Toute rentrée littéraire est marquée par les préoccupations de son époque. C’est ainsi que l’ouvrage de Virginie Despentes remue nos craintes et espoirs sur les réseaux sociaux ; que Laurent Gaudé construit une angoissante ville dystopique ; ou qu’Anthony Doerr interroge l’utopie.
Mais, quid de la thématique environnementale — ou plutôt de la métamorphose dans notre rapport au vivant ? Elle n’est pas seulement présente dans les ouvrages SF de la rentrée. Que ce soit du roman historique, du roman fantastique, du roman de science-fiction ou du roman de survie, nous vous présentons 4 œuvres de la rentrée littéraire 2022 qui montrent combien la littérature peut singulièrement nourrir nos imaginaires écologiques.
Le Dernier des siens (Sibylle Grimbert)
Le roman de Sibylle Grimbert est la petite merveille écologique de cette rentrée littéraire. Elle est puissante derrière sa douceur. On est au 19e siècle, lorsqu’un jeune zoologiste sauve un grand pingouin d’un massacre. Il entreprend alors un voyage pour le rapatrier, et ainsi protéger, sans réaliser d’emblée qu’il s’agit du dernier individu de son espèce.
Sibylle Grimbert ne nous décrit pas seulement une forme d’amitié entre un humain et un animal. Elle parvient à le faire sans caricaturer. Le Dernier des siens n’est pas une fable qui transformerait ce pingouin en un animal humanisé. Tout au contraire. C’est en conservant la frontière entre les deux espèces qu’elle décrit cette relation, en jouant ainsi sur d’autres ressorts, plus profonds, de l’empathie. Cela marche : on s’attache autant à l’humain, Auguste, qu’à l’animal, Prosp.
Sibylle Grimbert invite magnifiquement à repenser la cohabitation entre l’humanité et la nature. Être au monde, ce n’est pas réservé qu’aux humains. Le Dernier des siens en est un poétique et doux rappel.
Jusque dans la terre (Sue Rainford)
Entre fantastique, horreur et poésie, Jusque dans la terre est atypique à bien des égards. Le roman de l’autrice irlandaise Sue Rainford s’appréhende moins comme une histoire classique que comme une expérience littéraire. Vous y trouverez des guérisseurs — Ada et son père — dont le rôle est d’ouvrir les entrailles pour soigner. Mais lorsque le mal est trop ancré, le malade est mis sous terre pour que celle-ci fasse son œuvre bienfaitrice. Mais attention à la métamorphose — parfois monstrueuse — qui peut s’opérer.
Dans sa description du lien entre les personnages et la terre, l’écriture de Sue Rainford rappelle celle de Mary Shelley — dans l’héritage du Dernier Homme pour les environnements et de Frankenstein pour le corps. C’est une description étrangement gothique du monde et de la nature, dont résulte une œuvre organiquement terrienne.
Une traduction de Francis Guévremont. 224 pages.
Les chants de Nüying (Émilie Querbalec)
D’ici à cinq siècles, imaginez que nous découvrions une exoplanète lointaine portant enfin des signes d’une vie biologique : Nüying. Ces signes ne sont autres que des chants, très proches de ceux des baleines sur Terre. Brume est bioaccousticienne et c’est en raison de cette spécialité que l’on a besoin d’elle. Elle embarque alors dans un cargo spatial pour un voyage interstellaire.
Sur le papier, il s’agit d’un space opera — roman de science-fiction d’exploration spatiale vers un nouveau monde. Et, oui, l’autrice nous embarque dans une grande aventure, portée par de solides recherches scientifiques. Mais ce n’est pas tout : un formidable récit écologique se cache derrière l’épopée narrée par Émilie Querbalec.
Les chants de Nüying est en fait un roman sur le vivant — de la coévolution à la communication inter-espèces en passant par l’interrogation de la notion même d’intelligence ou le souci de préserver les écosystèmes aussi au-delà de la Terre. Toute la structure du roman d’Émilie Querbalec repose sur un amour palpable de la nature. Et cela fait du bien dans un roman qui évoque pourtant un grand voyage spatial. L’autrice confronte subtilement les préoccupations transhumanistes, le gigantisme technologique d’une quête interstellaire, avec les enjeux écologiques. Pour ne rien gâcher, la plume fluide d’Émilie Querbalec porte un roman captivant qui s’apprécie comme un page turner.
480 pages.
Et la forêt brûlera sous nos pas (Jens Lijestrand)
L’ouvrage de l’écrivain suédois Jens Lijestrand est tout à la fois un roman sur la société de consommation et un roman sur le réchauffement planétaire, sur une société qui part en fumée par manque de réaction. Et Jens Lijestrand met justement à l’épreuve les réactions de ses personnages. Le point de départ : en plein cœur de l’été, des feux de forêt se déclarent successivement et Didrik s’y retrouve pris au piège avec sa famille. Mais le métier de Didrik est aussi d’intervenir dans les médias.
Et la forêt brûlera sous nos pas place la responsabilité individuelle au cœur de son récit, comme pour chercher à relier l’impensable : le destin d’une planète et celui de chaque personne individuellement. Dans un navire, chaque choix compte-t-il ?
Une traduction d’Anna Postel. 528 pages.
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