C’est une voix reconnaissable entre mille. Profonde, vibrante, chaleureuse. Du moins, tant qu’elle n’était pas utilisée pour donner vie à l’un des plus célèbres vilains du cinéma, Dark Vador. C’est là tout le talent de James Earl Jones : savoir employer ses capacités vocales pour asseoir la prestance et le charisme du sinistre sombre seigneur vêtu de noir. Mais, voilà : James Earl Jones a 91 ans et il est temps pour lui de prendre sa retraite.
Dès lors, qui peut succéder à James Earl Jones ? Si l’Américain se retire après avoir donné sa voix à Vador pendant 45 ans (le premier film de la saga est sorti en 1977), le personnage qu’il incarnait a encore de beaux jours devant lui. Pas question pour Disney et Lucasfilm d’y renoncer.
Cette problématique ne se pose pas réellement pour qui regarde Star Wars en version française : plusieurs acteurs se sont succédé pour doubler Vador. Il y a d’abord eu François Chaumette, pour l’épisode 4, puis Georges Aminel pour les épisodes 3, 5 et 6. Depuis, c’est Philippe Catoire qui donne vie à Vador, Rogue One, l’épisode 9 et plusieurs jeux vidéo, comme Fallen Order.
« James Earl Jones » succède à James Earl Jones pour Dark Vador
C’est en fait James Earl Jones qui succèdera à James Earl Jones. L’acteur a accepté que ses enregistrements de voix puissent servir dans des projets avec Dark Vador. Et, des archives, il y en a : six films (la trilogie originale, Rogue One, Rise of the Skywalker, La Revanche des Sith), deux séries TV (Obi-Wan Kenobi, Rebels) et diverses participations, comme des jeux vidéo.
C’est Vanity Fair qui a apporté la nouvelle le 23 septembre 2022. Il s’avère que la voix de James Earl Jones comme Dark Vador est déjà retravaillée ; d’une part, pour lui donner une teinte artificielle, et d’autre part, pour atténuer les effets de l’âge sur les performances vocales de l’acteur. La voix ne sonne pas pareil quand on a 91 ans. Ce travail a été notamment fait pour la série Obi-Wan Kenobi, où le seigneur Sith occupe une place centrale.
Ces retouches ont eu lieu dans des circonstances exceptionnelles : une entreprise ukrainienne, Respeecher, a été sollicitée par Lucasfilm pour adapter la voix de James Earl Jones afin qu’elle sonne juste pour un Vador alors « jeune », à une époque précédant le tout premier film. Or au même moment, la Russie lançait son invasion de l’Ukraine, forçant Respeecher à boucler précipitamment les fichiers sonores, avant d’envoyer le tout à la société Skywalker Sound, en Californie. Celle-ci chapeaute tout le son dans Star Wars (effets sonores, mixage, montage, etc.).
Par la seule magie du montage, il est possible de reconstruire des phrases entières. C’est possible si l’on dispose d’assez d’éléments pour réassembler les mots entre eux, à un niveau tel que l’on ne peut plus déceler le trucage à l’oreille. Une voix peut aussi être réajustée de manière artificielle, en lui appliquant divers effets — un caractère mécanique, par exemple, afin de donner l’impression qu’elle passe à travers un casque et un masque respiratoire.
Les progrès en informatique permettent aussi de mobiliser des algorithmes et des procédés en intelligence artificielle (IA) pour créer des mots et des propos inédits, en analysant des échantillons de voix. On voit apparaître ces dernières années des outils capables de simuler la voix de n’importe qui et, sans surprise, des attaques basées dessus, pour duper une personne.
Ce faisant, Disney et Lucasfilm peuvent être tranquilles. La disponibilité des archives sonores de James Earl Jones en tant que Dark Vador, le savoir-faire de Skywalker Sound pour moduler la voix de l’acteur en fonction des projets et la montée en puissance d’outils en IA, ainsi que l’émergence de startups comme Respeecher (qui avait déjà utilisé des archives de la voix de Mark Hamill pour imiter la voix de Luke Skywalker, jeune) font que l’on réentendra longtemps les sombres intonations du Jedi déchu.
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