Comme chaque année depuis sept ans maintenant, plusieurs dizaines de streameurs et streameuses se sont réunis pour le ZEvent, qui battait son plein du 9 au 11 septembre. 59 participants ont pris place dans une salle du Corum, le Palais des Congrès de Montpellier, pour le désormais traditionnel marathon caritatif de la rentrée. Après l’Institut Pasteur, Médecins Sans Frontières ou encore Action Contre la Faim, les organisateurs de l’événement ont cette année choisi de récolter des fonds pour la cause environnementale, en partageant la somme finale entre cinq associations différentes (le partage est opéré par la Fondation de France).
Un lancement teinté d’une polémique
Cependant, choisir ces cinq associations n’a pas été une mince affaire. Comme nous vous l’expliquions plus longuement en juillet dernier, le choix du ZEvent s’est d’abord porté sur l’association GoodPlanet, présidée par Yann Arthus-Bertrand, qui a été pointée du doigt par les internautes pour ses actions en contradiction avec le message environnemental promu par l’événement. Liens douteux avec des entreprises accusées d’être actrices du réchauffement climatique (Total, BNP Paribas ou encore Allianz), utilisation des NFT dans le cadre d’une levée de fonds et soutien officiel de son président à la Coupe du Monde de football au Qatar… Le choix de l’association GoodPlanet pour le ZEvent 2022 a suscité de vives levées de fourches chez les spectateurs de l’événement, ce qui a mené certains vidéastes invités à refuser de participer cette année.
Maghla expliquait par exemple avoir décliné l’invitation parce que « l’association choisie ne lui convenait pas ». Les organisateurs de l’événement ont réagi dans les jours qui ont suivi l’annonce, et sont revenus sur leur décision — GoodPlanet a ainsi été écartée de l’événement — pour ensuite lancer un sondage permettant à la communauté de choisir les associations qui se partageront les dons.
Au final, ce sont cinq associations qui ont été retenues : Sea Shepherd, la LPO, la WWF, Time for the Planet et The Sea Cleaners, qui agissent toutes dans différents domaines relatifs à la protection de l’environnement, la préservation de la faune, la lutte contre le réchauffement climatique ou encore la protection des océans. Adrien “ZeratoR” Nougaret, organisateur de l’événement, expliquait lui-même ce revirement il y a trois mois : « Aucune association ne fait consensus. La réalité, c’est que l’association parfaite n’existe pas. »
Si la situation a été depuis clarifiée par ZeratoR et ses équipes, la polémique reste dans les esprits. Pour les spectateurs, il est difficile de ne pas percevoir ce lancement de ZEvent comme un peu différent. Un peu confus.
Tout est bon pour « bourrer les dons »
Nous voilà trois mois plus tard, à quelques jours du lancement des festivités. Dès le 8 septembre, les streameurs commencent à se rendre sur Montpellier pour s’organiser sur place et installer leur matériel dans le Palais des Congrès. L’événement ne commence officiellement que vendredi soir, mais comme l’an passé, un concert caritatif a été organisé la veille de l’événement pour lever des fonds et permettre à quelque 5 000 spectateurs d’assister à des concerts en compagnie des vidéastes présents et d’artistes comme Soprano, Bigflo et Oli ou encore PV Nova et LittleBigWhale, qui participe, elle aussi au marathon caritatif. Diffusé en direct sur la chaîne Twitch officielle de l’événement, le concert a attiré près de 120 000 spectateurs simultanés en ligne.
Il faut attendre le lendemain à 18 heures pour assister au lancement en bonne et due forme du marathon, sur la chaîne de ZeratoR. Une soixantaine de visages entassés devant la caméra d’Adrien Nougaret, qui introduit l’événement armé de son fidèle mégaphone. Quinze secondes, des cris, des applaudissements et une introduction express, avant d’envoyer ses 58 compagnons à leurs postes, pour que chacun et chacune puisse à son tour lancer leur live et plonger dans la ferveur du ZEvent aux côtés de leurs communautés.
Tous se trouventt dans une même salle du Palais des Congrès, qu’ils surnomment « la boîte », et qui regroupe chacun des 59 postes qui serviront à ce que la magie s’opère. Les dispositifs diffèrent d’un stream à l’autre, et c’est là tout l’intérêt du ZEvent : chaque streamer amène avec lui son univers, sa personnalité et sa communauté et créera du contenu qui lui ressemble. Pour certains, il sera question de jouer aux jeux vidéo tandis que d’autres préféreront discuter avec les spectateurs, utiliser des objets ramenés pour l’occasion ou réaliser des défis. Ces défis ont une place très importante tout au long de l’événement et ils portent même un nom : les donation goals.
Dans les jours qui précèdent l’événement, tout ce petit monde sollicite sa communauté et établit avec elle des paliers de donations à réaliser durant le marathon. Une fois le coup d’envoi lancé, ils passent un peu de temps pour expliquer à leurs spectateurs l’ensemble des défis. Le streameur politique Jean Massiet s’engage par exemple à visiter l’Assemblée Nationale ou le Sénat sur Twitch s’il récolte 135 000 € sur sa chaîne. AngleDroit, quant à elle, promet d’interviewer un apiculteur en live si elle atteint la somme de 80 000 euros. ZeratoR ira visiter un centre de tri avec Étoiles pour 700 000 euros, et s’il atteint 88 888 €, Alexclick créera avec sa communauté une application mobile « Faune en Détresse » pour aider la LPO, l’une des associations soutenues par l’événement. Et des paliers comme ceux-ci, il y en a des centaines pendant le ZEvent.
Toutes les cagnottes personnelles des participants sont additionnées pour former le montant global de l’événement, mais c’est à chacun de motiver sa communauté à donner le plus d’argent pour réaliser les donation goals. Certains streamers réfléchissent à des paliers qui servent le message des associations, en nettoyant par exemple des plages polluées avec leur communauté ou en s’engageant à parler d’écologie dans des podcasts créés spécifiquement pour l’occasion. Du côté des spectateurs, quelques voix se sont levées durant l’événement au sujet de la présence de quelques donation goals qui n’allaient pas forcément dans le sens du propos écologique, comme des voyages au Japon ou aux États-Unis (loin d’être neutres en carbone), ou même au sujet de la consommation énergétique du ZEvent, et . Au micro de M6, ZeratoR dit avoir eu vent de ces questionnements et tente de clarifier les choses : « On sait que ça pollue, on n’est pas du tout des bons élèves, on le sait. Nous on essaye à notre échelle de faire changer certaines choses, mais le ZEvent n’est pas une convention pour le climat; c’est une levée de fonds pour des associations qui sont spécialisées là-dedans. », explique-t-il.
Ils ont donc un peu plus de 48 heures pour « bourrer les dons » et ainsi débloquer un maximum de paliers, et tous les moyens sont bons pour cela. Domingo a imaginé tout un système qu’il a baptisé « Turbo Boost », prenant la forme d’une barre de progression en feu pendant un temps limité, incitant les gens à donner toujours plus avant la fin du compteur. AntoineDaniel et Étoiles, de leur côté, ont pris le temps de peindre des toiles en direct devant leur PC puis les ont vendues aux enchères à la personne qui fera le plus gros don pour les associations. Après avoir lu Le Temps des Tempêtes en live avec de l’autotune l’an passé, MisterMV a quant à lui remis le couvert cette année avec un filtre de caméra sur le visage, et s’est amusé à imiter Zinedine Zidane et Bigard durant tout le week-end. Et croyez-nous, ça a donné de grands moments.
Suivre le ZEvent, c’est être avec eux dans la salle
C’est aussi pour ça que plusieurs centaines de milliers de personnes se ruent chaque année sur Twitch pour suivre l’événement : il peut se passer n’importe quoi. En se baladant d’une chaîne à l’autre sur le site officiel du ZEvent, on prend l’ampleur de la diversité des formats et des contenus proposés par les différents streamers. La salle est bruyante, tout le monde s’agite devant son écran pour discuter, jouer et encourager les gens à donner de quelques façons que ce soit. PapeSan, créateur de contenu et photographe expatrié en Corée du Sud, s’est spécialisé dans les lives IRL et a passé une grande partie de son ZEvent à marcher dans la rue et à discuter avec des inconnus, donnant lieu à des rencontres parfois surprenantes. Beaucoup, comme NBK, MoMaN ou Skyyart ont préféré jouer à des jeux compétitifs comme Counter-Strike ou Valorant, pendant que d’autres lisaient un livre ou écoutaient de la musique avec des milliers de spectateurs.
Le fait que l’événement se déroule durant plus de deux jours avec des lives qui peuvent parfois s’étendre jusqu’à la quinzaine d’heures donne lieu à une proximité qui crée l’ambiance si particulière de l’événement. On peut en permanence voir ce qui se passe autour des participants, ce qui permet aux lives de communiquer les uns avec les autres. On sait quand ils vont dormir ou manger, on entend les cris des uns dans les micros de l’autre et surtout, ils n’hésitent pas à s’engrainer les uns avec les autres pour collaborer face caméra et rassembler leurs communautés. C’est une effervescence permanente qui pousse à sauter d’un stream à l’autre pour ne rien rater, et qui se manifeste aussi dans les chats. Suivre le ZEvent, c’est avoir l’impression d’être dans la salle avec eux quand les confettis explosent à chaque nouveau million dépassé.
Évidemment, l’idée n’est pas de rester éveillé pendant les deux jours de marathon. Chacun fait ce qu’il peut à son rythme et sans réel programme défini à l’avance, dans l’idée qu’il y ait toujours un live qui tourne quelque part pendant le week-end. DamDam prenait l’antenne très tôt le matin après une courte nuit pour mettre l’ambiance sur sa chaîne en jouant de la musique électronique, puis se reposait dans l’après-midi. Les rappeurs Bigflo et Oli, eux aussi participants au ZEvent de cette année, passaient généralement la soirée à discuter de rap avec le chat et se livraient au jeu de l’anecdote. Et le samedi soir s’est tenue, comme le veut la tradition, une session karaoké chez LittleBigWhale, réunissant une bonne quinzaine de streamers sur sa chaîne pendant qu’Antoine Daniel et Étoiles découvraient les joies du DJing à quelques mètres de là.
Questions Pour un Streamer et d’autres formats proches de la télévision
Au cœur ce festival d’improvisation et de moments de complicité se sont également organisés des événements en plateau, dans un local préparé à quelques mètres de la pièce où sont réunis les streamers. Un grand plateau qui a notamment servi à accueillir une partie de Questions Pour un Streamer, une émission « à la Burger Quiz » présentée par Étoiles et Alain Chabat qui s’est tenue pendant plus de trois heures et s’est même propulsée en première place des streams les plus regardés dans le monde le temps de sa diffusion. Le présentateur de Burger Quiz s’est pris au jeu de Twitch, en allant notamment parler aux participants du ZEvent devant leur caméra et en lisant des questions coécrites par la communauté. Pendant une petite heure, il est devenu participant du ZEvent en s’invitant sur les streams de plusieurs participants.
Les deux jours d’événements ont donc vu passer myriade de formats et d’émissions différentes, dont certains plus proches de la télévision : concours de dégustation, séances d’hypnose en groupe et émissions en plateau parfois un peu longues et moins maîtrisées, qui laissent penser que les moments où le ZEvent est le meilleur sont sans doute ceux où il n’essaye pas d’imiter la télévision. C’est clairement la spontanéité qui lui réussit le plus.
Justement, la soirée du samedi a été marquée par l’un des meilleurs lives du marathon, quand le streamer PapeSan s’est assis en loges à quelques mètres de la grande salle, puis a été rejoint par Etoiles et LeBouseuh, deux streamers venus prendre une pause au même moment. S’en est suivie une longue et captivante discussion improvisée, filmée au téléphone, où les trois vidéastes se sont ouverts et confiés comme des amis le feraient en soirée sur leur rapport à l’argent, la masculinité ou la célébrité.
Ce sont les formats comme celui-ci, dans l’anecdote, la confidence et la discussion, qui donnent un peu le ton du ZEvent de cette année : une édition plus calme qu’en 2021, avec moins de débordements et plus de spontanéité. Il y a encore des choses à améliorer du côté de l’organisation de l’événement, de certains formats maladroits ou de la diversité des participants (cette année encore, on trouvait très peu de femmes parmi les streameurs) mais tout au long du week-end, de nombreux spectateurs étaient contents d’assister à un ZEvent plus sérieux dans son propos, quitte à parfois se calmer un peu. Ça fait plaisir à voir.
Et le ZPlaces, alors ?
En plus du marathon de lives, l’organisation du ZEvent a cette année mis en place deux animations : une chaîne Twitch Plays Pokémon, où des milliers de spectateurs ont essayé de terminer Pokémon Vert Feuille en inscrivant des messages dans le chat, ainsi qu’une page /places (inspirée du subreddit /r/place) où les dons permettaient de placer un pixel sur une page blanche. La page a évidemment été remplie de pixels colorés et plusieurs streameurs ont pris part à des raids en motivant leur communauté à y dessiner certains motifs. Des cadres commémoratifs ont été mis en vente sur la boutique officielle et ont permis de récolter quelques centaines de milliers d’euros supplémentaires.
Le tweet de Macron, reçu avec colère par certains
En fin d’événement, lorsque les streameurs entamaient le rush de fin pour faire gonfler la cagnotte, Emmanuel Macron s’est fendu de son traditionnel tweet remerciant les participants aux ZEvent, s’adressant à eux face caméra en chemise dans une courte vidéo filmée au téléphone. Il les remercie de s’être mobilisés avant d’annoncer officiellement l’arrivée de deux championnats majeurs d’esports sur le territoire français en 2023 et 2024, dédiés à Counter-Strike et Trackmania.
Si son intervention était comme chaque année attendue, voire prise en plaisanterie par certains spectateurs dans le chat, l’ambiance était légèrement différente cette année en plateau à l’annonce de son tweet. Plusieurs vidéastes, à commencer par AngleDroit et Antoine Daniel, ont manifesté leur colère, après avoir visionné la vidéo.
Ils n’étaient pas seuls à s’insurger du soutien public du président dans un contexte où beaucoup verbalisent l’inaction du gouvernement au sujet des problématiques écologiques. Ponce et Horty, deux autres participants, se sont également moqués du message d’Emmanuel Macron et ont donné lieu à des discussions dans le chat avec leurs audiences respectives. Et c’est une bonne chose : si certains spectateurs se sont plaints de voir « de la politique débarquer sur leur ZEvent », le travail de sensibilisation et l’exercice de transparence auquel se sont livrés AngleDroit et Antoine Daniel est d’une importance capitale. Il est même presque aussi important que les millions d’euros récoltés.
Après plus de cinquante heures de marathon et deux heures de prolongations, le ZEvent 2022 a pris fin dans la nuit de dimanche à lundi, vers deux heures du matin. Le record de l’an passé a été battu avec 10 182 126€ récoltés au profit des cinq associations, grâce à une mobilisation sans précédent durant les dernières heures de l’événement.
Adrien Nougaret et Alexandre Dachary, organisateurs de l’événement, n’ont d’ailleurs eu de cesse de rappeler tout au long du week-end qu’il s’agirait sans doute du dernier ZEvent sous cette forme. « Ce n’est pas vraiment le dernier ZEvent, on veut juste faire revenir l’événement à échelle humaine, peut-être de manière plus locale avec moins de gens », confiait ZeratoR à nos confrères de FranceInfo. On ne sait donc pas encore sous quelle forme, mais les organisateurs du marathon caritatif semblent déjà plancher sur l’édition 2023.
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