Pas moins de 490 romans arrivent en librairies lors de cette rentrée littéraire 2022. Toutes les formes de littératures y ont donc leur place. La science-fiction est très représentée et elle mérite largement votre intérêt, car, dans un monde en mutation, elle forge l’esprit critique ; dénonce ; livre des alternatives.
Voici 5 ouvrages de science-fiction qui sortent du lot en cette rentrée littéraire. Des livres qui sont parfois à cheval entre les genres, car la SF peut prendre bien des formes.
Chien 51 (Laurent Gaudé)
« Cette ville, décidément, n’a pas de mémoire. Tout s’y perd et disparaît. »
Un nouveau roman de Laurent Gaudé est forcément un événement, d’autant plus lorsque l’auteur — récompensé du Goncourt en 2003 — explore un nouveau genre. Chien 51 reprend les codes de la science-fiction en construisant une ville futuriste dystopique.
On trouve une entreprise capable de racheter des pays en faillite comme la Grèce. Une cité technologique gargantuesque de surveillance généralisée, où la vie est fragmentée en zones, de la plus riche à la plus pauvre, et où les notions de citoyen et de salarié se confondent en celle de « cilarié ». Un dôme climatique protège par ailleurs de pluies acides, après un changement climatique qui s’est emballé. Au cœur de ce monde fatigué, anesthésié, une série de meurtres pousse un duo de personnages à raviver la mémoire du passé.
Laurent Gaudé livre un grand polar futuriste, certes peu optimiste, mais un appel furieux à garder le monde en vie.
On vous en parle plus en profondeur dans notre chronique complète de Chien 51.
Actes Sud. 304 pages.
Un psaume pour les recyclés sauvages (Becky Chambers)
Becky Chambers est une prodige de la science-fiction contemporaine et elle le prouve une nouvelle fois avec Un psaume pour les recyclés sauvages — l’un des meilleurs ouvrages SF de la rentrée littéraire 2022 mais aussi de ces dernières années. L’autrice américaine contribue au fil de ses textes à renouveler le genre en dressant des avenirs positifs.
Qui l’aurait imaginé : en accédant à la conscience, les robots ont quitté la civilisation technologique et humaine pour rejoindre la nature. Mais voilà que, quelque temps plus tard, l’un d’entre eux refait surface, Omphale. Il part retrouver Dex, moine de thé. La mission du robot est de répondre à une question : « De quoi les gens ont-ils besoin ? » Il en résulte l’étonnant récit d’un dialogue philosophique entre un robot et un moine sur les façons d’être au monde. Fusionnant spiritualité et technologies, l’ouvrage de Becky Chambers est une contemplation poétique et écologique, une pérégrination calme épicée de pointes d’humour.
Lire Becky Chambers n’a jamais fait autant de bien. Un psaume pour les recyclés sauvages est un conte philosophique moderne qui brille d’intelligence et de positivité. Cette novella, qui se déguste avec un plaisir immense, est un coup de génie derrière son apparente simplicité. C’est la SF dont on a besoin pour survivre à une société numérique où tout porte à nous faire croire que les horizons seront gris. En témoigne la magnifique couverture colorée de l’ouvrage, tout n’est pas perdu, loin de là.
Une traduction de Marie Surgers. L’Atalante. 133 pages.
La cité des nuages et des oiseaux (Anthony Doerr)
La cité des nuages et des oiseaux est un roman monumental dans tous les sens du terme. L’écrivain américain Anthony Doerr a développé une immense toile de destins entremêlés à travers le temps et l’espace. On voyage entre la ville de Constantinople au 15e siècle, aux années 1950, en passant par notre début de 21e siècle, jusqu’à un futur lointain où une humanité survit à bord d’un vaisseau spatial en forme de disque. Le point commun entre toutes ces époques et personnages ? Un même texte, issu de la Grèce antique.
Une fresque exceptionnelle portée par une plume maîtrisée, une déclaration d’amour totale et absolue à la littérature comme force salvatrice, un imaginaire foisonnant de détails : le roman d’Anthony Doerr est tout cela et plus encore. La collection Terres d’Amériques ne cesse décidément de livrer des ouvrages ambitieux et hors des sentiers battus.
Une traduction de Marina Boraso. Albin Michel. 704 pages.
Composite (Olivier Paquet)
Dans un futur proche où une révolte politique est sur le point d’exploser, Esther découvre que l’une de ses photos souvenirs datant du confinement de 2020 ne correspond étrangement plus au souvenir qu’elle s’en faisait. Un subtil changement sur un balcon fleuri. En enquêtant sur cette troublante modification de son passé, elle fait la rencontre de Vincent, flic chargé d’enquêter sur les réseaux pédocriminels à l’aide d’un réseau d’intelligences artificielles. Lui aussi voit l’une de ses photos être modifiée.
Après Les Machines Fantômes, son nouveau roman Composite installe Olivier Paquet comme l’une des références françaises du technothriller. L’auteur y développe plus en profondeur ses questionnements sur l’impact des algorithmes dans nos vies. Composite emprunte à l’anticipation politique et au roman policier. L’angoisse et les questionnements éthiques s’entremêlent, d’une plume qui nous happe.
Nos souvenirs sont-ils réductibles à un ensemble de pixels composites comme trame de notre personnalité et de nos relations ? L’être humain est-il aussi binaire que ses technologies ? Composite est un roman aussi inquiétant que pertinent sur notre mémoire individuelle et collective à l’ère numérique.
L’Atalante. 270 pages.
À lire en complément : notre entretien avec l’auteur pendant le confinement
Un Pays de fantômes (Margaret Killjoy)
« La Compagne Libre de l’Andromède bleue s’était assez bien débrouillée sans commandement central, mais elle ne comptait que trente membres. Je voyais mal un pays entier en faire de même. Ils avaient forcément des lois, j’en étais sûr. Peut-être en avaient-ils simplement honte ? »
Autrice transgenre et militante anarchiste, Margaret Killjoy a construit une utopie passionnante et pleine de nuances, dans l’héritage des Dépossédés d’Ursula Le Guin. Dans un monde fictif, le narrateur est un journaliste envoyé au front pour documenter une invasion : celles de forces impériales conquérantes contre un pays au régime politique anar. Les convictions du narrateur vont s’effriter, à mesure qu’il découvre — humainement, politiquement — un pays qui ne correspond pas à ses aprioris.
Si la démarche d’une SF de l’ailleurs et de l’autrement rappelle Ursula Le Guin, la forme fait écho à Ecotopia, court roman de 1975 où un reporter visite un État fictif ayant fait sécession pour développer un régime écologiste. Un Pays de fantôme est un récit de voyage à la plume merveilleusement évocatrice. Une quête initiatique remplie tout autant d’action que de réflexions politiques.
À une époque où le besoin d’alternatives est criant, le roman de Margaret Killjoy fait partie des nouvelles lectures essentielles pour penser l’utopie.
Une traduction de Mathieu Prioux. Argyll. 199 pages.
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