Sorti sur Steam au milieu du mois de septembre, Trombone Champ a très vite vampirisé l’attention des musiciens du dimanche, pour totaliser plusieurs millions de vues en quelques jours sur les réseaux sociaux. Il doit ce succès éclair à une chose : quand on joue des notes au trombone, ça fait des bruits de prout. C’est tout. Derrière les flatulences et les streamers hilares, il y a cependant de bonnes idées et des raisons assez surprenantes.
Personne ne joue à Trombone Champ pour l’amour de la musique
Dans les quelques jours qui suivent sa sortie le 16 septembre dernier, Trombone Champ ne fait pas trop de bruit. Il débarque discrètement sur les étals de Steam comme un jeu de rythme parmi tant d’autres, et n’est pas spécialement attendu par une communauté particulière. Moins d’une semaine après sa sortie cependant, on commence à voir des vidéos inonder les réseaux sociaux. En l’espace de quelques heures, des centaines de milliers de personnes voient et relaient ce qu’on présente comme « le premier jeu de trombone jamais créé ».
Alors c’est vrai, c’est effectivement le premier jeu de rythme où l’on manie un trombone. Mais on ne nous la fait pas, à nous : on sait que ce qui a autant intéressé les gens, c’est le bruit que font les fausses notes dans Trombone Champ. On dirait des prouts. Derrière la cinquième symphonie de Beethoven ou le Beau Danube saccagés, on peut presque systématiquement entendre quelqu’un se retenir de rire en voyant ce que ce jeu fait subir à la musique classique.
On pourrait penser qu’un jeu musical où il faut simplement bouger la souris de haut en bas pour jouer la bonne note, ça se joue facilement. Pourtant, certaines musiques sont pensées comme étant presque impossibles à jouer, puisqu’elles demandent d’enchaîner une quantité folle de bonnes notes pour faire grossir sa barre de combo. Holy Wow, le studio fondé par Dan Vecchitto, revient d’ailleurs sur sa vision sur le site GamesDeveloper : « Le truc sympa avec Trombone Champ, c’est que c’est beaucoup plus drôle quand on joue mal. C’est un peu un jeu basé sur l’échec, alors je n’avais pas trop à me soucier de concevoir chaque niveau parfaitement. Techniquement, c’est du mauvais design, mais ça marche ! »
« Le truc sympa avec Trombone Champ, c’est que c’est beaucoup plus drôle quand on joue mal.»
Dan Vecchitto chez GamesDeveloper
Il suffit donc de faire glisser sa souris sur les notes qui arrivent, et de cliquer au bon moment pour marquer le plus de points. Le développeur du jeu a d’ailleurs confirmé que le système de score était avant tout basé sur la justesse de la note, et moins sur le timing. L’important, c’est donc de se rapprocher de la musique originale sans trop la saccager. Hafiz Azman, un autre créateur de jeux musicaux, a justement publié un fil d’explications sur Twitter où il revient sur l’une des idées assez originales de Trombone Champ : les notes qu’on entend correspondent exactement aux notes que l’on joue.
Dans des titres Guitar Hero, jouer une note en décalé n’a pas trop d’impact, puisque le jeu réajuste automatiquement le son au moment précis où il doit être joué dans la chanson, à partir d’une piste de guitare pré-enregistrée. Ici, cette correction automatique n’existe pas. On entend donc réellement des fausses notes si on joue mal, et c’est l’un des petits détails qui explique l’hilarité des gens devant les vidéos du jeu.
Trombone, babouins et arc-en-ciel
En plus d’être un jeu qui parvient à faire de l’échec quelque chose de singulièrement drôle, le jeu de Holy Wow a une ambiance qui s’écarte quand même pas mal de ce qu’on attendrait d’un jeu de trombone. Des petits bonshommes en 3D qui s’agitent durant les parties au doux bruit de la corne de brume qui hurle POUIIIIINP après un combo… on a du mal à se dire qu’on est en train de jouer de la musique que certaines personnes payent pour aller écouter à la Philarmonie.
Pire encore, certains morceaux sont accompagnés d’un habillage particulier, comme l’hymne américain et ses burgers ou les chevaux-arc-en-ciel de The Old Gray Mare. En parlant de son jeu, Dan explique que c’est « d’abord une blague, et deuxièmement un jeu vidéo », une affirmation qui sonne comme une évidence dès qu’on lance Trombone Champ.
Il y a une vingtaine de morceaux jouables, et une tonne de systèmes empruntés à d’autres jeux : barres de progression, éléments de personnalisation à débloquer, cartes à collectionner et même des secrets, soigneusement cachés dans les différents menus du jeu. La cinématique d’introduction est par exemple une parodie de Dark Souls, et Dan a décidé de pousser la blague jusqu’à coder un faux menu inspiré des jeux de From Software.
En jouant, on récupère même une monnaie qui permet de débloquer des cartes à collectionner contenant des anecdotes — pas toujours vraies — sur de célèbres musiciens et sur l’histoire du trombone. On peut par exemple apprendre que Debussy adorait les cheeseburgers, ou que le premier trombone daterait d’il y a vingt millions d’années. C’est évidemment faux. Mais il n’y a pas que des mensonges dans Trombone Champ : toutes les anecdotes sur les babouins, elles, sont vraies.
Croyez-le ou non, les babouins ont une place très importante dans le jeu musical de Holy Wow, presque autant que les trombones. On en trouve dans les menus, dans certaines musiques, sur quelques cartes et même dans la plupart des secrets du jeu. Un mode spécial « Babouin » redirige par exemple vers une caisse fermée à clé, qu’il faut débloquer en jouant pour voir ce qui se cache derrière un symbole de babouin doré. Une fois ouverte, la caisse donne accès à de nouveaux paramètres, comme la possibilité de régler précisément le nombre de babouins en jeu ou d’accéder à une nouvelle musique simplement appelée… « Babouins ».
Interrogé par PC Gamer, Dan s’est un peu étendu sur sa relation si particulière avec les singes : « À la base, le premier mode de difficulté s’appelait Bébé et le plus dur Bonkers. Il fallait donc que je trouve un mot qui commence en B pour la difficulté moyenne, et c’est là que j’ai eu l’idée des babouins. Je suis devenu obsédé par les babouins, j’en ai mis le plus possible dans le jeu. » Il raconte même que l’arrivée des babouins s’inscrivait, selon lui, parfaitement dans l’ambiance qu’il voulait créer avec Trombone Champ.
Les babouins sont surtout là parce que le mot babouin est marrant. Comme les monnaies, qui sont appelées « toots » et « turds » parce que c’est drôle.
Dan Vecchito chez PC Gamer
À la sortie du jeu, Dan n’imaginait pas un tel succès pour un simple jeu musical de trombone. Le jeu a commencé à se faire une place sur Twitch et en quelques jours, il totalisait des millions de vues sur les différents réseaux, au point que même les enthousiastes de l’instrument s’y intéressent. « J’étais surpris de constater que même les vrais joueurs de trombone étaient réceptifs au jeu. À la base, j’avais essayé de contacter des streamers spécialisés en trombone, mais ce n’est pas évident… J’en ai trouvé trois », a-t-il déclaré.
Aujourd’hui, Trombone Champ a rentabilisé ses coûts de développement, et Dan se dit très satisfait du succès commercial du jeu, après avoir travaillé pendant des mois pendant son temps libre. « La rentabilité du jeu est une vraie surprise ! Il va clairement impacter nos vies à court et moyen terme. C’est une bénédiction, mais aussi quelque part une malédiction : on a un travail classique la journée, et on essaie d’assurer le suivi du jeu le soir et le weekend, c’est difficilement tenable ».
La page Steam du jeu détaille les ajouts à venir pour le jeu « des trombones qui font prout », et explique que davantage d’options d’accessibilité et plus de musiques sont prévues, en attendant l’arrivée d’un éditeur de niveaux pour importer ses propres chansons. Ça tombe bien, ça laisse encore du temps aux gens pour imaginer mille et une façons d’y jouer, comme cet internaute qui a réussi à y jouer avec un vrai trombone. La boucle est bouclée.
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