C’est la dernière affaire qui agite Twitch : la plateforme va baisser le salaire d’une partie de ses streameurs. C’est dans une longue lettre, publiée le 21 septembre, que Dan Clancy, son président, a fait son annonce : delà de 100 000 dollars, Twitch prélèvera 50 % des revenus, et non plus 30 %.
L’affaire a largement fait réagir, que ce soit les streameurs concernés par cette amputation, ou les spectateurs et spectatrices. Car non seulement Twitch a pris cette décision de manière unilatérale, sans consulter les vidéastes, mais le partage des revenus à 70 % pour les vidéaste et à 30 % pour Twitch n’était pas censé exister.
Les streameurs ne bénéficiaient pas tous du même partage de revenus
Avant de continuer cet article, il est nécessaire de revenir sur le système de redistribution des revenus. Publiquement, Twitch a toujours dit que les vidéastes ne gagnaient que 50 % des abonnements payants, tandis que la plateforme empochait le reste. Mais, comme Dan Clancy le reconnait dans sa lettre, l’accord n’était pas le même pour tout le monde : « Pendant un certain temps, nous avons proposé des accords standard avec des conditions d’abonnement premium à certains streameurs en expansion ». Pour les vidéastes concernés, le partage des revenus était de 70 % pour eux, et 30 % pour Twitch, ce qui est très avantageux.
« Ce n’est pas quelque chose dont nous avons parlé ouvertement, mais ces accords sont de notoriété publique au sein de la communauté des streameurs », indique Dan Clancy. « Nous n’avions pas établi de cadre de référence pour déterminer qui recevrait ces offres et quand », mais dans les faits, ces contrats « étaient généralement proposés aux streameurs les plus populaires », reconnait-il. Ce programme avantageux a existé depuis les débuts de Twitch, mais « il y a plus d’un an, nous avons pris la décision de cesser d’offrir ces accords premium aux nouveaux streameurs qui n’en bénéficiaient pas déjà.»
Son abandon s’accompagne donc de la baisse du revenu : « Pour ceux qui bénéficient encore des conditions premium, nous ajusterons celles-ci afin qu’ils conservent le partage à 70/30 sur les revenus d’abonnements dans la limite des premiers 100 000 dollars. Les revenus générés au-delà de 100 000 dollars seront partagés sur la base standard de 50/50. »
« Twitch dicte toutes les règles du jeu »
Sans surprise, l’annonce de la baisse des rémunérations ne passe pas bien auprès des streameurs. « C’est une décision unilatérale de la part de Twitch, et c’est un problème », explique ZeratoR, joint par Numerama. Le vidéaste, l’un des plus populaires de France avec 1,5 million de followers, a été l’un des premiers à prendre la parole sur Twitter.
« Je ne suis pas un streameur seul dans ma chambre, il y a toute une entreprise derrière moi et on vient de perdre 20 % de notre chiffre d’affaires. Forcément, on se pose des questions pour le futur. » La baisse des revenus est prévue pour juillet 2023 — mais il se préoccupe déjà du budget. « Quand je vois l’année 2022 et tous les trucs de dingues qu’on a faits, je me dis que si j’avais eu 20 % de revenus en moins, ça aurait été dur, et je n’aurais pas tout fait ».
Il tient cependant à relativiser : « Nous, on fait beaucoup d’événementiels, mais pour 99 % des streameurs touchés par la décision — et il y en a peu — ça ne va rien changer à leur vie.»
La déception est néanmoins palpable même chez les streameurs qui ne sont pas directement concernés par le changement. « Il y avait des rumeurs comme quoi on pouvait réussir à négocier un contrat en 70-30 à partir de 500 abonnements », raconte Nat’Ali, qui n’avait pas le droit au traitement de faveur. « Ça motivait de ouf, on se disait qu’on pourrait être beaucoup moins précaire, c’était un but. Là, c’est terriblement décourageant de savoir qu’ils ont arrêté le programme. Je me demande pourquoi je continue de demander aux gens de s’abonner. »
C’est aussi le côté unilatéral de la décision qui crispe : « On a conscience que Twitch maitrise toutes les règles du jeu », regrette ZeratoR au téléphone, « mais ils ont le monopole du marché : je pense qu’ils se sont dit que ce n’était pas très grave si le top 1 % des streameurs râlaient, parce qu’ils savaient qu’ils resteraient leader quand même ». « Twitch profite du fait qu’ils ont le monopole du stream, parce que prendre 50 % des revenus, c’est complètement délirant », abonde Nat’Ali. « Aucun autre site ne fait ça. Et dans le monde du travail, ça serait absurde qu’une plateforme prenne une commission de 50 % à des travailleurs indépendants ».
« On a l’impression que Twitch se fout de nous »
Malgré la déception, personne n’est surpris : « maintenant que Twitch cherche à être rentable, c’était évident que ça allait arriver », analyse ZeratoR. « À part les abonnements, il y a encore peu de choses qui rapportent chez Twitch, et il y a beaucoup de choses qui coûtent de l’argent. Un nivellement par le haut est impossible, et là, on se dirige vers beaucoup moins d’argent pour les streameurs. C’est ce que YouTube a fait aussi il y a quelques années », se souvient-il.
« C’est se tirer une balle dans le pied à court terme, mais c’est probablement la seule chose à faire pour le moyen et le long terme pour qu’ils fassent assez de marge pour continuer à exister », estime ZeratoR. Mais Nat’Ali n’est pas aussi catégorique. « On a l’impression que Twitch se fout de nous. Utiliser l’excuse de « ça coûte cher » alors qu’Amazon (qui a racheté Twitch en 2014, ndlr) est l’entreprise la plus riche au monde, c’est nul. »
L’annonce passe d’autant moins bien qu’en août 2021, Twitch avait déjà annoncé, sans prévenir en amont les vidéastes, qu’il allait baisser les prix des abonnements. « Ce changement a déjà fait beaucoup baisser mon salaire », regrette la streameuse. « On a l’impression que Twitch se fout de nous.»
Le sentiment est partagé. « Je vois de plus en plus de streameurs dire à leurs abonnés d’arrêter de s’abonner sur Twitch et de passer par uTip ou Paypal, et je pense que je vais faire ça aussi. Tout le monde en a marre, et je me dis qu’il faut vraiment que Twitch se méfie de ça ». ZeratoR ne s’inquiète cependant pas pour le futur de la plateforme. « C’est une perte d’image de marque, c’est vrai, mais les gens ne vont pas quitter Twitch. C’est difficile de dire à quel point cette décision pourrait les impacter de manière négative.» Tous les deux sont en cas d’accord : tant que Twitch aura le monopole du stream, ils feront ce qu’ils voudront.
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