’euro selon les chiffres du très sérieux Observatoire de la musique et de l’institut Gfk. Or avec 17 millions d’abonnements haut-débit en France, c’est moins de 5 euros qu’il faudrait prélever par mois et par abonné pour réunir le chiffre d’affaire annuel de toute l’industrie musicale. Or, rassurons-nous, comme le montre la progression du chiffre d’affaires d’Universal malgré un piratage toujours aussi présent et toujours largement impuni, une licence globale ne ferait pas s’écrouler d’un coup l’entièreté du chiffre d’affaires de l’industrie musicale.
Ca n’est donc pas 10 milliards, ni même 1 milliard d’euros qu’il faudrait réunir, mais beaucoup moins, pour assurer des revenus équivalents. Idem pour le cinéma, s’il fallait adapter le même système à une industrie qui vit cependant plus facilement des revenus publicitaires et des entrées en salle que la musique.
Crédit photo : Jean Ber
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