Ce n’est pas un scoop : les DVD et Blu-ray sont chaque année de plus en plus délaissés au profit des plateformes de SVOD et du streaming. En plus de bouleverser toute l’économie de l’industrie cinématographique, la disparition du support physique pourrait également avoir un effet sur la créativité des réalisateurs.
C’est en tout cas l’analyse que fait Matt Damon de la situation actuelle du cinéma, dans une vidéo devenue virale sur Twitter, le 22 août 2022, plus d’un an après sa diffusion originale. Invité de la célèbre émission Hot Ones, de la chaîne First We Feast, qui propose des entretiens avec des célébrités autour de plats toujours plus épicés, l’acteur et producteur américain en avait profité pour faire part de son point de vue sur les récentes productions du septième art, en août 2021.
Les DVD de la deuxième chance
« Les DVD représentaient une part énorme de notre business et de nos revenus, mais la technologie a rendu cela obsolète », avait ainsi expliqué Matt Damon. « Avant, on pouvait se permettre de ne pas réaliser l’ensemble des recettes d’un film sur ses entrées au cinéma, puisque les DVD sortaient juste après. Six mois plus tard, les ventes de ce nouveau support représentaient presque comme une deuxième sortie en salle. Et, quand ce modèle s’est effondré, cela a profondément changé le type de films que l’on pouvait réaliser. »
Il est vrai que la fin des années 1990 et le début des années 2000 ont vu l’émergence de nombreux films originaux, restés cultes depuis. Matt Damon est bien placé pour le savoir : il a lui-même été l’un des acteurs majeurs du cinéma indépendant américain avec des films comme Will Hunting, qu’il a coécrit avec son ami Ben Affleck (Justice League) et qui leur a valu l’Oscar du meilleur scénario en 1998.
Vive les années 1990
Mais là où le DVD pouvait donner un second souffle à des films à petits budgets, les plateformes de SVOD ne peuvent malheureusement pas prendre ce relais. Dans son entretien pour Hot Ones, Matt Damon prend ainsi l’exemple du film Ma Vie avec Liberace de Steven Soderbergh (Contagion, Logan Lucky), dans lequel il a joué aux côtés de Michael Douglas. « Quand j’ai discuté avec les studios, ils m’ont expliqué que le budget serait de 25 millions de dollars et qu’il faudrait investir la même somme dans la promotion publicitaire du film. Cela nous donne donc 50 millions de dollars d’investissement, mais il faut diviser cette enveloppe en deux, avec les exploitants. Il fallait donc que le film rapporte 100 millions de dollars pour être rentable. »
Pour Matt Damon, « pouvoir récupérer autant d’argent autour de l’histoire d’amour entre ces deux hommes, tout d’un coup, c’est devenu un pari impossible. Et, ce n’était pas le cas dans les années 1990 où l’on pouvait faire ce genre de films que j’adore et qui étaient mon gagne-pain à l’époque ». À titre indicatif, Ma Vie avec Liberace, qui avait été présenté au Festival de Cannes, a rapporté 13,3 millions de dollars dans le monde et a été directement diffusé sur HBO aux États-Unis.
Une question déterminante
L’analyse de Matt Damon soulève ainsi de nombreux problèmes dans l’industrie audiovisuelle, à l’heure où HBO Max annule de nombreux projets déjà lancés, tandis que Netflix ne renouvelle pas certaines de ses séries les plus réussies comme la production française Drôle. Les films et séries doivent désormais être rentables dès leur sortie en salle ou en SVOD, ce qui pousse les producteurs à accepter de moins en moins de projets indépendants.
D’autant plus, dans un contexte où les entrées en salles de cinéma sont instables et où les plateformes de streaming sont de plus en plus compétitives, la question du support physique reste ainsi déterminante. Comment pourra-t-on conserver certains programmes exclusifs de Netflix si un jour, par malheur, ils disparaissent de son catalogue ? Évidemment, certains répondront qu’il reste toujours le téléchargement illégal, mais de grandes étagères remplies de DVD et de Blu-ray, c’est aussi très bien. Et, visiblement, ça permet de rendre heureux Matt Damon, donc soyons fous.
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