La guerre des pixels n’a finalement pas eu lieu au Z Event 2022. Du moins, pas de manière aussi intense que ce que les internautes avaient vécu lors de l’évènement organisé par Reddit ce printemps avec Place. S’il y a eu quelques escarmouches ici ou là, les internautes comme les streameurs ont surtout eu à cœur de dessiner une fresque collaborative en pixel art tout au long de l’évènement. Pour un résultat tout à fait spectaculaire à voir.
Résumer ce qu’il s’est passé tout au long du week-end pendant le Z Places — nom donné par Zerator et Dach à leur version du Reddit Place — n’est pas un exercice si simple que cela. À la différence du Reddit Place, où l’action côté français se déroulait sur une poignée de streams sur Twitch, il y avait potentiellement soixante directs à suivre du 9 au 12 septembre, soit autant de convives participant au Z Event 2022. Mais heureusement, ça n’a pas été nécessaire.
Au premier jour du marathon caritatif, d’ailleurs, tout le monde ne s’est pas intéressé au Z Places. Rien d’étonnant : il s’agissait du début de l’évènement et chacun et chacune avait surtout à cœur de bien lancer leur soirée, de décrire leurs « donation goals » (des défis à accomplir, si certains paliers associés à des montants sont atteints) et de présenter dans les grandes lignes leur programme pour les jours à venir — et les 50 heures de direct. Et de toute façon, le Z Places n’était pas encore assez chargé pour enclencher des batailles de territoire.
« Venez, on détruit tout et on fait mon visage »
L’ouverture du Z Places a eu lieu pratiquement à la minute où a démarré le Z Event, le 9 septembre à 18h. Zerator n’a pas manqué d’en faire la promo sur son stream (ce qui était prévisible, ce jeu ayant été adapté pour en faire un levier d’incitation à faire des dons), en rappelant l’adresse et en montrant le fonctionnement. Pour la petite histoire, d’ailleurs, le pixel aléatoire qu’il a posé sur la toile survivra longtemps, des internautes allant même jusqu’à dessiner tout autour, comme pour préserver une relique.
Évidemment, Zerator savait qu’il faudrait revenir à quelques reprises sur le Z Places pour animer l’activité. Et quoi de mieux pour commencer de charger les Bretons, qui bien sûr, commençaient à peindre un drapeau tout en haut de la carte ? Malicieux, Zerator fera remarquer que la version qu’il avait sous les yeux ne ressemblait à rien. Les proportions n’étaient pas du tout respectées. « Après, vous faites ce que vous voulez », dira-t-il en direct, pour les troller.
Dans les premières heures du Z Places, quelques streameurs se sont montrés très investis, à l’image de CaMaK, Kenny et surtout Mynthos, qui y a passé des heures. D’autres passaient de temps en temps, juste pour s’émerveiller devant une toile qui s’organisaient petit et à petit. Et puis il y avait Antoine Daniel, qui se disait qu’on pouvait sans doute tout ruiner, pour rigoler. « Venez, on détruit tout et on fait mon visage. Ça dit quoi la team ? ». Et, une seconde après, presque paniqué : « Non, non ! Ne faites pas ça ! »
Domingo aussi a caressé l’idée de tout casser au début, en tout cas pour poser son logo. « On va devoir détruire », lancera-t-il, en appelant à mettre en place une équipe sur Discord pour réunir les idées et faire des calques, de sorte de faciliter le pixel art». Il est vrai que les débuts artistiques des uns et des autres n’étaient pas fameux. « Pourquoi on fait des trucs dégueus, nous ? », dira Blitzstream, dont c’était la première participation, en s’offusquant du texte un peu pauvre le représentant.
On pouvait craindre un Z Places envahi par de la publicité ou par des messages désobligeants, mais ça n’a pas été le cas. Zerator était confiant à ce sujet : d’une part, il pourrait toujours les attaquer avec sa communauté, pour les recouvrir, et d’autre part, le coût pour posséder un pixel allait augmenter avec le temps. Et il était certain que les marques ou les trolls allaient se lasser ou refuser de trop dépenser pour faire du vandalisme.
Cette première journée s’est avérée calme. Les invités avaient déjà leurs activités et ne pouvaient pas toujours rester sur Z Places. D’autres découvraient le jeu sans trop savoir la façon de procéder. « Je n’y ai pas trop passé de temps, je ne sais pas comment font les autres streameurs », admettra Angle Droit. Etpuis ça ne parlait pas à tout le monde. Jiraya, Étoiles, Xari, LittleBigWhale, Gius, Trinity ou Damdam n’ont presque pas passé une tête sur la toile, voire jamais.
Il faut dire qu’il ne s’agissait pas d’une querelle de communautés, comme du temps du Reddit Place, où l’évènement s’était transformé en une véritable bataille rangée entre la France d’un côté et les Espagnols et Américains de l’autre. Ici, c’était plus une activité en toile de fond, une sorte de fil rouge du marathon caritatif (comme le Z Event plays Pokémon), un bonus pour le public et les participants.
Cette fois, c’était un évènement caritatif. « Le but, c’est de conserver ce que l’on va créer », soulignera ainsi Rivenzi. Cela n’a pas empêché les petites taquineries ici ou là, à l’image d’AlphaCast qui est venu personnaliser un dessin d’Avamind en lui ajoutant un petit gant de boxe autour de la main d’un personnage. Les streameurs semblaient presque admettre tacitement qu’il ne serait pas forcément bienvenu de venir détruire les logos des autres.
La grande bataille du caquelon, suivie de la défense bretonne autour du drapeau
À l’aube du deuxième jour, l’ambiance a toutefois un peu changé. D’abord, parce que la toile a été agrandie une première fois. Zerator avait prévenu que deux de ses paliers entraîneraient une extension du Z Places, à 75 000 euros (avec un élargissement à droite) et 200 000 euros (avec un prolongement en bas). Et le 10 septembre, des accrochages entre convives ont ainsi émergé. Des accrochages dont on se souviendra peut-être comme la bataille de la fondue, l’invasion du drapeau breton, la prise de Solary ou encore la grande diagonale verte.
Ainsi, Tonton et Jeel se sont un peu montés le bonnet — de façon toujours amicale — sur Z Places. Le hasard avait fait que Jeel et Tonton se trouvaient sur deux zones limitrophes. « Tu veux la guerre ? Je pensais qu’on était amis », lancera le premier. « On fait la paix ? On reconstruira » proposera la seconde. « T’as peur, hein ? T’as peur ! » taquinera-t-il. Objet de leur dispute ? Une sombre invasion de pixels sur un caquelon de fondue et de réparation de « zizi de Gollum » (le petit monstre en haut de l’image). Et il n’était que 9h20.
Autre clash mémorable : le drapeau breton (encore). Cette fois, c’était entre Ponce et Rivenzi — qui vient de cette région — que cela se jouait. Les deux sont aussi bons et amis et Ponce se disait que c’était l’occasion de charrier son pote sur le Gwenn ha du, même s’il n’en était pas à l’origine. « En fait, les Bretons vous nous saoulez. On a compris. Bretagne ! Bretagne ! C’est tellement à chier qu’il faut en parler tout le temps ? », taclera-t-il. Ponce, aka le maître des fleurs sur Twitch, était bien décidé à recouvrir la Bretagne de rose.
« Je suis choqué », témoignera Rivenzi, qui savait que la partie n’allait pas être facile : il n’avait que 1 300 spectateurs tandis que la force de frappe de Ponce était de 31 000 internautes potentiel. « Je vais essayer de distraire Ponce pour qu’il arrête de pousser à attaquer », tentera Rivenzi, qui se trouvait non loin de lui dans la salle. Pendant ce temps, une fleur semblait émerger sur le drapeau breton, comme la victoire de Ponce sur Rivenzi. « Vite, effacez cette fleur ! », suppliera-t-il. « Dessinez ! Dessinez ! Dessinez ! ! Il faut qu’il existe ce drapeau. »
Évidemment, tout ceci est une mise en scène. Il s’agit de provoquer un peu tout le monde, car c’est un bon moyen de générer des dons en attisant la motivation du public. Tout le monde en joue, même Rivenzi, qui ira jusqu’à lancer une musique épique sur son stream et tentera un discours remobilisateur pour faire réémerger le drapeau. « Faites des dons et prenez des pixels » sera d’ailleurs une phrase que l’on entendra beaucoup lors du Z Places.
Bien sûr, Zerator n’ignorait pas le clash entre Rivenzi et Ponce. Et, facétieux, il ira remettre une petite pièce dans la machine, en faisant mine de ne pas s’en prendre à la Bretagne, tout en déposant en masse des pixels verts dessus. « Moi je n’ai pas fait le call ! Vous vous débrouillez avec Rivenzi après. Il n’est pas question que je pose un seul pixel vert sur le drapeau de la Bretagne. Je ne veux pas m’attirer les foudres de toute une communauté ». Mais bien sûr, ce qu’il faisait à l’écran était très différent de ce qu’il disait à haute voix.
Paradoxalement, les batailles font que certaines zones sont de plus en plus dures à prendre, car les pixels se renforcent à chaque fois qu’on les prend. Il faut dépenser de plus en plus de crédits pour en prendre un. Ce faisant, certains raids commencent à coûter cher, comme celui de la Bretagne. On pouvait le voir tout en haut à gauche de la fresque, avec le pixel dans l’angle qui n’a cessé de prendre de la valeur au fil de l’évènement.
S’il y a eu d’autres affrontements, comme Chowh1 et Jbzz, le premier attendant que le second s’en aille pour prendre la zone, c’est surtout Zerator qui a animé le Z Places, en lançant une grande attaque verte sur une diagonale, « pour voir qui peut se défendre » (ce qui a saccagé bien des dessins au passage), en coloriant les espaces vides ou en raidant le logo de Solary, qui semblait s’être posé n’importe où : « Ils se sont mis en plein milieu. Je suis désolé, il ne faut pas déconner ». Et, profitant aussi de l’absence provisoire d’Antoine Daniel, une même attaque a eu lieu : « Il n’est pas sur son ordinateur. Parfait ! ». Nous étions alors en milieu d’après-midi du samedi.
Le Z Places a aussi été l’occasion de faire quelques clins d’œil à ce qu’il s’était passé lors du Reddit Place. En particulier, il y a eu de nouveau la pose de baguettes, un petit jeu de Zerator avec sa communauté. L’idée ? Avec un calque représentant une baguette de pain, Zerator recouvrait un endroit et les internautes devaient dessiner la baguette avec des pixels. On a ainsi eu une baguette sur un Pikachu mal en point ou encore une autre baguette sur un visuel montrant quelques streameurs — Berlu, Moman et Rivenzi.
De la guerre des pixels à la guerre du pixel ?
Puis est arrivé le troisième jour et la dernière ligne droite du Z Event. Là encore, la toile a été élargie, mais ce n’est que plus tard dans la journée que l’action va surtout se dérouler. Les matinées sont souvent calmes au Z Event, car les streameurs et les streameuses finissent de dormir, s’alimentent et organisent leur journée, avant de se remettre devant la caméra. Ainsi, la journée du 11 septembre a été plutôt détendue sur le Z Places.
Une annonce de Zerator a d’ailleurs très certainement contribué à figer les choses et à pousser les internautes à lever le pied — tout comme les streameurs. Vers 19h a été lancée la vente d’une plaque en aluminium qui représentera le visuel final du Z Places. Une plaque vendue 60 euros à l’unité (sans les frais de port) et tirée à 30 000 exemplaires, le temps de l’évènement. Forcément, personne ne voulant avoir un design abominable, la guerre des pixels peut-être espérée par des internautes ne pourrait sans doute jamais avoir lieu.
En disant cela, on comprenait implicitement qu’il n’y aurait pas de final à la Reddit. Du temps de R/Place, les admins avaient choisi un système où chaque pose de pixel après un certain horaire était systématiquement blanc, ce qui donnait un caractère très éphémère à l’œuvre, qui s’effaçait à vue d’œil une fois l’évènement passé. Mais avec l’idée de la plaque à vendre, il fallait évidemment figer les pixels et ne pas aboutir à une toile blanche.
De fait, on s’est plutôt orienté vers une séquence consistant à peaufiner les logos et les visuels chez beaucoup de participants et de participantes, d’ailleurs, que ce soit Gomart sur sa zone ou LittleBigWhale sur la sienne. Y compris, donc, de convives qui n’avaient pas trop mis les pieds sur le Z Places. « On ne raide plus Z Places », dira Zerator au cours de la soirée. L’heure était au renforcement des pixels, pour les sécuriser. En tout cas, quand ça marchait, car tout au long du marathon caritatif, la toile collaborative a eu quelques soucis de fonctionnement, avec des petits bugs et ralentissements.
Bien sûr, quelques accrochages continueront de se produire, que ce soit d’Antoine Daniel ou de DrFreelGood. Cependant, les dégradations s’estompaient de plus en plus et, surtout, les streameurs et streameuses étaient de plus en plus accaparés par la fin du Z Event, qui arriverait dans quelques heures. En somme, tout le monde était pris dans ses émissions, tandis que Zerator et d’autres lançaient leur public sur des plus petites chaînes participantes, afin de leur faire monter la cagnotte — et ainsi qu’ils valident encore plus de « donation goals ».
En fait, s’il y a eu une bataille qui a perduré, c’est bien celle du fameux pixel situé tout en haut à gauche du canevas. Le posséder durablement s’est avéré de plus en plus compliqué, car tout le monde renchérissait. Dans la journée de samedi, il a par exemple coûté 37,2 euros (soit 372 crédits), puis 43,2 euros. Des streameurs ont aussi bataillé pour l’avoir, comme Zerator ou Tonton. Mais c’est à la fin du Z Event que les choses se sont surtout emballées.
À 20h33, il fallait dépenser 881 crédits pour le posséder. À 00h27, la dépense atteignait 1 149 crédits. Puis 1 192, 1 208, 1 217 et, enfin, 1 223, à 1h24 du matin.
Gros plantage du Z Places
Mais à 22h30, gros coup du sort. Tout tombe, ou presque. Le Z Places n’est plus accessible. « Il y a un énorme crash », préviendra Zerator. Celui-ci durera une bonne heure. D’ailleurs, la toile coopérative ne sera pas la seule à être un peu dans les choux. Le suivi des cagnottes plantera aussi, tout comme Streamlabs, un outil très utile pour les streameurs. Pendant un long moment, une certaine confusion régnera, avant que les admins ne rétablissent tout. Un plantage trop long aurait été à coup sûr un final bien désastreux pour le Z Event 2022.
Les streameurs préféraient en plaisanter, comme AlphaCast : « Je renforce de quelques pixels. Ha ! Ca buggue. Je renforce pas les pixels alors ». Mais quand ça passait, certaines zones devenaient presque imprenables : « Ce sont les Champs-Elysées chez Antoine », plaisantera Zerator, pour décrire à quel point la pose de pixels sur le logo de son ami consomme des crédits. De toute façon, ça aurait été trop triste d’attaquer les streameurs, jugera Lapi.
C’est d’ailleurs plus ou moins à ce moment-là que Domingo a proposé de recycler la technique des saisons, un autre clin d’œil à Reddit Place. À l’époque, l’idée était de poser des pixels par vagues, en fonction de la saison de naissance de chacun et chacune, afin de procéder à un roulement continu d’attaques et de défenses. Mais cette fois, il proposait de le faire pour les dons, dans le but de ne pas surcharger les plateformes devant les traiter.
Quand est-ce que ça s’arrête ?
Restait toutefois une question, cruciale : à quel moment surviendrait la fin de Z Places ? On ne le savait pas. Officiellement, entre minuit et une heure du matin, le 12 septembre. Puis entre une et deux heures quand il a été décidé de gratter une heure de plus, pour avoir un peu plus de dons. L’horaire était censé être secret. « Je n’ai pas d’heure pour la fermeture. Ce sont les admins qui ont décidé », selon Zerator. En fait, tout s’est figé à 01h26 du matin.
C’est manifestement au moment où la cagnotte globale a passé le cap du montant de 2021 — le record absolu de toutes les éditions du Z Event — que décision a été prise de fermer le Z Places. On ne sait pas si les admins avaient prévu cela dès le début, car on ne savait pas à l’avance quel allait être le succès de cette édition, après une polémique en début d’année autour du choix de la première association. Mais le FlopEvent que certains prophétisaient n’a jamais eu lieu. Il s’est au contraire mué en FlexEvent.
Il reste maintenant à découvrir le timelapse du Z Places, qui permettra de voir toute l’évolution de la toile au cours de ces trois jours de marathon caritatif. Et on a aussi hâte de voir quelle sera l’image finale qui sera retenue comme cliché final de ce jeu coopératif. Et on espère que sortira un jour une sorte d’atlas permettant d’expliquer toutes les références. Car si certaines sont évidentes, comme Alain Chabat, Pikachu ou la Ligue de protection des oiseaux (une des associations bénéficiaires du Z Event), d’autres sont beaucoup plus obscures.
Quant au « cursed Sonic », il devrait bel et bien rester dans le dessin final, y compris sur la plaque qui sera envoyée aux 30 000 premiers internautes l’ayant acheté. Ce dessin, promu par le Joueur du Grenier (l’intéressé était absent pour des raisons personnelles, mais il a pu passer une tête à distance pour participer un peu à l’évènement) visait à troller un peu Zerator, avec un personnage dessiné d’une façon un peu étrange et louche, pour l’asticoter.
Ça a plutôt bien marché. « Effacez-moi ce dessin de merde », exigera ainsi Zerator en plaisantant, beaucoup plus tard dans la journée. Il faut dire que ce visuel n’était pas tout à fait dans le ton de l’image finale et de la plaque. Hélas, cette exigence n’a été qu’en partie satisfaite : ce « cursed Sonic » existe encore, sous une forme un peu différente. Zerator, d’ailleurs, le sait bien et en a profité pour taquiner le Joueur du Grenier une dernière fois, lors des remerciements finaux.
« On se voit au tribunal, Fred. »
Quant au prochain Z Event, rendez-vous en 2023.
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